Génération gratuité
Que penser de cette génération qui passe le plus clair de son temps à télécharger des musiques et des films piratés - et de n’écouter que ces musiques et de ne regarder que ces films -, pour lesquels elle ne donnerait pas un Euro si d‘aventure elle y était contrainte ?
Pour sûr, cette génération sera vertueuse parce que... écolo : “Comment ça ! Vous vous brossez les dents en laissant couler l’eau du lavabo ?!! Mais quel sorte d’homme êtes-vous ? Vous n’avez pas honte ?”
Ecolo et puis, un rien hygiéniste aussi : “Qui c’est ce taré incontrôlable qui fout le bordel ?! Débarrassez-nous en au plus vite !”
Pour le reste, on est prévenus : inutile de chercher à éveiller en elle un intérêt quelconque pour ce qui s‘avèrera être payant.
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(Improvisation 3 - 60x60 Ursula ULESKI)
Depuis les années soixante, nos sociétés n’ont-elles pas pour seule préoccupation la dévalorisation de tout ce qui peut représenter ou prétendre à une valeur autre que marchande ?
La marchandisation de tout ce qui peut a priori faire l’objet d’une transaction commerciale c’est la société de consommation arrivée au sommet de sa maturité ; et son corollaire a pour nom : la gratuité.
Inutile d’y voir là une contradiction ou un paradoxe qui trahiraient un manque de cohérence car... si tout ce qui a un prix n’a pas de valeur,aujourd’hui, tout ce vaut et rien ne vaut la peine de rien et sûrement pas de débourser quelque argent pour ce rien qui ne vaut pas plus que ce que peut valoir tout le reste.
Et cette gratuité offerte, puisque nombreux sont ceux qui ne veulent plus payer, le sera mais... à quel prix ?
Au prix de tout ce qu’on leur fera payer en échange de cette gratuité qui concerne des secteurs d’activités totalement dévalorisés, désincarnés, vidés : journaux gratuits pour la dévalorisation du métier de journaliste, télévision publique sans garantie de financement, musiques, films, tous devenus interchangeables à souhait, sans art, ni histoire ni transcendance...
Car, les véritables enjeux sont ailleurs, et pour commencer dans tout ce qui avait été acquis de haute lutte et de longue date et que le marché a investi au galop, à savoir : tout ce qui était hier encore accessible à tous et qui aujourd‘hui ne l‘est qu’à la condition d’être capables de payer rubis sur ongle.
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Aussi, toute communication autour de la gratuité avec son message subliminal “Mais... payez donc ! puisqu’on vous dit que c’est gratuit !” a de bonnes chances de faire la fortune de quelques uns mais d’en flouer un très grand nombre à l’heure où tout espoir de parvenir à réinvestir nombre de domaines culturels délaissés ou privés d’exigence et d’excellence, semble à jamais perdu.
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Extrait du titre inédit : Abécédaire - G comme Gratuité -, gratuitement téléchargeable (eh oui ! Personne n’y échappe !) dans son intégralité - 240 pages - cliquez : Léo Scheer M@nuscrit - index des auteurs : lettre S comme Serge ULESKI
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