enfant
Chorégraphie : Boris Charmatz
Avec : Nuno Bizarro, Matthieu Burner, Olga Dukhovnaya, Julien Gallée-Ferré, Peggy Grelat-Dupont, Lénio Kaklea, Maud Le Pladec, Thierry Micouin, Mani A. Mungai
Et un groupe d'enfants : Evan Aulnette, Emi Boudan, Gaspard Chandellier, Julie De Carvalho, Ulysse Doni, Kasimir Fischbeck, Jules Frémondière, Gaspard Gitton, Atika Heit, Violette Rakotoarinohatra, Zacharie Rocher-Sicard, Youna Visioli
Cornemuse : Erwan Keravec Lumière : Yves Godin Son : Olivier Renouf Machines Artefact : Frédéric Vannieuwenhuyse, Alexandre Diaz Assistant : Julien Jeanne Régie générale : Fabrice Le Fur Régie plateau : Max Potiron, François Aubry Costumes : Laure Fonvielle Habilleuse : Stefani Gicquiaud Travail voix : Dalila Khatir Lutherie logicielle : Luccio Sti
Boris Charmatz ne s'en laisse pas conter par « la société » qui est constituée d'un plus grand nombre de morts que de vivants, comme chacun sait. Quand il investit quelque chose, il arrive à la prendre, cette chose, là où son intérêt le porte. Il ne se laisse pas faire par les représentations courantes, mêmes les plus universelles, en apparence, croit-on.
Son domaine, c'est la danse.
La danse est d'ordinaire mouvements du corps dans un espace grand et aérien, mouvements qui étendent nos petites explorations quotidiennes à une taille « athlétique », de l'ordre de l'exploit, de l'exploration, rendant possible et nécessaire l'invention... et créant par là la beauté... Boris Charmatz crée « sa » danse comme mouvement du corps sur le corps, du corps sur lui-même, comme une danse « intérieure ». Le corps des danseurs ne prend pas spécialement l'espace comme contenant, plutôt soi même comme totalité. La danse de Boris Charmatz est dans une involution, elle est de la danse sur le corps, de la danse à l'intérieur de la danse, dans cette source inexplorée et tue de la danse : danser, c'est d'abord faire danser son corps, avant de prendre l'espace, de se déplacer avec virtuosité et de capter par cette grâce, le regard de spectateurs.
En tant que directeur du Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne, il nettoie aussi et encore les concepts à l'acide, se débarrasse de toute attache ancienne, ne laisse rien dans son travail d'inventaire, fait du passé table rase et se propose d'en faire un musée de la danse. La danse, vivante, en direct, immédiate et instantanée dans ses présentation et représentations... hop, au musée !... (comme un patrimoine ?) Conservatoire de la danse ? figée, gelée... pour se (re)faire une virginité ?
Dans levée des conflits dont on peut voir un film, les danseuses et les danseurs sont épuisés dans leur solitude, ils tournent en ovale, comme dans une danse rituelle primitive telle qu'on l'imagine. Ils soulèvent un nuage de poussière dont ils ne se soucient pas, qui obscurcit la vue que l'on a d'eux, faisant une sorte de décor des corps.
Dans manger, (il n'y a pas de majuscules aux titres de Boris Charmatz) ce dernier faisait danse de l'acte de manger, de l'opaque et invisible parcours de la nourriture dans nos boyaux... allant très loin dans l'intériorité de la danse, source de toutes les danses.
enfant est une danse avec des enfants, sur l'enfance (?), qui vient d'un avant de la notion d'enfance et du regard sur l'enfance que l'on a en général : joie de vivre, vitalité, dépense énergétique (courir plutôt que marcher), émerveillement, découverte, tendresse, innocence, jeux permanents... Boris Charmatz fait donc ici comme toujours un ménage sérieux de toutes ces notions préconçues, ces allant de soi, y compris, celles tellement dangereuses des rapports à l'enfant (père qui a toujours tort, en général absent, mais postulé abusif dans le cas contraire... C'est déjà dans Durkheim) met des enfants dans l'état d'endormissement (qui appartient bien à l'enfance aussi, « dormir comme un bébé ») et se sert de leur petit poids (pour les faire porter endormis). Cet état d'abandon, qui appartient également bien à l'enfance, (les enfants sont toujours accompagnés, ils ne vont jamais seuls, ni dans les rues, ni dans les magasins, ni dans les champs, ni dans les bois, sauf peut-être le petit chaperon rouge, mais justement, quelle histoire !), cet abandon est en fait un vrai travail, un travail sur le corps, un travail de danseur qui est, si j'ose dire, à la portée des enfants.
Dans enfant, les corps semblent inertes, comme en grève. Paradoxe central dans la chorégraphie de Boris Charmatz, paradoxe ô combien créatif.
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