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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Double jeu pour « Le Dalhia noir » de Brian de Palma

Double jeu pour « Le Dalhia noir » de Brian de Palma

Deux mois après l’avoir vu en avant-première au Festival de Deauville, je m’en suis retournée tranquillement au cinéma, revoir le film « Le Dahlia noir » de Brian de Palma, et, non seulement je ne l’ai pas regretté, mais je fais un mea culpa au sujet des réserves que j’avais émises lors de mon premier billet sur AgoraVox... (et je passe sur la vérification qu’on est toujours beaucoup mieux tout seul(e) dans une salle de cinéma sans stimulus autre que le film...)

Quelque chose me soufflait qu’au-delà de la double frustration, primo, de ne pas retrouver le roman de James Ellroy, secundo, de ne pas avoir non plus le récit de l’affaire du Dahlia noir, il ne fallait pas chercher du côté des carences supposées du film... Ce qui me manquait le plus, dans de film de Brian de Palma, c’était l’absence de l’obsession pour l’affaire du Dahlia noir qui passionne encore l’Amérique cinquante ans plus tard (voir les livres publiés et mon premier billet sur AgoraVox), s’agissant du réalisateur d’Obsession, ce qui est un comble...

James Ellroy lui-même avait pourtant donné la clé en s’inspirant pour son livre à la fois de l’assassinat de sa propre mère quand il avait dix ans et de l’affaire du Dahlia noir. Brian de Palma n’a pas fait autre chose... Il a répondu à la création d’Ellroy par sa création à lui, et dans les deux cas, le meurtre d’Elisabeth Short passe en fait au second plan... Tant qu’on ne fait pas le deuil de l’affaire du Dahlia noir, on ne peut pas aimer le film de de Palma...

Par dessus le marché, je n’ai pas su apprécier à sa juste mesure, à la première vision du film, l’espace pudique d’obsession pour l’affaire que nous a livré de Palma avec les séquences des bouts d’essai d’Elisabeth Short (sublime Mia Kirschner) : instinctivement, ces séquences étaient mes préférées, et je ne suis pas la seule... Le réalisateur a conservé sa propre voix dans ces scènes, et c’est bien la voix off de Brian de Palma lui-même que l’on entend harceler la starlette, subtile signature...

Il faut attendre une bonne demi-heure avant qu’on ne montre le crime, le cadavre mutilé de Betty Short retrouvé dans l’herbe d’un terrain vague presque en plein Hollywood, dont on ne verra rien que les têtes penchées au-dessus, commentant l’horreur. Vers la fin du film, quelques images du corps morcelé, une concession de de Palma à l’affaire...

Le film entier dénonce, au-delà du crime du Dahlia noir, fût-il spectaculaire et pris ici comme symbole, la corruption du LA des années 1940, sa police infiltrée par la mafia (le LAPD), ses magouilles politiciennes, sa presse possédée par les magnats au pouvoir. Mais surtout, le film montre parfaitement le pourquoi de la surenchère de débauche : la proximité des studios d’Hollywood, le miroir aux alouettes du star system (dont fera les frais Elisabeth Short qui voulait tant être une star de cinéma comme mille autres jeunes filles de son âge) et l’état de délabrement des mœurs qui y régnait. James Ellroy était-il véritablement content de l’adaptation de son livre, ce qu’il a déclaré pendant la promotion du film, même s’il a plaisanté en disant que les droits de LA Confidential avaient payé son premier divorce et que ceux-là financeraient le second... Je pense qu’on peut répondre qu’il a été sincère : Ellroy et de Palma ont traité tous les deux du même sujet : le carnage de l’innocence dans le LA des studios... La figure du flic intègre (Bucky Bleichert/Josh Hartnett) dédouble celle du Dahlia noir : parachuté dans cet univers trouble et corrompu, le beau gosse pas très futé (l’emploi de Josh Hartnett, acteur lisse pas intello pour deux sous, au physique avantageux de jeune premier, posé comme un bloc de certitude physique) perd son âme tout en conservant un regard pur sur les événements : la scène finale où la mère balance tout, prenant alors la figure d’un monstre (le visage déformé de la mère, son jeu outré, depuis le haut de l’escalier) alors que c’est la seule à soudain s’offusquer de la monstruosité de ce qui se passe, est éloquente. La monstruosité à Hollywood, c’est de dire la vérité... Je ne veux pas dévoiler la fin du film... Mais non seulement de Palma montre, avec ces dernières scènes, ce qu’aurait pu être son film tout entier s’il avait pris le parti du film d’horreur, mais encore, ou aussi, il y a du Chinatown de Polanski dans ce film, ça m’avait effleurée en sortant de la première vision du film, mais je ne savais pas très bien pourquoi, la fin est assez grandiose...

Oui, il faut voir ce film deux fois, au moins... Vivement le DVD ! 


Moyenne des avis sur cet article :  4.06/5   (81 votes)




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16 réactions à cet article    


  • fx.haulot (---.---.177.107) 17 novembre 2006 12:55

    Je suis très étonné que personne- sauf ignorance de ma part- ,même chez les critiques de cinéma,n’ait précisé que ce film de PAlma du Dalhia noir ,s’inspire certes et on le sait du roman,mais ce roman devient caduc et sans intérêt dans la mesure où STeve HODEL a écrit depuis « l’affaire du Dalhia noir » (ed du SEUIL).Hodel démontre de façon très habile et convainquante qui étaient les assassins-notamment son propre père !-et sa démonstration est policière-puisqu’il appartint à la Brigade de L.A .Donc le film comme le roman restent brillants mais vains !!!


    • Vierasouto Vierasouto 17 novembre 2006 15:12

      Dans mon précédent billet sur AVox, je parlais du livre de Steve Hodel et aussi de celui, de Don Wolfe, « Le Dossier Dahlia noir », paru l’année suivante, qui fait une démonstration assez proche de Hodel mais trouve un autre meurtrier... Je crois qu’on ne saura jamais la vérité et, de toute façon, le film ne s’y intéresse pas vraiment...


    • Demian West CyberDissident (---.---.125.150) 17 novembre 2006 15:23

      Bonjour Vierasouto,

      Un café et tes grands yeux noirs, on se fait une toile...quand ?

      Demian West le cyberdissident


    • (---.---.96.184) 17 novembre 2006 16:18

      Le roman comme le film sont oeuvres , créations artistiques et ne prétendent pas décrire l’exactitude sur le meurtre et le meurtrier mais un peu de vérité sur leurs auteurs.


    • Vierasouto Vierasouto 17 novembre 2006 19:50

      j’ai pas très bien compris ce pb de dissidence, tu es toujours sur AVox, non ??? (PS. pas noirs, bleus...)


    • DW (---.---.159.193) 17 novembre 2006 20:08

      Bonjour azuréenne Vierasouto,

      Je suis contre le système des votes de com’ et j’ai un pied dans le « Club des Rédacteurs » et je suis exclu de la Rédac’ (c’est très people pour le grand contributeur du journal qui agace les morteglandes).

      Et Carlo va abandonner ce système. Car depuis des jours, je démontre qu’on peut contrôler les votes depuis l’extérieur. Regarde le fil sur Bayrou et tu vas rire.

      C’est de la dissidence, parce que je subis des pressions et un lynchage très savoureux de la part de tous les frustrés qui jalousent mon style : et j’ai osé parler de la censure, et pire encore je veux grand mal à l’islamophobie.

      Et je te trouve très filmiquement admirable et spectable.

      DW


    • gregg13 (---.---.20.126) 17 novembre 2006 13:35

      ayant vu le film hier soir j’avoue être un peu déboussolé par ces crimes qui n’ont rien de communs,par l’absence de mobiles des assassins ;Enfin pour moi un film retraçant une époque mais beaucoup trop confus !! un bon film d’époque que l’on peut ne pas voir.


      • Galoui (---.---.152.226) 17 novembre 2006 14:24

        Vous avez le mérite de remettre en cause votre première opinion sur le film mais aussi de nous donner l’envie d’aller le voir, on ne peut que vous en felicitez !


        • (---.---.180.59) 17 novembre 2006 23:50

          Pouah, le film est mauvais. Ennuyeux !

          Je l’ai regardé à cause de Scarlett Johanssen. Et bien si vous aimez Scarlett comme moi, zyeutez plutôt Match Point, elle y est sublime ou plus récemment Love Song (A love song for Bobby Long). Film dont on n’a pas beaucoup parlé et qui est magnifique. Travolta et Scarlett... hum


          • superR (---.---.80.23) 19 novembre 2006 21:26

            c’est surtout la complexité délirante du scénario qui fait de ce film un film moyen. Sûr qu’ après l’ avoir vu 3 fois je devrais commencer à l’ apprécier.

            Posez à la sortie du film quelques questions sur le déroulement de l’ action, et vous rigolez : « ah oui c’ etait génial. George Friedman ? Ah non désolé je ne me souviens plus très bien à quoi il servait... » ETC.

            Par contre l’ interprétation de la morte est sensass smiley


            • Vierasouto Vierasouto 20 novembre 2006 02:09

              Quand je suis allée voir l’avant-première en octobre de « The Departed » de Scorsese au Grand Rex, c’était pareil, personne n’avait très bien compris en sortant qui était infiltré ou pas... Moi non plus d’ailleurs...


            • Vilain petit canard Vilain petit canard 20 novembre 2006 10:06

              J’ai vu le film la semaine dernière, et je suis sorti dans un état mitigé, qui résumé assez bien votre prise de position en deux temps. J’ai bien aimé le parti pris de photo un peu beigeasse (ou marronâtre ?), le rythme lent et le côté un peu paumé de Josh Hartnett, je suis assez d’accord avec vous. Aaron Kirshner très bien, Scarlett Johansson un peu trop « belle blonde à gros nibards ».

              Mais je n’ai pas retrouvé l’ambiance sordide du roman. Peut-on d’ailleurs transcrire sur pellicule un rythme de mots, de phrases, l’enchevêtrement des points de vues du talentueux James Ellroy ? Brian de Palma nous a livré une version acceptable, mais sans génie. J’attendais plus du réalisateur de Scarface et des Incorruptibles, et surtout de L’Impasse). Quant à la prestation de Fiona Shaw, à la fin, je n’ai toujours pas décidé si je la trouvais ridicule ou grandiose.

              Bref, pour moi, un film agréable à regarder, pas trop choquant, un peu lisse, mais pas si mal que ça, finalement... Certainement pas un jalon essentiel dans l’oeuvre du Maître... plutôt une occasion de toucher de quoi payer ses impôts.

              A noter pour les amateurs de private jokes : la présence de William Finley dans le rôle du ... chut, je ne dis rien pour ne pas déflorer l’intrigue, trouvez-le vous même ! J’ai l’impression que De Palma le case dans tous ses films, un peu comme une signature, ou une mascotte. Pour ceux qui ne savent pas, Bill Finley est l’interprète du mythique Phantom of the Paradise, le film qui a lancé De Palma.


              • Vierasouto Vierasouto 20 novembre 2006 23:40

                je n’avais pas reconnu Bill Finley que je n’ai vu que dans le cultissime « Phantom of the paradise » que j’adore mais le film est des années 70... Je pense qu’il est à la fin, alors...


              • Vilain petit canard Vilain petit canard 21 novembre 2006 09:24

                Il tient le rôle de George Tilden (j’ai bien réfléchi, ça ne nuit pas au spectacteur de dévoiler le nom du personnage). Pour la petite histoire, il apparaît aussi dans Furie (The Fury) et dans Sisters, crédité au générique, et je crois l’avoir déjà repéré dans Les Incorruptibles, non mentionné au générique.

                Amicalement VPC


              • malula (---.---.196.38) 20 novembre 2006 13:15

                Dimanche noir dans les salles obscures, fan de Ellroy et souvent admirateur de De Palma, je pouvais difficilement éviter le Dahlia Noir ! Malgré quelques critiques qui y voient une mise en abyme du cinéma dans le cinéma avec tournage et jeu à la manière de l’époque, c’est très mauvais. Mauvais comédiens (sauf Hillary Swank ?), direction inexistante, image laide, réduction du livre à rien, personnages caricaturés, c’est à se demander comment Ellroy a pu cautionner ce film ? Un chèque de 350 000 dollars doit être un début de réponse. Luc


                • Vierasouto Vierasouto 20 novembre 2006 23:46

                  Je ne pense pas que de Palma ait voulu reproduire simplement l’ambiance de l’époque, il l’a rendue outrée, stéréotypée, il l’a coloriée en quelque sorte, la dernière scène donne une bonne indication sur la tendance qu’aurait pu avoir ce film dès le départ : un côté déformé, fantastique. Je suis néanmoins assez d’accord avec le direction d’acteurs, il y a qq chose qui cloche !

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