Gomorra & capitalisme
Les libéraux aiment vanter les vertus de « la main invisible des marchés »
Ils sont plus discrets sur ses acteurs invisibles
C’est le mérite de Roberto Saviano de les mettre en lumière.
Lu pour vous : Gomorra
« Cosimo incarne à la perfection le nouvel entrepreneur du Système, l’image d’une bourgeoisie qui s’est libérée de toute entrave, mue par la volonté implacable de dominer chaque secteur du marché, de mettre la main sur tout…
Vouloir tout, et tout de suite, s’en emparer maintenant. C’est la force et l’attrait qu’incarne Cosimo Di Lauro.
Tout le monde finit par être coincé à la retraite. Tout le monde finit par être piégé, à la merci d’une garde-malade polonaise. Pourquoi crever de dépression, pourquoi chercher un travail qui permet à peine de survivre, pourquoi trimer à mi-temps dans un centre d’appels ? Plutôt devenir un chef d’entreprise . Un vrai,capable de faire des affaires avec tout et de gagner de l’argent même avec rien. Ernst Jûnger dirait que la grandeur est exposée à la tempête : des mots que les entrepreneurs de la camorra pourraient faire leurs
Etre au cœur de l’action, au centre du pouvoir. Tout utiliser comme un simple moyen et n’avoir que soi pour fin. Ceux qui prétendent que c’est immoral, qu’il ne peut y avoir d’existence humaine sans éthique, que l’économie doit avoir des limites et d’obéir à des règles, ceux- la n’ont pas réussi à prendre le pouvoir, ils ont été vaincus par le marché.
L’éthique est l’excuse des perdants, la protection des vaincus…La loi existe sur le papier, mais la justice est autre chose…Justice et injustice n’ont de valeur que dans un cadre concret, victoire ou défaite, actions commises ou subies. Celui qui nous insulte ou qui nous maltraite commet un acte injuste. Mais s’il nous réserve un traitement de faveur, alors il se montre juste…
L’impératif économique découle de cette logique…La logique de l’entreprenariat criminel et la vision des parrains sont empreints d’un ultra libéralisme radical. Les règles sont dictées et imposées par les affaires, l’obligation de faire du profit et de vaincre la concurrence. Le reste ne compte pas. Le reste n’existe pas.
Le pouvoir absolu de vie et de mort, lancer un produit, conquérir des parts de marché, investir dans des secteurs de pointe : tout a un prix, finir en prison ou mourir.
Détenir le pouvoir, dix ans, un an, une heure, peu importe la durée : mais vivre, commander pour de bon, voilà ce qui compte. Vaincre dans l’arène du marché et pouvoir fixer le soleil….
Le parrain peut être tué ou arrêté, mais l’organisation qu’il a bâtie demeure : elle change sans cesse, se transforme, croît et augmente ses profits.
Cette mentalité de samouraïs ultra libéraux, qui savent que le pouvoir, le pouvoir absolu, a un prix, j’en ai trouvé un résumé saisissant dans une lettre écrite par un adolescent qui purgeait une peine de prison dans un établissement pour mineurs, une lettre qu’il avait remise à un prêtre :
« Tous ceux que je connais sont soit morts, soit en prison. Moi, je veux devenir un parrain, je veux avoir des centres commerciaux, des boutiques et des usines, je veux avoir des femmes. Je veux trois voitures, je veux que les gens me respectent quand je rentre quelque part, je veux des magasins dans le monde entier. Et puis je veux mourir. Mais comme meurent les vrais, ceux qui commandent pour de bon. Je veux mourir assassiné. »
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