De la plume et de l’épée
En 1989, Marcus Brody déclarait à Henry Jones Sr : "Tu vois, la plume est plus puissante que l'épée !" (Indiana Jones et la Dernière Croisade).
Voilà un adage qui nous semble sorti de la nuit des temps.
Certes le sage assyrien Ahiqar, qui aurait vécu au VIIème siècle avant J.C. (pas VanDamme, l'autre) enseignait que le mot est plus puissant que l'épée.
Bon, mais entre les deux, il s'est bien présenté un penseur, un esprit qui l'a taillé sur le marbre, le papyrus ou le papier, oui mais qui, et quand ?
La plume est plus puissante que l'épée : voilà une idée qui a du faire couler de l'encre... et du sang.
Si la citation de notre assyrien en est proche, il semble qu'il y a eu moult tâtonnement avant de revenir à notre plume.
Le dramaturge grec Euripide, avant de décéder vers 406 avant J.C. aurait écrit :
La langue est plus puissante que la lame. Malheureusement il semble impossible d'en vérifier la source, la citation n'apparaît que dans un roman de Robert Graves en 1935 (I, Claudius) et peut donc être un anachronisme.
Dans l'Epître aux Hébreux - dont la paternité semble incertaine (peut-être à cause de cette habitude de faire l'épître) - le verset 4-12 dit :
Car la parole de Dieu est vivante et opérante, et plus pénétrante qu'aucune épée à deux tranchants, et atteignant jusqu'à la division de l'âme et de l'esprit, des jointures et des moelles ; et elle discerne les pensées et les intentions du coeur.
Selon la parole du Prophète Mahomet : L'encre du savant est plus sacrée que le sang du martyr. Plus tard, du roi Abdullah-Khan II décédé en 1598, on dira que Il avait plus peur de la plume d'Abu'l-Fazl que de l'épée d'Akbar.
Mais il semble qu'il faille chercher du côté de la perfide albion pour avancer dans notre enquête.
En 1600, William Shakespeare écrit dans Hamlet : Bien des gens portant l'épée ont peur des plumes d'oie (Acte 2, scène II).
En 1621, Robert Burton, dans son Anatomie de la mélancolie, écrivait :
Un vieil adage dit que "Le coup porté par un mot frappe plus fort que le coup porté par une épée, et beaucoup d'hommes sont aussi irrités par une calomnie, une diffamation, une moquerie ou une médisance... ou toutes ces sortes de choses, que par n'importe quelle autre infortune". Il nous apparaît donc clair que la plume peut se révéler bien plus cruelle que l'épée.
Napoléon Bonaparte (1769-1821) a également laissé cette remarque souvent citée :Quatre journaux hostiles sont plus à craindre qu'un millier de baïonnettes.
Mais il faudra attendre mars 1839 pour que Edward Bulwer-Lytton (plus connu en France pour les Derniers jours de Pompéi) place dans la bouche de Richelieu - dans sa pièce Richelieu (je passe ici sur le manque total d'originalité des auteurs anglais dans leur titres, voir plus haut), joué par William Charles Macready devant la reine Victoria, acte 2, scène II (quand je vous dis qu'ils manquent d'originalité !) :
The pen is mightier than the sword
Et depuis, cette phrase n'a cessé d'être reprise, commercialement dès 1852, dans la littérature en 1876, politiquement en 1916, sur un mur du Thomas Jefferson Building (Bibliothèque du Congrès) en 1897, puis sous forme latinisée sur des façades d'université en Angleterre, aux USA et au Japon, et au cinéma en 1989 dans Batman et, la boucle étant bouclée, Indiana Jones 3.
Edward Sherman Gould, critique littéraire américain et traducteur entre autres de de Dumas, Balzac et Hugo, avait écrit dès 1870 que Bulwer a eu la bonne fortune de réaliser ce que peu d'hommes peuvent espérer : il a écrit une ligne susceptible de traverser les siècles.
Force est de reconnaître qu'il avait vu juste...
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