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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Et si un autoportrait du peintre se cachait derrière le « Pierrot », (...)
#62 des Tendances

Et si un autoportrait du peintre se cachait derrière le « Pierrot », nouvellement restauré, de Watteau ?

Au printemps dernier, le Louvre nous avait fait redécouvrir, de manière jubilatoire, les mille et un secrets autour de (la restauration de) La Vierge du Chancelier Rolin (1435) signée Jan van Eyck, dont un panneau quasi abstrait, aux allures cosmogoniques, se trouvant au verso de ce tableau religieux illustre peint sur bois. Pour cet hiver, et en attendant prochainement Cimabue, c'est au tour du fameux Pierrot, dit le Gilles, toile peinte vers 1719, d'Antoine Watteau (Valenciennes, 1684 - 1721, Nogent-sur-Marne), de bénéficier du même traitement (une restauration pointue orchestrée par le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) + une expo-dossier participant à sa redécouverte, ©Photos in situ VD). Et c'est peu dire que l'ensemble s'avère passionnant à suivre, comme si l'on était invité à mener sa propre enquête pour mieux comprendre les « coulisses » de ce tableau hautement théâtral, composition majeure de l'histoire de la peinture, qui demeure encore aujourd'hui, et plus que jamais, des plus énigmatiques.

Wa(ouh)tteau, que de mystères à l’œuvre !

En 1984, Pierre Rosenberg, ancien président-directeur du musée du Louvre, écrivait : «  Ce tableau mériterait, à lui seul, une monographie ou une exposition.  » Eh bien, voilà qui est chose faite ! Avec « Revoir Watteau. Un comédien sans réplique : Pierrot, dit le Gilles  », exposition monographique s'épanouissant dans l'Aile Sully de la maison Louvre (Paris, jusqu'au 3 février 2025), au Niveau 1, salle de la Chapelle + salle 600, le tout orchestré, de main de maître, par le commissaire de l'exposition : Guillaume Faroult, conservateur en chef du département des Peintures de cette institution muséale parisienne ô combien prestigieuse ; bien sûr, en plus de l'expo, petite par sa taille, mais dense par ses multiples ramifications, à la fois iconographiques, érotiques, culturelles et philosophiques, il ne faudra pas manquer de parcourir le catalogue de l'exposition proposé aussi par G. Faroult, qui mène des recherches sur ce tableau depuis plus de vingt ans, Pierrot, dit le Gilles, de Watteau. Un comédien sans réplique, une coédition musée du Louvre éditions / Linéart éditions (240 pages, 150 illustrations, 39€), permettant de prolonger le vif plaisir pris à parcourir cette manifestation de haute volée atténuant quelque peu le flou autour de cette toile au format portrait (184 x 155 cm), à la frontalité d'apparat manifeste (un grand dadais déguisé en blanc nous fait face dans un décor verdoyant avec quelques figures en contrebas semblant faire du théâtre « de rue » champêtre), des plus étranges.

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Le « Gilles » de Watteau : Avant (restauration) / Après. Par le C2RMF, le tableau y est entré en juin 2022. Restauration de septembre 2022 à septembre 2024, dans les ateliers restauration peinture du site de Flore

« Le tableau le plus énigmatique du Louvre par excellence », c'est ainsi que le peintre-écrivain Bernard Dufour (1922-2016, qui avait prêté sa main pour faire celle de l’acteur Michel Piccoli peignant dans La Belle Noiseuse, 1991, de Jacques Rivette), a qualifié le Pierrot, longtemps dénommé le Gilles, de Watteau, artiste au fond aussi énigmatique - de santé fragile, il est mort jeune, à 36 ans, de la tuberculose - que sa peinture ; ce « peintre des fêtes galantes » (et des scènes théâtrales) incarna la peinture française, à tendance rococo, au temps de la Régence (1715-1723). Adulé de son vivant, au point d'être énormément copié, et après sa mort, Antoine Watteau, connu particulièrement pour trois morceaux de peinture phares (aux côtés du fameux Gilles en question, on peut ajouter son sublimissime Embarquement pour l'île de Cythère (1717), son plus célèbre tableau illustrant les fêtes galantes, et L'Enseigne de Gersaint (1720), montrant, dans un jeu de mise en abyme rappelant Les Ménines de Velázquez ou Les Époux Arnolfini de Van Eyck, le commerce feutré autour de l'art, Edme-François Gersaint, ami de l'artiste, était un marchand de tableaux), est oublié à l'heure du néoclassicisme : il retrouvera sa gloire sous le Second Empire ; les Goncourt, Charles Baudelaire et Paul Verlaine l'encensent. « Watteau a retrouvé la grâce, dixit les frères Goncourt en 1860, cette chose subtile qui semble le sourire de la ligne, l'âme de la forme, la physionomie spirituelle de la matière. » Autrement dit, à l'instar de son créateur (un grand maître de la peinture française du XVIIIe siècle qui a su faire la synthèse des influences flamandes et vénitiennes pour créer un monde en suspension, entre légèreté et profondeur, fait de belles dames aux froufrous voluptueux sensuels et de charmants gentilshommes en habits de satin, sachant que ce lyrisme efflorescent, au caractère onirique et intimiste, maniant avec brio les lignes courbes et les couleurs claires, est constamment teinté de gaieté ou, a contrario, de mélancolie), ce Pierrot tout de blanc vêtu, aux bras ballants, à la silhouette empruntée, à l'aspect lunaire et qui semble avoir la tête résolument ailleurs, est assurément une énigme captivante.

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Antoine Watteau, « Pierrot », dit autrefois le « Gilles », vers 1719, huile sur toile, 184 x 155 cm, Paris, musée du Louvre, département des Peintures

Depuis sa réalisation (même si elle fut même un temps complètement oubliée, on ne trouve par exemple aucun commentaire à son sujet au XVIIIe siècle), cette composition sibylline questionne les historiens et critiques d'art du monde entier : cette huile sur toile, de grand format (alors que Watteau, peintre de chevalet, a une nette préférence pour les petites dimensions, propices à la contemplation intime) est-elle d'ailleurs vraiment de la main de l'artiste ? Quel sujet figure donc ce pierrot absurde, comédien benêt (ne lui manque plus que son bonnet d'âne) ? Est-il Pierrot le Fou ou Pierrot le Flou ou les deux, mon Capitaine ?! Quand il y a un flou, c'est bien connu, c'est qu'il y a un loup. Ici, point de loup, ni de Martine Aubry à l'horizon, mais un âne, en bas aux pieds du « clown » blanc. Et ce dernier, mutique (voire interdit de paroles…), qui est en train de nous observer, est-il une allusion directe aux comédiens transalpins qui faisaient alors fureur dans la capitale, au grand dam de la Comédie-Française qui, un brin jalouse, voulait à tout prix garder sa « pole position » sur la scène théâtrale hexagonale ? Autant de questions emballantes, parmi tant d'autres, qui sont posées dans le parcours de cette petite expo remarquable, allant des origines du tableau, demeurant totalement inconnues, à sa postérité en passant par sa fortune critique au fil du temps.

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Antoine Watteau (1684-1721), détail de « La Partie quarrée », vers 1713-1714, huile sur toile, San Francisco, The Fine Arts Museums, Museum Purchase, Milfred Anna Williams Collection

Au-delà de la figure familière et iconique de cet étrange personnage en blanc intégral (une fois vus, on ne peut oublier cette toile ainsi que ce personnage débonnaire, aux paupières tombantes et aux yeux en amande), il s'agit bien d'une intrigue en peinture qui, sous ses airs limpides (un personnage en pied nous fait brutalement face, sans rien cacher, semble-t-il, de sa personne ni de son physique ballot), s'avère particulièrement opaque : de son histoire à sa composition, en passant par son iconographie et son format, tout intrigue, interroge, interpelle. Il faut savoir que, dans l'histoire de l'art, sa première mention ne date que de... 1826 ! Eh oui, le tableau fait alors partie de la collection privée de Dominique-Vivant Denon (1747-1825), ancien directeur du Louvre ; il est aussitôt désigné comme un chef-d’œuvre et est intitulé le « Gilles » en référence aux personnages des parades très en vogue durant la seconde moitié du XVIIIe siècle.

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Confié au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), le « Pierrot » a fait l’objet d’une étude approfondie

De même, l'interprétation du tableau, largement inspiré par l'univers du théâtre et notamment par Pierrot, le personnage comique le plus célèbre à l'époque, s'avère elle aussi complexe. « Par-delà l'étrangeté du Pierrot au premier plan, précise Guillaume Faroult, le commissaire de cette expo-événement, qui nous regarde avec mélancolie - représenté en pied, frontalement, dans son costume tout blanc et trop vaste -, voici une œuvre énigmatique par excellence », ajoutant : « C'est un tableau plein de mystère, et qui a toujours fasciné. Peint au début du XVIIIe siècle, il ne réapparaît publiquement qu'en 1826. L'œuvre est singulière par son sujet, un portrait de comédien à l'attitude à la fois comique et en deçà d'une action dramatique. »

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Entourage de Claude Gillot (1673-1722), « Le Tombeau de maître André : Arlequin soldat gourmand », vers 1709-1712, huile sur toile, Paris, musée du Louvre, département des Peintures

Maintenant, si vous le voulez bien, levons le voile, ou plutôt le rideau, comme au théâtre, sur cette peinture... théâtrale (sans être grandiloquente ni boursouflée) équivoque, en s'attardant, dans un premier temps, sur le dispositif scénographique de l'expo-enquête permettant de l'étudier sous toutes les coutures puis, dans un deuxième, je focaliserai sur les tropismes à l’œuvre révélant la richesse de ce tableau à interpréter de diverses façons (autoportrait masqué de l'artiste ; retour sur la querelle dans le monde théâtral entre les troupes françaises et italiennes, animées, voire opposées, par les figures respectives de Crispin et de Pierrot) ainsi que sur sa capacité redoutable, du fait même de son grand mystère, à s'inviter dans le champ des pratiques artistiques modernes et contemporaines (cinéma et arts plastiques mêlés). Tous en scène !

