Exposition « Congo In Limbo » de Cédric Gerbehaye
Comment parler de l’Afrique Centrale sans dévoiler ses plaies, ses visages d’enfants, ses hommes en armes semble-t-il embrigadés pour toujours dans des conflits dont l’européen a de la peine à juger des enjeux, à se figurer les douleurs ? On imagine si facilement n’avoir rien à se reprocher, être « déconnecté » de ce qui s’y trame, être « blanc comme neige ». Il n’en est rien. Les guerres et les atrocités ont pour enjeux le contrôle de richesses convoitées par l’Occident et, fait nouveau, par un Orient à l’offensive dans le contrôle des matières premières et crucial pour son développement.
Voici cinquante ans, les empires européens se dissolvaient. Les territoires africains conquis prenaient leurs indépendances et naquirent de nouvelles nations. L’un d’eux s’appela Zaïre, ex-Congo belge, pour finir par se dénommer pompeusement : République Démocratique du Congo, comme si la simple mention « Démocratique » gageait de la réussite d’un projet politique. Absurde !
Cédric Gerbehaye, photographe belge de l’Agence VU et lauréat du World Press Photo Award, expose son travail dans le cadre de l’Eté de la Photographie de Bruxelles, et fruit de sept voyages consécutifs en RDC. Et Gerbehaye percute son sujet de front, ne le contourne pas, dévoile ce qu’il y a d’injuste et d’horrible dans une région où tout est à construire, à bâtir dans la plus grande urgence humanitaire. On y voit la violence, celles des armes, mais aussi celle suée par un pays tout entier à le croire vouer à jamais à d’atroces souffrances.
Les images construites au cadrage parfait nous dévoilent une vision pessimiste. Les sourires sont rares. La joie est absente. Il y a seulement l’envoûtement né de l’entrecroisement des clichés, le non-sens d’une population coincée entre la guerre et la religion, ignorant au juste à laquelle se vouer corps et âme, dans quel camp la rédemption est à chercher. Et le loufoque est atteint face à ce général pasteur s’affichant sans aucune honte. Voici le Roi Libérateur à l’image du Christ, certain de son fait, de sentir Dieu acquis à sa cause ! A moins que ça ne soit l’inverse, que Dieu hésite et pour se faire, pour acquérir son adhésion transcendante, son aide pour vaincre l’ennemi, il est impératif de déployer sa foi, de l’affirmer ouvertement et de guider ses brebis à la manière du Messie l’instant d’avant les envoyer au front.
Si d’un côté il y les hommes en armes, mélange insolite de guerriers tribaux et de visions apocalyptiques comme remontées du Viêt Nam, il y a le peuple obligé de survire, d’accepter de descendre dans les mines, de trimer dans les usines datant d’un autre âge où l’on sent la sécurité absente, la vie pendue à un fil.
Une exposition à voir pour les amateurs de photo-journalisme et de laquelle on ne ressort pas intact. Un bémol, s’il faut en signaler un : si les photographies sont magnifiques, toutes en noir et blanc, elles pèchent par un grand classicisme là où le visiteur aurait peut-être aimé un peu plus de surprise.
« CONGO IN LIMBO » de Cédric Gerbehaye (Agence VU) au Museum du Botanique de Bruxelles du 10 juin au 8 août 2010. Entrée : 4-5 euros.
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