Edouard Levé a levé le pied, sortie d’angoisse ?
En surfant librement sur le Web, j’ai appris récemment la mort d’un photographe-écrivain*, Edouard Levé (né en 1965 à Neuilly-sur-Seine), qui s’est tué à l’âge de 42 ans lundi 15 octobre 2007.
Triste ironie du sort, à l’instar de son écriture blanche et de ses photos clean, cliniques et refroidies qui se jouent à la perfection des apparences (galerie Loevenbruck, Paris), j’ai eu tout d’abord du mal à croire qu’il était vraiment mort tant, dans notre société consumériste ultra-médiatisée, on nous bassine avec des morts célèbres ou carrément people comme un Serrault, un Brialy ou un Jacques Martin, morts « au centuple » jusqu’à l’overdose tellement on nous rabâche leur mort (programmée). Ici, avec le décès de Levé, ça ne risque pas, on a même un peu de mal à y croire - un peu seulement car on le savait dépressif et son œuvre a toujours flirté avec la mort - tant cela s’est fait discrètement, quasi dans le silence monochrome d’un porté disparu, comme si sa mort faite de mise à distance venait rejoindre l’état neutre et la technique toute brechtienne de cet artiste ironique, adepte de la distanciation et de l’inexpressivité. Perso, je trouvais très intéressant son travail de photos, notamment en noir et blanc, comme par exemple sa série Fictions (2006, voir photos en N&B) jouant sur les sujets stéréotypés de notre quotidien dérivé d’images de presse sursignifiantes nous transformant inexorablement en objets, en lieux communs. Autre exemple, sa série Pornographie (2002/3, voir photos en couleur) reconstitue froidement des tableaux de fornication. Aucune nudité, organes sexuels absents, visages cachés, décontextualisation et identification brouillée, la possible sensualité charnelle du genre (la représentation du sexe) disparaît au profit d’une gymnastique sexuelle confinant à l’abstraction mathématique (photographie au carré, travail de soustraction...) et à une drôlerie manifeste (proche d’un rituel érotico-religieux).
Dans des cadres durs et des poses hyper-calibrées, au cordeau, on voit frontalement dans ses différentes séries photographiques, un cadre d’entreprise - (à) froid comme dans un Bret Easton Ellis, un Houellebecq (Extension du domaine de la lutte) ou dans
Chaque photo, composée comme un tableau classique à
* Parallèlement à son travail de plasticien et à ses séries photographiques (Angoisse, Reconstitutions, Amérique, Fictions...), Edouard Levé était aussi écrivain, il a publié chez P.O.L. Œuvres (2002), Journal (2004) et Autoportrait (2005).
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