Fitzgerald le magnifique entre dans la Pléiade
Un oubli enfin réparé : Scott Fitzgerald va rejoindre Hemingway dans la Pléiade.

1896 - 1940
Francis Scott Fitzgerald, chef de file de la "génération perdue", marié à une fille du sud Zelda Sayre auteur d'un roman autobiographique Accordez-moi cette valse - elle sera une source d'inspiration pour son mari qui aura avec elle une fille et la verra progressivement sombrer dans la folie - est né à Saint Paul dans le Minnesota en septembre 1896 dans une famille de la petite bourgeoisie. Son père est un représentant de commerce sans ambition et sa mère verra mourir deux de ses filles en bas-âge et une autre à sa naissance et reportera sur son fils un amour exigeant et tyrannique. Sa jeunesse sera solitaire, à l'écart des habituels jeux d'enfants, le petit Scott préférant la lecture et la rédaction de poèmes. Exclu de par sa prétention de l'impitoyable société estudiantine, cet échec le marquera longtemps. Afin de s'affirmer, il propose sa plume au magazine humoristique Princeton Tiger, puis au Nassau Literary Magazine.
N'ayant finalement obtenu aucun diplôme conséquent, le jeune Scott s'engage dans l'armée en 1917 et est envoyé l'année suivante à Camp Sheridan près de Montgomery avec le grade de sous-lieutenant. C'est là qu'il rencontre Zelda, une jeune fille excentrique de 18 ans, qui le fascine et dont il s'éprend. Dans le souci de la conquérir, il rédige un premier roman Le Romantique égotiste qui est finalement accepté, après deux échecs, par un éditeur sous le titre L'envers du paradis. Déjà ! Malgré ses imperfections, l'ouvrage plait et fait de son auteur le représentant d'une génération, celle de l'ère Jazz. Les retombées financières de ce premier succès permettent à Scott de demander la main de Zelda qui lui sera accordée. C'est alors que, profitant du dollar fort, le couple décide de s'installer en France sur la côte d'azur où le coût de la vie, étant donné un franc faible, les autorise à s'offrir le luxe des palaces et des belles villas. C'est dans l'une d'elle que Scott écrit Gatsby le magnifique dont il fait lire le manuscrit à Ernest Hemingway à la terrasse de la Closeraie des Lilas. Lors de sa publication, en avril 1925, et malgré d'excellentes critiques, les ventes ne décollent pas, si bien que l'écrivain est tenu de se remettre au travail en se consacrant à des nouvelles pour satisfaire les goûts de plus en plus extravagants de sa jeune épouse. Ces nouvelles, écrites d'une plume fine et aiguë, lui sont achetées à prix d'or par les journaux et propagent son nom sans lui valoir pour autant la notoriété à laquelle il aspire. Malgré les hauts et les bas de leurs ressources financières, Scott et Zelda vivent comme des riches car l'argent leur brûle les doigts et, ainsi que des papillons attirés par la lumière et les artifices, ils entendent jouir et se griser de tous les plaisirs. Zelda prend même un amant, un aviateur français Edouard Jozan, ce qui affecte beaucoup Scott dont les dernières années ( il meurt à 44 ans ) vont être empoisonnées par l'état de plus en plus alarmant de Zelda.
Il parviendra, entre les visites dans les cliniques psychiatriques et malgré ses soucis pécuniers, son propre alcoolisme et son état dépressif, à écrire Tendre est la nuit considéré aujourd'hui comme son chef-d'oeuvre. Ce sera dans la misère que Fitzgerald mourra à Hollywood en 1940 alors qu'il exerçait la profession de scénariste. Il laissera son roman Le dernier Nabab inachevé. Sa femme décédera quelques années plus tard dans l'incendie qui ravagera le sanatorium d'Asheville où elle était internée.
Dans l'oeuvre de Fitzgerald, on voit défiler une époque qui semble frappée par la magie de l'instant et condamnée depuis toujours. Les femmes y sont belles et dansent le charleston sans se soucier du lendemain ; les hommes sont désoeuvrés et boivent beaucoup ; il y a de belles villas, de grandes piscines, les nuits sont piquetées d'étoiles mais la mort attend embusquée à l'angle d'un mur ou au détour d'une allée. Jamais le plaisir n'a été décrit de façon si tragique, jamais la fragilité n'y a été plus envahissante comme ses verres en cristal alignés qui se briseraient sous l'effet d'une tornade, celle de l'implacable réalité. Fitzgerald est un romantique déprimé qui n'a cessé de lutter contre les ténèbres de l'inconséquence et les vapeurs de l'alcool à coup de tendres phrases et de divins mots. Chantre des promesses non tenues et des illusions perdues, voilà que l'écrivain entre enfin au panthéon des lettres, en éternel jeune homme, victoire d'une génération vulnérable que l'on croyait perdue.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
3 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON