Florent Pagny, une pensée décapante
La pensée de Florent Pagny, pour celui qui voudra bien se donner le peine de s’y intéresser, offre un formidable outil d’analyse, indispensable à la compréhension de notre société post-moderne.
Florent Pagny scrute le firmament à la recherche de la vérité. Prévoyant, il s’est muni d’un micro pour faire part de ses découvertes à l’humanité subjuguée.
Jusqu’à présent, il a été fort injustement écarté
des études universitaires sous de fallacieux prétextes (sa coiffure
serait par trop excentrique, il aurait un gros nez, il se tiendrait mal
à table, que sais-je encore...)
Or, il est évident, à la lecture de
son texte fondateur Laissez-nous respirer, que Florent Pagny compte
d’ores et déjà parmi les plus personnalités les plus marquantes qui
auront strié de leur marque indélébile la pensée philosophique encore
balbutiante du nouveau millénaire.
Laissez-nous respirer.
F. Pagny a constaté qu’on ne le laissait pas respirer. Le mystère plane sur l’identité des personnes incriminées. Mais gageons dès à présent que la suite du texte jetera sur leur véritable nature une lumière éblouissante. A noter que mû par un élan altruiste sans faille, F. Pagny englobe dans sa contestation - et les éventuels bénéfices qui vont en découler - une part non négligeable, mais cependant indéterminée, de l’humanité (usage du pluriel "nous").
Je ne ferais pas ça
Parce que vous l’avez commandé
Je n’irais pas par là
Parce que vous l’avez décidé
Dès les premiers mots F. Pagny marque son désaccord profond avec un certain nombre de choses qui reste - à dessein - encore floues, tout en signifiant son mépris de toute autorité.
J’aimerais pouvoir parler
J’aimerais pouvoir vous expliquer
Pouvoir vous dire
Arrêtez d’vous tromper
N’écoutant
que son coeur, F Pagny adorerait délivrer un message d’amour universel,
mais de toute évidence on refuse de l’entendre. Pourtant, il a tant de
choses à dire, à expliquer. Il reprend à son compte avec habileté la
figure tragique du philosophe qui s’époumonne en vain au milieu d’une
plèbe moutonnière et désespérante, trop occupée à jouer à l’euromillion
pour écouter un message de vérité. Arrêtez de vous tromper, s’exclame
- t-il, irrité. Car de toute évidence, nous nous trompons beaucoup.
Florent, en une formule lapidaire, interpelle chacun d’entre nous sur
l’inéluctable dimension tragique de sa condition. Car qui n’a pas rêvé
un jour d’arrêter de se tromper, notamment en ce qui concerne le choix
d’un nouveau papier peint ou d’une location de vacances ?
2- Arrêtez d’pas comprendre
Arrêtez vos conneries
Arrêtez d’pas entendre
Arrêtez d’croire que tout est toujours
Comme vous l’avez décidé
Arrêtez d’tout casser
Face au silence méprisant que lui renvoient ses contemporains, le ton se fait plus virulent, n’hésitant pas à utiliser des tournures famillières propre à choquer l’homme repu de sa propre médiocrité, afin de lui asséner un électrochoc salutaire. Quand l’homme aura arrêté de ne pas comprendre et donc commencé à comprendre, l’humanité aura fait un grand pas, nous déclare en substance F. Pagny. Le couplet se termine par cette supplique déchirante : Arrêtez d’tout casser. Quand on pense aux innombrables abris-bus ou cabine téléphonique vandalisés par des hordes de sauvageons sans scrupules ni morale, on ne peut qu’applaudir des deux mains à ce cri du coeur.
Refrain :
Eh vous Messieurs les plus grands
Oui vous Messieurs les plus forts
Messieurs les plus chiants
Vous qu’avez jamais tort
Oh vous les envahissants
Oui vous qui parlez trop fort
Toujours suffisants
Vous avez souvent tort
Alors laissez-nous vivre not’vie
Nous les soi-disant soi-disant petits
Laissez-nous respirer
Nous
montons encore d’un cran dans la véhemence, l’apostrophe se fait plus
précise, plus incisive aussi sous la plume scalpel de notre homme. Pour
qui n’avaient pas encore compris, la cible est désignée sans détours : Messieurs les plus grands, Messieurs les plus forts. Avec un courage
qui l’honore, F. Pagny ose désigner l’ennemi.
Pour la petite
histoire, on dit que la fin du couplet a été inspirée par, d’une part,
des problèmes de voisinages que rencontrait à cette époque le
philosophe et, d’autres part, le complexe qu’il nourrit depuis sa plus
tendre enfance vis-à-vis de sa taille.
3- Y a que vous qu’êtes parfaits
Y a que vous qui savez
Alors dites-moi comment on fait
Pour pas se rencontrer
Vous et nous les petits
Nous qui n’connaissons rien d’la vie
Vous savez c’qu’on vous dit
L’ironie
du style peine à cacher le mordant du propos. Les petits ne rencontrent
jamais les grands, simple question de taille ? Que nenni semble
répondre l’auteur, car il suffirait que chacun y mette du sien, que les
grands marchent à genoux, que les petits chaussent des talons
conséquents, et la rencontre pourrait enfin avoir lieu. Mais c’est sans
compter sur la morgue des grands qui font la sourde oreille. D’où le
courroux des petits qui peuvent parfois se laisser aller à quelques
verdeurs de language que F. Pagny passe pudiquement sous silence.
au Refrain
Eh vous Messieurs les plus grands
Oui vous Messieurs les plus forts
Messieurs les plus chiants
Vous qu’avez jamais tort
Oh vous les envahissants
Oui vous qui parlez trop fort
Toujours suffisants
Vous avez pourtant tort.
L’estocade
est enfin portée lors de ce refrain légèrement modifié. Observez bien
le dernier vers : toute la réponse, concentrée en quelques mots simples,
mais néanmoins choisis avec un remarquable à propos, se trouve là, sous
nos yeux enfin ouverts par le discours salvateur de F. Pagny : Oui, Messieurs les plus grands, "vous avez pourtant tort".
Qui pourrait à présent prétendre le contraire : les grands, en dépit d’une taille qui en impose naturellement, ont tort. Doit-on en conclure a contrario que Florent Pagny a raison ? Le philosophe s’interdit de conclure et nous laisse, seuls et nus au milieu du cosmos, face à nos propres questionnements.
Encore très jeune, F. Pagny fait déjà la une d’une revue philosophique de prestige.
24 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON