Eric Hazan : LQR : La propagande du quotidien (Raisons d’agir éditions)
La domestication des esprits par le langage.
Éric Hazan montre avec ce livre (dont le titre Lingua quintae respublicae est un hommage au Lingua tertii imperii de Victor Klemperer) que le langage a été, de tous temps, un moyen d’imposer une politique à travers les déformations de ses expressions. C’était vrai sous les régimes totalitaires d’Hitler ou de Staline par exemple, et cela se vérifie, aujourd’hui, sous la domination quasi sans partage du néo-libéralisme actuel.
Nos locutions favorites sont très souvent issues du langage propre aux publicitaires. Elles ne sont jamais anodines, et visent, par leurs termes qui sont vidés de leur sens puis transformés, à imposer une sorte de pensée unique toujours favorable aux pouvoirs en place.
Le mot diversité par exemple, avec l’expression très courante, l’égalité dans la diversité, c’est-à-dire quelque chose qui ressemble singulièrement à l’inégalité. On peut aussi prendre le terme réforme qui ne désigne plus qu’une baisse ou une suppression d’un droit acquis, ou le beau mot citoyen, cuisiné à toutes les sauces : entreprises citoyennes, initiative citoyenne, et même : jeux olympiques citoyens ! Ce qui évidemment ne veut strictement rien dire. On sait aussi, hélas, ce que le mot transparence peut cacher.
L’auteur, dans cet ouvrage, dresse un panorama volontairement lacunaire de ces nouvelles expressions, de ce langage adopté par les médias et les politiques dans un premier temps, avant d’être largement accepté par l’ensemble de la population. On peut à l’infini gloser sur les techniciens de surface qui ont remplacé les balayeurs, les agents du patrimoine qui ont succédé aux employés de bibliothèques ou aux gardiens de musées, et sur les exclus qui n’étaient que des pauvres il n’y a encore guère longtemps.
Éric Hazan n’évite pas non plus le piège de cette langue de supermarché, avec un beau caractère performatif à la page 21, en parlant de la dynamique propre au langage néo-libéral.
Un bon livre, qui met en évidence et analyse le prêt-à-penser fourni par le nouveau jargon de la société globale. Un essai très documenté, et qui montre l’urgence de trouver une solution à ce détournement généralisé du langage et de ses significations.
7 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON