Freud : l’ogre de Moïse !
Le 6 mai, sera célébré l’anniversaire de Freud, ce penseur de notre modernité. Celui qui traqua nos vérités intimes dans un nouveau continent appelé l’inconscient a une histoire personnelle plus complexe qu’il n’y paraît, liée à celle d’un autre fondateur d’histoire : Moïse. Qu’en est-il de leur relation « inconsciente » ?
Freud a peur d’une statue
Freud est-il un ogre ? Telle est la question que pose sa relation avec la figure mythique de Moïse. Lors de son premier voyage à Rome, il est fasciné par la statue de Moïse, il est même quelque peu effrayé, il a peur face à ce colosse aux mains chargées des Tables de la Loi ! Il a du mal à se tenir debout devant ce patriarche, à se rendre visible ; se sent-il coupable d’avoir essayé de le dévorer ? Plusieurs années après ce périple à Rome, il écrira un article sur cette statue, il ne le signera pas ! Questionné par ses disciples, il répondra : " Pourquoi ferais-je tort à Moïse en lui accolant mon nom ? ". Et pourtant la réalité est bien différente. Freud a déjà dévoré, englouti, le nom de Moïse dans celui de ses enfants.
Ses enfants, emprunts de Moïse
Les initiales des premières lettres des six prénoms de ses enfants forment le nom du fondateur Moïse ! Mathilde et Martin , ensuite Olivier, Ernst, Sophie, Hanna soit MOESH (Moïse en hébreu) ! On peut penser qu’il signe la volonté (inconsciente) d’être lui aussi fondateur d’une science ou d’une nouvelle religion. Dans son dernier livre, Moïse et le monothéisme, il efface son nom, il en fait un chef égyptien assassiné dans le désert qui impose sa religion aux juifs, puis un prêtre madianite ! Il renie alors la judaïté de Moïse et ceci dans les années trente. Conscient du caractère osé de son geste, il déclare : " Déposséder un peuple de l’homme qu’il célèbre comme le plus grand de ses fils est une tâche sans agrément et qu’on n’accomplit pas d’un coeur léger ". Pourquoi utiliser le terme fils ? Freud se prend-il pour le père ? Comment peut-il alors se tenir debout devant le Tout-Autre ? Sa relation sera donc plus horizontale : la sexualité , le divan deviendra le coeur de son oeuvre. Sa fécondité serait-elle alors la meilleure preuve d’une volonté de se substituer à la figure originelle ?
Comment lutter contre l’ogre de barbarie ?
D’où la nécessité de construire un nouvel équipement conceptuel pour se rapprocher du ciel, "ce lieu où nous sommes quand nous cessons d’être invisibles les uns aux autres", selon la belle définition de la psychanalyste Marie Balmary. Quant à l’équipement, il renvoie à l’étymologie du mot apôtre qui renvoie à l’équipement d’une flotte, à l’expédition d’une ambassade ! Etre équipé pour la rencontre, tel est le message biblique ; serait-il aussi celui de la psychanalyse ? S’équiper pour faire face au mal, aux maux, c’est une mission peu ordinaire, ou extraordinaire ? Dans tous les cas, il faut apprendre à ne pas dévorer son prochain, mais aussi à ne pas être dévoré par lui. L’ogre doit s’effacer pour éviter la barbarie et faire advenir une parole à croire, sans complément ! Voilà pourquoi, il faut apprendre aux enfants à avoir peur des ogres, c’est-à-dire à ne pas se faire déposséder de sa propre parole...
(A lire de Marie Balmary : Le moine et la psychanalyste, Albin Michel)
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