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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Faut-il désormais dire Wong Kar-aïe aïe aïe ?!

Faut-il désormais dire Wong Kar-aïe aïe aïe ?!

Il est de bon ton de taper sur le dernier Wong Kar-wai. Heureusement, ici, j’ai envie d’éviter le panurgisme journalistique ambiant d’une certaine critique de cinéma voulant à tout prix dézinguer My Blueberry Nights en cherchant à démasquer le soi-disant stratagème de "l’art pour l’art" de WKW et en soulignant en long et en large son côté guimauve fifille et fleur bleue à 3,50 €. Alors c’est sûr, pour ceux qui aiment le cynisme post-moderne, voire post-mortem (!), ce film mélancolique sera une épreuve et une lente agonie de bons sentiments mielleux. On n’y verra qu’une panouille adulescente XXL sur fond de pâtisserie dégoulinante et de courrier du cœur pour Femme actuelle & consorts. On n’y verra aussi que poncifs et caricature baveuse de son propre cinéma - autrefois hongkongais - et d’une Amérique de cartes postales faite de clinquant pop art style Las Vegas et autres gros néons façon Broadway éclairant en boucle un mauvais clip diffusé sur MTV à 3h00 du mat’. Par contre, pour ceux qui se soucient encore des sentiments et du souffle de la beauté allant jusqu’à vous couper le souffle (stylisation compulsive des corps, des postures, des couleurs, du cadre), eh bien ce film on the road again est toujours in the mood for love.

Certes, ce road-movie n’atteint jamais les fulgurances poétiques de son 2046 (chef-d’œuvre absolu selon moi) mais il s’inscrit bel et bien dans le cinéma très graphique de WKW - je pense à des films hauts en couleur et flamboyants comme Chunking Express, Les Anges déchus ou encore Happy Together. Rappelons-nous par exemple de la blonde ultra-stylisée (Brigitte Lin) tout droit sortie d’un film noir dans Chunking Express ou bien de l’enseigne lumineuse leitmotiv, tel un blason d’apparat, de l’Oriental Hôtel de 2046. On a toujours été chez WKW dans une espèce de post-pop art sauf qu’au lieu de se la jouer regard distancié et ironique à la Warhol (glaciation des images en aplats qui fait des hommes des machines, des objets de désir et/ou de consommation), il filme non stop des bulles de temps, des rêveries dépressives, des solitudes urbaines et des amours impossibles s’enroulant dans des ritournelles sentimentales infinies - il reste un grand sentimental, quoi. Certes, le chef-op Darius Khondji (La Plage, Seven, Beauté volée...), sans être un tâcheron, n’est pas Christopher Doyle mais à la limite, son côté plus vulgaire sert le film-collage de WKW, notamment toute la séquence rutilante avec Natalie Portman, flambeuse de casinos prête à tout comme dans le Gus Van Sant éponyme avec Nicole Kidman. Dire de WKW qu’il se serait américanisé, donc fourvoyé (? !), me semble aussi inepte que de dire de Norah Jones qu’elle est jazz alors qu’elle est davantage pop. Le territoire géographique change mais WKW reste fidèle à ses obsessions narratives et formalistes. Le long baiser au ralenti de Jude Law sur les lèvres endormies de la sauvageonne Norah Jones m’a ému jusqu’aux larmes. Eh ouais, je ne trouve pas que cela fasse Francis Lalanne ou tarte à la myrtille d’écrire cela, m’enfin !

Dans le dernier opus de l’homme aux lunettes fumées fétichistes, il y a toujours ce qui fait non pas uniquement sa marque de fabrique mais surtout sa grandeur, à savoir une mise en scène des sentiments jusqu’à leur exacerbation et un style visuel et sonore sophistiqué faisant qu’un film de WKW est toujours une expérience de cinéma et de vie à part. Selon moi, My Blueberrry Nights est un film-greffe ouvrant peut-être un nouvel eldorado à WKW, c’est son Coup de cœur (One from the Heart) à lui. Un film-carrefour.

Seule ombre au tableau et pas si anodine que cela, on peut quand même regretter que tout dernièrement Wong Kar-waï himself pille allègrement dans sa propre esthétique « exotique », à tendance par moments clipesque voire publicitaire - il faut bien le reconnaître -, pour servir une publicité (Philips/Aurea) réalisée par lui, ne méritant franchement pas un tel écrin de préciosité ineffable. Il est vrai que ce n’est pas sa première pub (cf. Motorola en 1998, Lacoste en 2002, etc.) mais ça fait faute de goût ici tant son spot est vraiment à la limite de l’autoparodie de son style glamour si fascinant. C’est ici : http://www.aurea.philips.com/ ?lang=fr_fr?origin=fr_fr_q4

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Faut-il désormais dire Wong Kar-aïe aïe aïe ?! Faut-il désormais dire Wong Kar-aïe aïe aïe ?!

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5 réactions à cet article    


  • Martin Lucas Martin Lucas 17 décembre 2007 11:43

    J’ai moyennement apprécié la publicité permanente pour LG, dans 2046, ainsi que le poncif de la femme-qui-fume-en-robe-moulante-devant-un-néon-blafard.

    Dans un registre similaire, je préfère de loin l’inégalable Blade Runner, dont l’esthétique a quelque chose à nous dire, sur la ville, sur l’attachement, sur les objets, sur le temps. Wong-kar-wai n’est vraiment pas de ce niveau, et mérite de continuer sur la voie des clips et spots publicitaires.


    • del Toro Kabyle d’Espagne 17 décembre 2007 12:18

      Celui qui me semble tout simplement époustouflant, c’est Kim Ki-Duk. Difficile à égaler même s’il ne jouit pas de la même couverture médiatique que WKW.

      (http://www.cineasie.com/Kim_Ki_Duk.html)


      • Juliette Goffart 17 décembre 2007 13:43

        Article très juste. On ne saurait snober le grand Wong-Kar-Wai pour cause de déplacement géographique et culturel !


        • Francis, agnotologue JL 17 décembre 2007 14:46

          Il m’a semblé voir un film fait avec plus de métier que de talent. La bande son, si elle est belle, ne colle pas avec l’action, elle en est parfois gênante. A aucun moment je ne me suis vu, comme dans In the mood for love ou 2046, guetter le retour d’une mélodie.

          Si les images sont belles, certaines sont lassantes. Quant à l’action, la fin du film est arrivée sur ma frustration : je l’ai trouvée insipide. Seuls les comédiens étaient bons.


          • del Toro Kabyle d’Espagne 17 décembre 2007 16:07

            L’adaptation qui n’a pas eu à souffrir d’un décalage géo-historique est le film de Xi Jinglei : Letters from an Unknown Woman.

            Je vous le recommande si ce n’est déjà fait (ou vu).

             ;)

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