Depuis plusieurs années, Françoise Hardy évoque régulièrement la fin de vie
« Partir quand même
pendant qu'il dort
pendant qu'il rêve
et qu'il est temps encore »
("Partir quand même", 1988).
La célèbre chanteuse Françoise Hardy fête son 80e anniversaire ce mercredi 17 janvier 2024. On présentera inutilement cette star qui, à l'instar de son amie Jane Birkin et quelques autres, a séduit les Français des années 1960, 1970 et 1980 pour ses chansons intemporelles qui rappellent aujourd'hui l'ancien temps, celui de la jeunesse et de l'insouciance.
Au risque de paraître vieux jeu, l'épouse de Jacques Dutronc (ils n'ont pas divorcé) rappelait dans un livre sorti le 9 octobre 2008 (chez Robert Laffont) la grande différence dans la recherche de nouveaux talents entre son époque et l'époque actuelle : « Les critères de sélection de Mireille étaient aux antipodes de ceux de la Star Academy et autres émissions similaires d’aujourd’hui. (…) L’élève devait être différent, avoir un univers, un timbre, un physique, une façon d’être bien à lui. Le contraire des clones que la téléréalité du troisième millénaire nous impose en général. ».
Vieux jeu encore d'imaginer, à l'image peut-être de sa génération (ce qui reste à démontrer), que Françoise Hardy était une électrice fidèle de Nicolas Sarkozy en 2007 et 2012 et d'Emmanuel Macron en 2017 et 2022, rejetant la vitrine faussement généreuse d'un François Hollande démagogue et assommeur fiscal. Tout comme elle a soutenu vivement la réforme des retraites au printemps 2023 et ne comprenait pas les manifestations et les grèves qui donnaient une image déplorable de la France à l'étranger.
Mais on ne pourra pas dire qu'elle est vieux jeu sur l'euthanasie, elle qui est une partisane récurrente de l'euthanasie et du suicide assisté pour ceux qui, comme elle, souffrent de la maladie. C'est d'ailleurs étrange à quel point beaucoup d'artistes sont dans cet état d'esprit (c'est le cas de l'acteur Alain Delon, par exemple, à qui la vie a déjà tout apporté).
Depuis une vingtaine d'années, Françoise Hardy est atteinte de plusieurs cancers, un du système lymphatique (un lymphome) qui semble être guéri en 2016, mais elle a été atteinte d'un autre cancer en 2018, au pharynx. Au journal "Le Figaro", elle expliquait le 5 mars 2015 : « J'ai été diagnostiquée il y a plus de dix ans de cela. Mais c'est surtout depuis trois ans que mes symptômes se sont aggravés. J'ai aussi beaucoup de difficultés à marcher. Je suis très isolée, très handicapée par la maladie. Il y a des périodes où je ne peux absolument voir personne et je ne peux pas sortir. ».
Le 8 mars 2015, elle disait à Marie-France Chatrier, de "Paris Match" : « C’est une dévastation. L’insupportable déchéance du corps. Non seulement il fonctionne moins bien, mais il se déforme. Personne ne peut nier les difficultés motrices ni les pertes de mémoire du troisième âge. Je n’invente rien. Me concernant, à 71 ans, je suis tellement mal en point que j’ai perdu 7 kilos par rapport à mon poids de base, déjà très bas. Et il y a ce ventre énorme, on dirait que je suis enceinte… (…) Les vieux tendent un miroir de la dégradation que nul n’a envie de saisir. Pour ne pas vivre cette exclusion, je reste seule, chez moi. (…) [La mort ne me fait pas peur], moins que la souffrance. (…) Depuis ma jeunesse, je suis une farouche partisane du droit à mourir. Quand les gens souffrent trop, ils n’ont aucune envie de soins palliatifs. Ils veulent cesser de vivre. ». Quant à Jacques Dutronc : « Son couplet sur le fait qu’il “ne ferait pas de vieux os” et qu’en revanche je “ferais une jolie veuve”, je l’ai entendu cent fois. Les années passant, il est toujours là, bien vivant. Nous sommes tous les deux condamnés à être vieux et moches. ». Et sa disparition serait évidemment catastrophique : « Oui, bien sûr, je serais triste. Mais il y a aussi tout l’aspect matériel. La maison en Corse m’appartient, mais c’est Jacques qui la gère. Je n’aurais pas la force de prendre cela en charge. ».
Son état de santé étant toujours très faible depuis longtemps, elle a plongé dans des thérapies complètement bidon et elle n'a pas hésité à les dénoncer dans son livre "Avis non autorisés..." sorti le 5 mars 2015 (éd. des Équateurs) : « Je liste une bande de thérapeutes surréalistes : celui qui plongeait sa main dans mon vagin, sans bouger, pendant quinze minutes ; l’étiopathe dont la méthode tellement douce n’avait aucun effet ; le chercheur d’amibes ; l’iridologue. Enfin celui qui, pour me donner un petit coup de jeune, me défigura avec des ampoules de vitamines. Résultat : une énorme bosse sur le front pendant quarante-huit heures. ».
Le 2 juin 2016, l'auteure-compositrice-interprète racontait à Éric Bureau, pour "Le Parisien" : « J'ai mal partout. Mais comme me disait Jean-Marie [Périer, son ancien compagnon] il y a déjà vingt ans, si on se réveille et qu'on n'a mal nulle part, c'est qu'on est mort ! Je vais plutôt bien, j'ai repris 17 kg. Je fais 56 kg, une grosse dondon. Je suis une miraculée, passée par tellement de choses terrifiantes pendant deux-trois ans... Il y a un an, les médecins ont téléphoné à Thomas [Dutronc] pour lui dire : "C'est la fin, il faut prévenir votre père". (…) J'ai toujours une épée de Damoclès au-dessus de ma tête, mais bizarrement j'arrive à ne pas y penser. ».
Plus récemment, le 15 juin 2021, Françoise Hardy expliquait son état à Stacie Arena pour "Femme actuelle" : « [Les effets secondaires] me pourrissent la vie depuis deux ans et m'affaiblissent de plus en plus à cause de l'absence de salive, du manque d'irrigation de toute la zone ORL, d'un assèchement généralisé et des hémorragies nasales, des détresses respiratoires (…). Je ne peux plus avaler grand-chose, et la préparation d'une alimentation, toujours la même, que je puisse avaler, me prend plus de cinq heures par jour (…). Je n'ai plus rien qui fonctionne normalement depuis ces thérapies et mes nuits sont pires que mes jours. Il y a toujours pire que ce dont on souffre soi-même, mais ce n'est pas une consolation. (…) La morphine étant asséchante, on ne pourra me l'administrer qu'en doses massives pour que je décède, et pas en doses plus légères pour que je souffre moins. (…) J'ai peur aussi de l'immense chagrin de la forme de séparation avec les êtres qu'on aime le plus au monde qu'est la mort. ».
Comme c'est le cas de temps en temps pour des célébrités, la mort de Françoise Hardy a été annoncée par erreur par "Le Dauphiné libéré" le 18 juin 2021, une nouvelle crédible puisque chanteuse s'était déclarée proche de la fin. Son fils Thomas Dutronc a dû démentir le lendemain sur le ton de l'humour dans Instagram en disant qu'il avait eu des nouvelles de sa mère et qu'elle était bien vivante !
Dans "Gala" le 22 novembre 2023, Thomas Dutronc confiait cependant à Thomas Durand son inquiétude pour sa mère : « Maman ne va pas bien (…). Sa vie est devenue si douloureuse qu'on se demande parfois s'il n'aurait pas mieux valu la laisser partir quand elle a frôlé la mort, il y a huit ans... ». Encore plus récemment, le 14 décembre 2023, interrogée par Marie-Laure Delorme pour "Paris Match", Françoise Hardy a répété vouloir « partir le plus tôt et le plus vite possible », et son souhait est que cela se passe en France.
C'est pourquoi elle milite pour le droit à l'euthanasie parce que ses traitements sont terribles à supporter : « Je suis dans un état de souffrance vraiment cauchemardesque la plupart du temps. » a-t-elle raconté en 2021, apportant d'ailleurs une révélation sur sa propre mère atteinte de la maladie de Charcot : « Le médecin de ma mère lui avait dit : Madame Hardy, le jour où vous le déciderez, vous me le dîtes et vous pourrez compter sur moi. Il lui a envoyé, le jour où elle l’a décidé, un médecin hospitalier. Celui-ci devait élaborer avec moi une sorte de scénario pour que le médecin légiste ne se doute de rien et fasse le nécessaire. Je ne me posais absolument pas la question d’outrepasser la loi. C’était la volonté de ma mère et c’était tellement compréhensible. ». Mais ce qui s'est passé pour sa mère en 1991 pourrait difficilement se renouveler pour elle-même aujourd'hui : « J'aimerais avoir cette chance, mais étant donné ma petite notoriété, personne ne voudra courir encore plus le risque d'être radié de l'ordre des médecins. ».
Le 18 mars 2021, Françoise Hardy exposait sa conviction : « À partir d'un certain moment où il y a beaucoup trop de souffrance et où il n'y a aucun espoir, il faut abréger les souffrances. C'est la moindre des choses. C'est humain. » ("Paris Match"). Françoise Hardy aimerait mourir dans son sommeil et en finir avec ses traitements. Son point de vue est respectable et, au contraire de beaucoup de brillants zélateurs de l'euthanasie qui sont en bonne santé (et qui n'accepteraient pas l'idée d'être diminués, même un peu), la chanteuse vit dans sa chair la grande souffrance de sa maladie.
Mais il est inconcevable de vouloir légiférer sur l'euthanasie car la loi est faite pour un cadre général, et celle qui existe déjà depuis le 2 février 2016, la loi Claeys-Leonetti, est déjà allée très loin et est sans ambiguïté pour éviter aux malades de souffrir, ce qui est l'essentiel. Permettre par la loi de tuer ou d'aider à tuer (suicide assisté) aurait des conséquences très graves pour l'avenir car, comme en Belgique, les exigences et les conditions seront toujours revues à la baisse. La tolérance d'exceptions ne peut se comprendre que par un engagement de responsabilité des soignants et des proches, afin d'éviter tout abus qu'on imagine hélas très bien (héritiers pressés, État qui souhaite réduire le coût des soins des patients en fin de vie, etc.). En outre, aucune maladie grave n'aurait pu trouver des thérapies qui réduisent énormément la mortalité si, comme seule solution, on proposait l'euthanasie aux patients.
Françoise Hardy a "quand même" franchi ses 80 ans alors qu'elle imaginait peut-être même pas franchir ses 75 ans. Je lui souhaite une vie la moins douloureuse possible et la plus ensoleillée possible, car malgré l'hiver et les nuages, le soleil est toujours là pour éclaircir la vie et le chemin. Petit retour sur sa carrière exceptionnelle réalisé par l'INA.
« Et les yeux dans les yeux, et la main dans la main, ils s'en vont, amoureux, sans peur du lendemain. » ("Tous les garçons et les filles", 1964).
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (14 janvier 2024)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Jacques Dutronc.
Françoise Hardy.
Guy Marchand.
Maria Callas.
Catherine Deneuve.
Gérard Depardieu.
Stéphanie de Monaco.
Jane Birkin.
Fernand Raynaud.
Marcel Zanini.
Patricia Kaas.
Kim Wilde.
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