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Nicolas Lancret (1690-1743), « Les Acteurs de la Comédie-Italienne », vers 1725, huile sur bois, Paris, musée du Louvre, département des Peintures

Relecture du Gilles, une icône de la peinture française appartenant au Louvre

Tout d’abord, c’est la régalade, question peinture (et gravure, puis feuilles, Watteau étant particulièrement à l’aise avec la technique des trois crayons (sanguine, noir et blanc)). Non seulement, son Pierrot, nouvellement restauré (sa « remise à neuf » a duré deux ans, il est désormais plus large et ses couleurs, anciennement jaunies, sont désormais bien plus éclatantes, avec notamment des bleus somptueux dans le ciel peint en arrière-plan), s’impose avec la force de l’évidence, c’est le tableau superstar de l’exposition, le chef-d’œuvre absolu !

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Antoine Watteau (1684-1721), « Les Comédiens italiens », vers 1720, huile sur toile, Washington, National Gallery of Art

Mais il y a également, dans le circuit (expo en forme de U), d’autres tableaux du maître français, de formats plus petits et où se retrouve, comme invitée (parfois malgré lui), la figure du Pierrot, qui s’avèrent époustouflants de maitrise picturale ; on y retrouve notamment son art exquis du clair-obscur, son atmosphère mi-vaporeuse mi-crépusculaire ainsi que ses coups de pinceau rapides, presque désinvoltes : ils portent, pour titres éclairants, Pierrot Content (1712-1713), La Partie quarrée (vers 1713-1714), L’Amour au théâtre italien (1716-1617, Pierrot joue de la guitare dans une scène de ronde de nuit fascinante) et un tableau peint un an avant sa mort en 1721, pendant son séjour à Londres (1719-1720), Les Comédiens italiens.

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Jean-Baptiste Pater (1695-1736), « Réunion de comédiens dans un parc », vers 1725-1730, huile sur bois, Londres, ‘Lent by His Majesty King Charles III from the British Royal Collection’

Bien sûr, on n’oubliera pas, au passage, certains contemporains de Watteau, peintre mais aussi dessinateur et décorateur à succès prisé de son vivant dans toute l’Europe, qui sans atteindre le même génie que le maître de Valenciennes (ou sa magie ineffable, on pense alors aux continuateurs ou contemporains de Vermeer (1632-1675) qui n’atteignaient pas non plus, eux aussi, le même parfum de mystère que le maître de Delft), parviennent tout de même, techniquement parlant, à accrocher notre regard, tels Jean-Baptiste Pater (1695-1736) et Nicolas Lancret (1690-1743) qui prolongent, certes sans la même verve, son art (Watteau, mort prématurément, n’a pas eu d’élève, mais a travaillé en compagnie de ces derniers).

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Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), « L’Enfant en Pierrot », vers 1780-1785, huile sur toile, Londres, The Wallace Collection

Puis, dans les perles rares, et venant chronologiquement après Watteau, deux pièces somptueuses sortent, selon moi du lot : il y a tout d’abord le superbe Enfant en Pierrot (vers 1780-1785, huile sur toile en provenance de la Wallace Collection de Londres), signé Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), qui était un grand admirateur de Watteau (ce charmant portrait d'enfant costumé en Pierrot semble se souvenir du Pierrot estampillé Watteau), sa touche évanescente est merveilleuse - attention, peinture fraîche ! Puis il y a cet étonnant Souper à La Maison d’or (vers 1855, huile sur toile prêtée par le musée national du château de Compiègne) de Thomas Couture (1815-1879). Ici, on est loin de ses grosses machines pompières néo-romaines et c’est absolument splendide. On y découvre, via sa ligne claire sobre et ses couleurs aériennes traitées en lavis (pas impossible d’ailleurs que l’artiste s’y soit représenté sous les traits du jeune homme hagard en costume de Pierrot qui veille sur ses compagnons de débauche), un traitement « BD » inattendu, proche par exemple d’un André Julliard (1948-2024). Il s’agit, dixit son cartel, d’une « peinture-esquisse », jolie dénomination, ceci expliquant peut-être cela (cet aspect ébauché, tout en suggestions, hyper séduisant).

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Thomas Couture (1815-1879), « Souper à La Maison d’or », vers 1855, huile sur toile, Compiègne, Musée national du château de Compiègne

Revenons à notre Pierrot lunaire, il nous regarde autant que nous le regardons. Droit comme un i, et très seul, malgré sa position centrale (sa restauration l’ayant pleinement ramené au centre de la toile), ce Pierrot rafraîchi demeure, au fond, une éternelle page blanche. La peinture est mystère ? Élémentaire, mon cher Watteau ! Malgré ses innombrables interprétations, ce tableau-palimpseste, qui ne s’épuise jamais, résiste à mille visions, si ce n’est davantage encore. Pas impossible d’ailleurs que plus on le regarde, plus son sens exact nous échappe. De là, la magie de l’art de la peinture (ce Watteau étant l’un de ses plus grands fleurons) à échapper à l’étiquetage (étriqué) des mots pour mieux nous attraper dans ses filets « mensongers », parvenant à nous faire comprendre la vérité du monde des apparences et des êtres : le Pierrot demeure un comédien sans réplique (c’est un taiseux, réduit au silence) et une peinture sans pareille.

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En 1945, Marcel Carné réalise le film « Les Enfants du paradis » (182 minutes), qui met en scène, au début du 19e siècle, l’histoire du mime Jean-Gaspard Deburau (1796-1846, ici campé par Jean-Louis Barrault), qui interpréta à de nombreuses reprises triste Pierrot, un acteur muet et immobile moqué par les autres comédiens

Ainsi, à la faveur de sa restauration au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), le Louvre offre au Pierrot de Watteau cette exposition monographique méritée, sous forme de renaissance, qui examine ce mystérieux chef-d’œuvre en le replaçant dans le bain de la vie théâtrale du XVIIIe siècle et en regard de la production d’Antoine Watteau et de ses contemporains. Sans oublier d’explorer la fascination constante que ce Gilles « constipé » a exercée jusqu’à aujourd’hui sur les créateurs de tous horizons.

J’ai cité précédemment Fragonard et Couture mais ils sont loin d’être les seuls ! De Nadar à Jean-Michel Alberola, en passant par Picasso, Derain, Gris et Rouault, sans omettre un détour par les domaines du théâtre et du cinéma [avec, par exemple, les spectacles si vivants du Mime Marceau (sans oublier avant lui Jean-Gaspard Deburau (1796-1846), acteur de génie qui créa un Pierrot plus vrai que nature) ou le film Les Enfants du paradis, 1948, de Marcel Carné, d'après un scénario de Jacques Prévert, Jean-Louis Barrault y jouant Baptiste Deburau, mime franco-bohémien bien connu pour sa création de Pierrot, un personnage taciturne qui est l'ancêtre de tous les pierrots romantiques, décadents et symbolistes du début du modernisme], cette représentation du « grand losange blanc qui se détache sur le ciel » (Louis Gillet, 1929) du tableau de Watteau n'a cessé, chez les créateurs de tous horizons (peintres, écrivains, comédiens, chorégraphes, photographes ou cinéastes), d'influer sur eux de façon féconde et éminemment personnelle. Ces derniers tentent d'en percer l’ensorcelante énigme en élaborant des productions ponctuelles diversifiées oscillant, pour le meilleur, entre vision tragique (chez Rouault, Pierrot, tout en matière, devient carrément un Christ souffrant), déconstruction ludique (avec Alberola, on focusse malicieusement sur l'âne, vu sous un angle différent ; les deux autres pièces du même auteur, presque redondantes parce que trop volontaristes, étant nettement moins convaincantes) ou effacement énigmatique : Picasso (1881-1973), de son côté, avec Paul en Pierrot (Paris, 28 février 1925, huile sur toile, musée Picasso, Paris), représente son fiston Paul, alors âgé de 4 ans, dans un costume et une attitude qui rappellent non seulement, de par son caractère enjoué (l'enfant tient à la main un masque, s'ouvrant ainsi à une dimension ludique), le célèbre tableau de Watteau mais également le formidable Enfant en Pierrot de Fragonard, à la touche rafraîchissante, accroché sur une cimaise juste un peu plus loin.

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Visiteuse prenant en photo le « Paul en Pierrot » (Paris, 28 février 1925, huile sur toile) de Pablo Picasso (1881-1973), Paris, musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979

Précisons au passage que Pierrot, telle une figure queer, peut non seulement se faire homme – ce qui est attendu - ou enfant, mais également femme, Sarah Bernhardt (en Pierrot assassin, pantomime de Jean Richepin, 1883) et Greta Garbo (en Pierrot, via un tirage photographique de 1946 de Cecil Beaton) en ayant donné leur propre interprétation, à la fois poétique, transgenre et décalée. Assurément, « Picasso l'Arlequin », avec cette toile limpide, ingresque et lacunaire affirmant le blanc dans tous ses états, rafle la mise dans le jeu d'une comparaison tenant le coup entre art moderne et classicisme, Pablo rimant d'ailleurs avec Watteau : ici on ne perd rien au change, c'est du même tonneau, du même niveau, on « joue » bel et bien dans la cour des grands, son Pierrot gamin, des plus elliptiques, est à la fois moderne et classique, parlant et silencieux, présent et absent, car confinant bientôt à l'effacement (le crayeux du visage, blanc comme un linge, se confondant avec la collerette du costume).

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Atelier Nadar, Paul Nadar (1856-1939), Sarah Bernhardt (1844-1923) dans « Pierrot assassin », pantomime de Jean Richepin, 1883, photographie
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Jean-Michel Alberola (né en 1953), « Nom de l’Âne. Casablanca », 1994, fusain et pastel sur papier, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne / Centre de création industrielle

L'exposition réunit soixante-cinq œuvres (peintures, dessins, gravures, livres, photographies et extraits de films), dont sept tableaux de Watteau, waouh !, et ce grâce au soutien de nombreux musées français, européens et américains, dont la Bibliothèque nationale de France, la Gemäldegalerie de Berlin, la Wallace Collection et la National Gallery of Art de Washington. Organisée autour d'une petite nef centrale débouchant sur le célébrissime Gilles d'Antoine Watteau se donnant à voir de face, de près comme de loin, l'exposition se décline, sur les côtés, avec sept « alvéoles » bienvenues, de « Pierrot et le théâtre comique au temps de Watteau » à « La modernité du Pierrot » en passant par « Watteau et le théâtre », « Watteau et la conception du Pierrot  », « La postérité des Pierrots de Watteau au XVIIIe siècle », « La découverte du Gilles » et « L'évolution du personnage de Pierrot au XIXe siècle », nous permettant de pénétrer, sans le percer (ouf !), le mystère de cette pantomime picturale envoûtante labellisée Watteau.

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Vue d’ensemble de l’expo « Revoir Watteau » (16 octobre 2024 - 3 février 2025) au Louvre, déc. 2024

Après restauration, le Pierrot de Watteau dévoile un autoportrait caché du peintre

Coup de théâtre ! Il se cache, en fait, un autoportrait dans le Pierrot de Watteau : dans le Gilles ? Non ? Dans l'âne ? Non plus ? Alors, dans le groupe des trois personnes costumées à la droite du Pierrot ? Encore moins ! Le personnage, doté d'une curieuse coiffe « à crêtes », au visage superbement peint (ses joues roses semblent si vivantes), est certainement Momus, dieu de la moquerie dans la mythologie romaine : ce personnage ironique, qui apparaît surtout sur la scène du théâtre de la Foire, est assimilé au registre de la raillerie et de la folie « douce ». Les deux personnages à côté, possiblement en couple, arborent des costumes aux couleurs vives qui évoquent le répertoire du théâtre comique, sans qu'on puisse précisément les identifier : ils sont peut-être, tout simplement, deux amoureux de la comédie. Alors, qui est donc Watteau ? Le personnage en noir monté sur l’âne, à l’extrême gauche, affichant fraise et rire moqueur ? Possible que vous brûliez !

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Crispin et/ou Watteau ? Détail du « Gilles » de Watteau, circa 1719, Louvre-Paris

Petit retour dans le temps : originaire de Valenciennes, le peintre Antoine Watteau s'installe à Paris en 1702, son intérêt pour l'univers du théâtre, des plus précoces, est conforté par sa collaboration, datant de 1705-1709, avec un certain Claude Gillot (peintre, mais surtout décorateur et costumier de théâtre), qui s'est spécialisé, en peinture, dans les représentations des scènes de la Comédie-Italienne - il n'est pas rare à l'époque de découvrir, dans la production personnelle de Watteau, des autoportraits où le peintre semble se représenter selon les codes de la comédie (ou portraits répétés de l'artiste en comédien), geste qui n'est pas si fréquent à ce moment-là, sachant que le statut social des comédiens demeurait alors assez peu valorisé. Au début du XVIIIe siècle, le théâtre comique à Paris est le siège d'une vive querelle entre les troupes, se livrant à une concurrence acharnée : les deux troupes officielles ont chacune leurs personnages : Crispin, le valet manipulateur, triomphe à la Comédie-Française, alors que les serviteurs Arlequin et Pierrot jouent pour la Comédie-Italienne, associée ordinairement au théâtre de rue au « théâtre de la Foire », saisonnier, qui offrait des parades représentées sur des tréteaux, en extérieur, pour attirer le public dans les salles. Mais, bientôt, cette Comédie-Italienne, mal vue, jugée trop populaire, est interdite entre 1697 et 1716.

D'un côté, sur la toile-manifeste (elle témoigne donc, derrière sa surface paisible, des soubresauts de l'activité théâtrale en ce temps-là), on a Pierrot, vedette de la troupe de la Comédie-Italienne, c'est un gentil naïf rendu muet du fait que la Comédie-Française avait fait interdire les représentations du théâtre de la Foire : il n'est plus qu'une espèce de fantôme, un pantin au repos ne pouvant plus jouer. Et, de l'autre, en contrebas, comme sournoisement, on a Crispin, personnage-star de la Comédie-Française, qui n'apparaît pas normalement sur scène avec Pierrot, et pour cause, ce sont deux frères ennemis ! Ici (et un autoportrait gravé de Watteau en atteste, Buste d'homme riant tourné vers la droite, cette feuille était à l'origine incluse dans un précieux recueil d'estampes d'après Watteau conservé à la Bibliothèque de l'Arsenal à Paris : si ce dessin original est perdu, il en reste une transposition à l'eau-forte et burin restée éloquente, par Benoît Audran (1698-1772) d'après Antoine Watteau, intitulée Buste d'homme riant, dit aussi Portrait de Watteau dessiné par lui-même dans son lit, vers 1727, conservée à la Bibliothèque nationale de France), il est loin d'être impossible de penser, à l'instar de Guillaume Faroult, que « dans son Pierrot Watteau, s'est représenté en une sorte de spectateur philosophe et railleur, tel un Démocrite de fantaisie. »

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Benoît Audran (1698-1772) d’après Antoine Watteau (1684-1721), « Buste d’homme riant », dit aussi « Portrait de Watteau dessiné par lui-même dans son lit », vers 1727, burin et eau-forte, Paris, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et Photographie

Ainsi, en nous regardant, ce Crispin/Watteau, tout en célébrant les subtilités du sentiment amoureux, s'amuse de la vanité de l'humanité, du ridicule, voire de la bêtise, des hommes – orchestrant des escarmouches au long cours pour des broutilles éphémères - et de la fugacité du monde. La vie est un théâtre où chacun de nous, tels des pantins (au fait, qui pour tirer les ficelles ?), endosse différents rôles, le dramaturge et poète Shakespeare (1564-1616) nous avait déjà prévenus : « Le monde entier est un théâtre, Et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs. Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles.  » Ce Watteau (Crispin), rieur mais un poil crispé (rictus figé du Joker), nous regarde, nous les regardeurs, tels de pauvres acteurs rejouant, sans cesse, en s'agitant la plupart du temps vainement, au fil des siècles (de 1719 à 2024 et bien après), le cirque, en plein air (parade et toile peinte) ou en vase clos (salle obscure), de la vaste comédie humaine. Et, humainement, ce que l'on sait de Watteau, c'est qu'il avait un caractère difficile, son ami Gersaint (1694-1750) le décrivant ainsi (in catalogue de l'expo, page 45) : « impatient, timide, d'un abord froid et embarrassé, discret et réservé avec les inconnus, bon mais difficile ami, misanthrope, même critique malin et mordant, toujours mécontent de lui-même et des autres.  » Bref, Watteau, un pince-sans-rire pas toujours commode.

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Louis Crépy (vers 1680-1760), d’après Antoine Watteau (1684-1721), « Autoportrait d’Antoine Watteau », vers 1727, burin et eau-forte, Paris, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et Photographie

À l'arrivée, au vu de l'envoûtement suscité par la redécouverte de ce tableau majeur, fort complexe sous ses airs simples, voire « simplets », qu'est le Pierrot de Watteau cachant bien des secrets, je n'avais qu'une envie, découvrir à l'avenir - et pourquoi pas au Louvre ! - une expo-événement retraçant la carrière écourtée du grand Watteau, illustre mais pas si connu que ça, sachant qu'il faut remonter à 2014, via le musée Jacquemart-André à Paris, pour se souvenir d'une expo-somme, « De Watteau à Fragonard, les Fêtes Galantes », donnant la part belle à la peinture française du XVIIIe siècle et à ses maîtres, de Watteau à Fragonard, en passant par Nicolas Lancret, Jean-Baptiste Pater et François Boucher (1703-1770)). Ainsi, en mettant en avant l'œuvre peint complet de Watteau (on compte environ 200 tableaux exécutés de sa main, en seulement quinze ans de carrière, son corpus créatif comprend aussi de nombreux dessins), nul doute qu'une grande rétrospective Watteau – rêvée et amplement méritée - permettrait de constater, à l'instar de son pénétrant Pierrot aucunement bateau, combien, chez ce peintre à l'incroyable prestesse du trait et de la touche, de l'apparente futilité des tableaux, multipliant fêtes galantes, nus, concerts, assemblées dans un parc et scènes théâtrales, se dégage une magie teintée d'une mélancolie toute personnelle. Que le spectacle intimiste, entre gravité et grâce, commence et que la Lumière (picturale) soit !

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Antoine Watteau (1684-1721), détail de « L’Amour au théâtre italien », vers 1716-1717 ?, huile sur toile, Berlin, Gemäldegalerie

« Revoir Watteau. Un comédien sans réplique, Pierrot, dit le Gilles », jusqu'au 3 février 2025, musée du Louvre-Paris, Aile Sully, 1er étage, salle de la Chapelle, commissariat : Guillaume Faroult, conservateur en chef au département des Peintures, catalogue, prix public : 39€. Le Louvre remercie le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) pour sa coopération à l'étude et à la restauration du Pierrot, dit le Gilles. ©Photos in situ VD.

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22 réactions à cet article    


  • Seth 16 décembre 16:38

    Un petit maître avec un sens effroyable de la perspective : il ne peignait que des personnages anodins sur une toile de fond sans profondeur.

    Désolé d’être si direct mais on peut éviter ça, je ne fais pas partie de ceux qui adorent toutes les vieilleries.


    • Seth 16 décembre 17:20

      @Seth

      Tiens, une étoile... alors je vais en rajouter une couche : les personnages sont raides, posés et sans mouvement, ses portraits sans vie ; le nettoyage de son gilles n’est pas à son honneur : la palette est redoutablement simplette, son ciel est incrédible, etc...

      Il n’y a aucune force picturale, c’est de la peinture rococo gnan gnan bonne pour des boudoirs.

      Mais néanmoins paix à son âme.


    • anaphore anaphore 17 décembre 14:07

      @Seth
      Je suis d’accord c’est de la merde *

      Bonne année Amaury et seth !  smiley


    • anaphore anaphore 17 décembre 14:09

      @anaphore
      Euh Delaury et seph  ! scuse 


    • Eric F Eric F 17 décembre 14:34

      @Seth
      En regardant les reproductions dans l’article, il apparait effectivement qu’il y a quelque chose de posé et de théâtral, les arrière plans ressemblent à des décors de théâtre il devait être subjugué par cet art.


    • Eric F Eric F 17 décembre 14:38

      Merci pour cet article didactique, et qui ménage le suspens (on pense d’abord que l’artiste est le Pierrot)


      • Vincent Delaury Vincent Delaury 17 décembre 17:35

        @Eric F « Merci pour cet article didactique, et qui ménage le suspens (on pense d’abord que l’artiste est le Pierrot). » smiley Merci, Eric F, pour votre regard, c’est voulu (pour le suspense : bien vu !). Et, j’avoue, Pierrot/Watteau (autoportrait), avant l’expo, je le pensais aussi, mais cette expo-enquête affine le tir ! Juste une histoire de déplacement. Et : OUI encore, pour votre autre remarque (« il y a quelque chose de posé et de théâtral, les arrière plans ressemblent à des décors de théâtre il devait être subjugué par cet art »), signalant l’aspect très théâtral de la chose peinte, orientée vers le spectacle vivant, avec un peintre savant se penchant, en parallèle, sur ses querelles intestines. Bref, la réalisation d’un tableau-somme. Du grand art, vive Watteau !


      • Seth 17 décembre 18:23

        @Vincent Delaury

        Menfin ! s’il faut une expo pour apprécier un tableau, ou est-on ?

        A cela j’ajouterais que le nettoyage du tableau ne l’améliore guère. Ce pauvre Gilles (dont j’espère qu’il n’est pas le portrait de ce pauvre Watteau) plaque le personnage sur ce ciel qui dans la version proprette relève de la peintre primitive, c’est pas génial pour une période du figuratif absolu.

        Ceci dit j’ai compris que vous appréciez sa peinture ce que je ne discuterais pas. Mais même dans ce qu’on expose comme œuvres d’art, il y a une gradation qu’il faut bien admettre. Fragonard plus tard était superbe.

        Et je ne dirais pas tout le bien que je pense de Picasso smiley alors que je suis fan de Kandinski qui dans un genre différent lui était antérieur et que je supporte très mal Klee, etc...


      • Seth 17 décembre 18:25

        @Seth

        Et si vous avec l’occasion de nous parler du Lorrain ou de de la Tour, n’hésitez pas. smiley


      • Eric F Eric F 17 décembre 18:55

        @Seth
        Le style diffère en effet des standards de son époque, je ne suis pas connaisseur mais je trouve au tableau en question un aspect plus renaissance que classique.
        La restauration fait perdre ce qui nous semblait une patine de mystère.


      • L'apostilleur L’apostilleur 17 décembre 19:58

        @Seth
        « .. je ne dirais pas tout le bien que je pense de Picasso alors que je suis fan de Kandinski .. »
        Vous faites bien de dire ce que vous préférez cela aide à comprendre ce que vous n’appréciez pas.


      • L'apostilleur L’apostilleur 17 décembre 20:20

        @Seth
        « .. Menfin ! s’il faut une expo pour apprécier un tableau, ou est-on ?.. »
        Ben oui Monsieur c’est souvent comme ça !!
        Les musées sont des accélérateurs de notoriété et tiennent par le bout du nez ceux à qui ils veulent imposer leur tête de gondole.
        Pour être juste ils contribuent aussi à faire découvrir des œuvres magistrales qui resteraient sous la poussière de nos connaissances sans eux.
        L’auteur cite « la Vierge de Rollin » presentée par le Louvre dans l’obscurité d’une expo dédiée. Remarquable moment.
        Il cite Cimabue en cours de restauration (acquisition récente 27M€ !!) qu’il serait dommage de ne pas confronter à l’avis général. C’est pas gagné. L’admirer n’étant pas pour autant réservé aux experts du Byzantin italien du XIIIes. 
        La peinture fait au moins causer


      • Vincent Delaury Vincent Delaury 18 décembre 07:18

        @L’apostilleur « La peinture fait au moins causer. » Tout à fait ! Et ce à travers les siècles. Puis, merci pour vos précisions. smiley


      • Seth 19 décembre 12:25

        @L’apostilleur

        Cimabue, Van Eyk ou les primitifs niçois sont d’une autre facture et d’un autre qualité mais ne sont pas de cette époque et donc d’une esthétique différente. De plus ce sont des tableaux religieux.


      • Seth 17 décembre 15:48

        A peu près à la même époque, il y eut Hogart en Angleterre, peintre et graveur d’une autre qualité, à qui on doit notamment la série des 6 gravures « The harlot’s progress ».

        La qualité de la peinture, le mouvement et son côté par forcément élégant de la représentation du réel sans fard sont de toute autre nature.


        • Fergus Fergus 17 décembre 20:05

          Bonsoir, Seth

          Vous touchez la corde sensible : je suis un fan de Hogarth et de ses séries picturales. smiley
          J’ai même consacré un article à l’une d’elles en 2019 :
          William Hogarth et le « Marriage-A-La-Mode » 

          Cela dit, j’ai trouvé l’article de Vincent Delaury passionnant à de nombreux égards. Et cela même si je ne suis pas non plus un admirateur inconditionnel des oeuvres de Watteau à de rares exceptions près dont L’enseigne de Gersaint.


