En hommage à Gilles Deleuze
Que dire de cet homme ? Voudrait-il simplement que nous parlions de lui, dix ans après sa mort ?
Lui rendre hommage c’est, pour moi, entrer dans cette continuité qui fut la sienne et qui ne s’identifie pas à une position statique de la pensée.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L270xH200/deleuze-2649d.jpg)
En fait, ce n’est pas une position, c’est une dynamique dans une série multiple de percepts, une vocation à surfer, à explorer les plis de la vie : j’oserai dire que les pensées sont des rhizomes aux formes induites et aux effets circulants.
L’hommage est court ici, car il y en aurait long à dire, mais si nous voulons suivre sa voie, celle de la création de concepts, il faudra prendre le temps. Travailler, parcourir, déclencher les productions vivaces de la pensée et savoir récupérer, de ses plis sans cesse en mouvement, ce qui façonnera ce concept. Travail de la philosophie. Travail de toute une philosophie !
Merci, Gilles, d’avoir ouvert la voie !
Je vous livre ici un extrait de L’Abécédaire, R comme Résitance, qui nous parle de la honte d’être un homme, un des motifs de la pensée :
"...Je crois qu’un des motifs de la pensée c’est une certaine honte d’être un homme. Je crois que l’homme, l’artiste, l’écrivain qui l’a dit le plus profondément, c’est Primo Levi. Il a su parler de cette honte d’être un homme. Ce qui dominait à son retour des camps de concentration, c’était la honte d’être un homme. C’est une phrase à la fois très splendide, je crois très belle, mais ce n’est pas abstrait, c’est très concret, la honte d’être un homme. Mais elle ne veut pas dire les bêtises qu’on veut lui fait dire, ça ne veut pas dire nous sommes tous des assassins, où nous sommes tous coupables ; par exemple, nous sommes tous coupables devant le nazisme. Primo Levi le dit admirablement, cela ne veut pas dire que les bourreaux et les victimes soient les mêmes. On ne nous fera pas croire cela, on ne nous fera pas confondre le bourreau et la victime. La honte d’être un homme, cela ne veut pas dire : on est tous pareils, on est tous compromis (...), mais ça veut dire plusieurs choses ; c’est un sentiment complexe, ce n’est pas un sentiment unifié. La honte d’être un homme, ça veut dire à la fois : comment des hommes ont-ils pu faire cela ? Des hommes, c’est-à-dire d’autres que moi, comment ils ont pu faire ça ? Et deuxièmement, comment est-ce que moi, j’ai quand même pactisé, je ne suis pas devenu un bourreau, mais j’ai pactisé assez pour survivre,, et puis une certaine honte d’avoir survécu, à la place de certains amis qui n’ont pas survécu. C’est donc un sentiment très complexe. Je crois qu’à la base de l’art, il y a cette idée ou ce sentiment très vif d’une certaine honte d’être un homme qui fait que l’art, ça consiste à libérer la vie que l’homme a emprisonnée. L’homme ne cesse pas d’emprisonner la vie, de tuer la vie, la honte d’être un homme, l’artiste c’est celui qui libère une vie, une vie puissante, une vie plus que personnelle, ce n’est pas sa vie..." (1)
(1)Vidéo - L’Abécédaire de Gilles Deleuze Claire Parnet / P. A. Boutang - [ R comme Résistance]
Image provenant du site :
http://www.editionsmontparnasse.fr/presse/titres/regards/deleuze.jpg
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