Debra Paget : La petite sainte affolante
Dans la série « les plus belles femmes du monde selon moi » commencée sur AgoraVox, je veux rendre hommage à une actrice hollywoodienne assez méconnue, que j’ai redécouverte récemment. Et ce verbe est choisi…
Je la connaissais surtout dans le rôle de Lilia, la petite porteuse d’eau dont Josué est amoureux dans Les Dix Commandements, et que convoite l’infâme Dathan. Elle y concurrence Anne Baxter, la femme de Pharaon (autre beauté que l’on retrouvera en 1973 dans l’épisode de Columbo « Requiem pour une star ») et Yvonne de Carlo, sublime dans le rôle de Sephora, l’épouse de Moïse. Debra Paget est ce qu’on pourrait appeler un petit bijou. Un visage parfait, harmonieux, des joues magnifiques, une bouche pulpeuse, un nez élégant, enfin bref, description nulle et plus standardisée que son visage à la fois « normé » et attendrissant. Une fiche qui lui est consacrée dit d’elle : « regard de braise, séduisant ; menue [on verra que c’est un peu faux], svelte et incroyablement sexy ; long cheveux noirs. » Car cette brune aux cheveux très longs a quand même une particularité, qui ne tient pas qu’à son rôle d’esclave israélite : son regard respire la douceur et la gentillesse, tout en sachant dégager quelques flammes provoquantes. Quant à son corps, Debra semble effectivement assez petite ; d’après mes informations, elle mesure 1,57m, ce qui semble plausible. Habillée, en esclave simple ou en objet de plaisir parée d’étoffes colorées et chargée de colliers, ou encore en jeune Indienne dans La flèche brisée (magnifique western où les Indiens ne sont pas traités comme des sauvages), cette petite brune au teint chaud est craquante.
Il y a quelque temps, j’ai découvert qu’elle avait joué dans un double film de Fritz Lang, Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou. Dans ce dernier film, elle doit subir un « jugement de déesse », en l’occurrence Shiva, et danser devant un cobra. Au début de la scène, elle est entièrement enveloppée d’un long manteau bleu ; on ne voit que sa belle tête brune. Puis, elle glisse une main sinueuse hors du manteau, puis l’autre. On s’attend à un strip-tease très progressif. Mais soudain, elle lève vivement ses bras à la verticale. Suffocation : elle est nue !
Enfin nue… pas tout à fait. Elle est parée de trois « feuilles » argentées qui dissimulent son sexe et ses seins et qui, en fait, la dévoilent plus qu’elles ne la cachent. Quelle splendeur ! Quelle charge érotique ! Aucune ficelle ne retient ses parures, rien ne vient parasiter la courbe de son corps. Je dis la courbe parce que celle-ci, du haut jusqu’en bas, est d’une fluidité que rien ne vient interrompre. Les rondeurs de ses hanches sont prodigieusement attirantes, et inhabituelles ; elle a un ventre d’acier, des jambes un peu épaisses, superbement galbées, et un postérieur affolant. La danseuse professionnelle qu’est Debra Paget est musclée, mais aucun de ses muscles ne ressort. C’est une très bonne nageuse, elle doit être parfaitement hydrodynamique. Sa danse pleine de contorsions est très sensuelle ; il n’y a pas que le cobra qui est hypnotisé, les hommes autour d’elle aussi, et celui qui écrit sur elle aussi. C’est de l’érotisme poussé au maximum décent, même si on s’interroge sur la place du curseur de ce maximum. Les feuilles d’argent ne se décolleront pas, de la belle on ne verra pas plus que ce qui est autorisé, mais l’effet est puissant. Mademoiselle Paget est une splendeur rare, au galbe original et, cette fois, pas du tout standard. Elle n’en est que plus voluptueuse. Mais là encore, elle joue le rôle d’une femme humble, modeste et en danger de mort ; seule sa beauté est provoquante.
Belle et bien sage
Debra Paget, bien avant Brigitte Bardot, interrompt sa carrière en 1963 au cinéma et en 1965 à la télévision. Sa vie sentimentale n’est pas réussie (mais heureusement pour elle, ses parents ont refusé qu’elle se marie avec Elvis Presley, avec qui elle avait tourné Love Me Tender ; ça lui aura évité d’être une jeune veuve et sans doute de graves déboires). Comme Bardot, comme Kim Novak et probablement quelques autres actrices trop aimées et trop amoureuses, Debra trouve sans doute que l’Éternel n’a pas fait de l’homme un partenaire suffisamment valable, et vieillit tranquillement avec ses animaux. On apprend qu’elle est une born-again Christian, c’est-à-dire une chrétienne convertie (ce que, évidemment, sa fiche Wikipedia en français passe soigneusement sous silence). Elle a même eu sa propre émission sur la chaîne Trinity Broadcasting Network.
Dans une émission de radio datant de 2019, cette charmante vieille dame (qui a aujourd’hui 87 ans) est d’une parfaite gentillesse et son vocabulaire est très religieux. Elle dit qu’elle ne se rappelle pas ne pas avoir parlé au Seigneur depuis qu’elle est née. Elle dit qu’on a toujours besoin du Seigneur : « it’s so simple ! », affirme-t-elle avec une… simplicité touchante. Pendant le tournage de La flèche brisée, elle affirme qu’elle n’avait que 14 ans (en fait, au moins 16 en tenant compte de la période du tournage) et que « Jimmy » Stewart en avait 40 et que « c’était un ange ». Elle n’a que des bons souvenirs, elle est reconnaissante pour tout. Sa carrière ne lui laisse aucun regret, elle se dit « so blessed », « tellement bénie ». Cecil B. de Mille l’avait recrutée sans audition pour Les Dix Commandements parce qu’il sentait que « la main de Dieu » était sur elle. Que demander de mieux qu’un agent aussi haut placé ?
Ce témoignage paisible, irénique, confirme l’impression première : cette petite beauté affolante est une gentille fille, même si sa mémoire est sélective – quelques maladies respiratoires, divorces, contrats avortés, etc. C’est une Américaine chrétienne, ou une chrétienne américaine, cette double qualification fonctionnant en symbiose bien huilée, sans les tourments philosophiques à l’européenne ou les crises mystiques à la russe.
En tous cas, les images d’elle qui nous resteront dans plusieurs films, dont deux au moins sont légendaires, continueront à nous ravir. Cette jeune femme avait un charme fou mais pas le côté intimidant d’une femme fatale. Elle n’est pas une mangeuse d’hommes.
Ce sont plutôt les hommes qui la mangent des yeux.
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