        • Vincent Delaury Vincent Delaury 18 décembre 07:15

          @Fergus « Cela dit, j’ai trouvé l’article de Vincent Delaury passionnant à de nombreux égards. » Cher Fergus. Merci pour ce retour. PS : je suis un grand fan de « L’Enseigne de Gersaint » (1720), à côté du « Gilles », voici bien une autre peinture théâtrale - il n’y a plus de devanture, on est comme sur scène ! -, mettant en avant, de manière « promotionnelle », le commerce de l’art (une galerie marchande représentée), tout en faisant de la peinture un miroir de son temps ; deux personnages, à droite, homme et femme (un couple), regardent peut-être, non plus un tableautin, ou plutôt un miroir en tant qu’objet d’art, qu’on leur présente, mais leur propre reflet ; il y a un côté « Barry Lyndon » (foire aux vanités, sachant, pour autant, que c’est davantage l’Anglais Hogarth qui avait directement inspiré le cinéaste Kubrick. Entre grands...). Lumineux, que dis-je, vertigineux !


        • Fergus Fergus 18 décembre 09:15

          Bonjour, Vincent

          Très bon résumé de L’enseigne de Gersaint. Ce tableau, peint peu de temps avant la mort de Watteau, est si riche qu’il mériterait un article complet. smiley

          Bien à vous !


        • L'apostilleur L’apostilleur 17 décembre 19:29

          @ l’auteur 

          « ...on n’oubliera pas, certains contemporains de Watteau, peintre .. qui sans atteindre le même génie que le maître de Valenciennes (ou sa magie ineffable, on pense alors aux continuateurs ou contemporains de Vermeer (1632-1675) qui n’atteignaient pas non plus, eux aussi, le même parfum de mystère que le maître de Delft.. »

          Lequel « maître de Delft » ne l’était pas vraiment alors...

          https://onenpensequoi.over-blog.com/2024/05/victime-de-louis-xiv-vermeer-s-illustrera-en-france-apres-une-histoire-de-questions.html



          • LeMerou 18 décembre 07:11

            @L’apostilleur

            « La hiérarchie des parleurs de peinture »

            Excellent, j’ai beaucoup aimé...


          • LeMerou 18 décembre 07:07

            @Vincent Delaury

            Bonjour, 

            Alors que dire ? votre post sur une toile et son auteur est pour le moins dithyrambique c’est à chaque fois ce qui me désole franchement dès que le sujet de l’art est évoqué.

            Qu’est ce qui justifie un tel enflammement des mots ? Il est vrai que le monde de l’Art est un petit entre-soi, dans lequel il convient d’être le plus volubile possible, employant force de qualificatifs pompeux. Est-ce obligatoire pour tenter d’extraire un artiste du creuset ?

            Personnellement, depuis longtemps j’aime l’Art mais sans être exalté, oui j’avoue humblement avoir été parfois stupéfait par certaines oeuvres dont le « réalisme » peut être saisissant, surtout au vu de l’époque ou elles ont été conçues.

            Que dire de la toile objet de votre post ?

            Selon moi une toile se juge par le coté émotionnel qu’elle dégage sur le spectateur, tout dépend aussi de la classe sociale de ce dernier et c’est important, car soit cette dernière est « intimiste » c’est à dire destinée à un petit monde « d’initiés » soit elle est destinée au plus grand nombre et là l’émotion n’est plus la même.

            Notons que l’émotion dégagée est aussi intimement liée à la technique du peintre. Ainsi une même représentation faite par un « Maître » une personne en fait qui par l’expérience maîtrise son sujet et une autre possédant moins d’expérience, peut être complètement différente. Certes il y a eu des génies en peinture venant contrarier mes affirmations, mais M. WATTEAU n’en fait pas parti à mon avis, cessons de voir ce qui n’est pas.

            Concernant la restauration, je suis assez partagé, je sais que la technologie actuelle permet de retrouver ce qui fut employé comme pigment, et qu’il peut être aisé de les restituer et en théorie d’effacer les affres du temps. Je dis en théorie, car il se peut aussi que cette restitution ne reflète plus vraiment l’oeuvre originelle.

            Une toile est elle éphémère alors ?

            A mon sens sûrement. Mais lors des restaurations comme celle ci est enlevé la « patine » du temps, peut être que cette dernière est plus importante par l’emploi de matériaux de moindre qualité par le peintre, alors que d’autres bien plus ancienne ne nécessite presque rien pour subsister.

            Bref sur l’image avant/l’après je suis dubitatif. Doit on restaurer à ce point ? Ne laissant plus au spectateur la possibilité d’imaginer ce qu’elle était ? Chacun l’imaginant différemment.

            Je conclurai que pour moi ce tableau est assez « banal » tout de même, (même techniquement), c’est simplement un pierrot peint dans une situation, apparemment une constance chez ce peintre.

            Je suis assez d’accord avec le commentaire du Louvre à son sujet, s’interrogeant sur le fait que ce dernier s’assimile plus à une affiche de spectacle (malgré sa taille). J’ai tout de même sourit par la force des mots et certaines comparaisons que vous avez fait pour tenter de l’extraire de cette banalité, c’est tout un art aussi. Alors merci.

            le Pierrot demeure un comédien sans réplique (c’est un taiseux, réduit au silence) et une peinture sans pareille.


            • pasglop 18 décembre 11:06

              Je ne saisis pas quel est le tableau restauré : est-ce celui à droite dans avant/après ou celui du dessous ?

              Parce que s’il s’agit du premier, les pigments de l’époque permettaient probablement cette pureté des teintes, mais pas les huiles qui s’oxydaient très vite, sans parler du vernis, en l’espace d’un à deux ans et enterraient les couleurs.

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