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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Guillaume et les garçons, à table !

Guillaume et les garçons, à table !

Cinémenterie

Le grand écart …

Je sors de ce film que, spontanément, je ne serais jamais allé voir si des amis ne m'y avaient poussé. Il faut avouer que la bande annonce qui ne donne ni dans la nuance, ni dans la délicatesse, a de quoi repousser le cinéphile. Le sujet, scabreux au possible, me semblait un piège, et je craignais de tomber dans la farce ou la galéjade, je ne fus pas déçu …

Non que l'on puisse accuser Guillaume Gallienne de ce travers ! Ce serait injuste et immérité. Il y a bien plus de subtilité dans son film que ne le laissent supposer les quelques extraits servis pour attirer rieurs et voyeurs. Hélas, ils font bien partie de cette production qu'ils jalonnent de clins d'œil grossiers pour complaire à une partie du public.

Le film se perçoit aussi en demi-teinte et en nuances dans les fragments de la pièce évoquée en fil rouge, celle qui justifie son existence. Ce sont alors propos profonds, épurés, intimes qui donnent à ce récit une vraie valeur de témoignage introspectif. C'est beau et émouvant, c'est intense et sincère. Mais ce n'est sans doute pas de nature à plaire au grand public …

Alors, Guillaume Galliène qui s'est fait réalisateur pour l'occasion, sert à ces spectateurs la pâtée promise ! Il y va franchement, avec de gros sabots qui ne sont pas vraiment son style. Ça rigole gras dans la salle, ça moque la tantouze, ça se gausse du quiproquo salace, ça s'esclaffe au premier degré ! Une fois encore, je suis mal à l'aise ; je ne supporte pas ces rires qui me semblent aller à l'encontre des intentions de l'auteur.

Une fois encore, j'ai l'outrecuidance de vouloir me situer au-dessus de la ceinture quand tant d'autres, autour de moi, se complaisent à se vautrer un tantinet plus bas. Ont-ils tort ? Suis-je prétentieux au point de ne pouvoir accepter leurs rires ? C'est pourtant ce qui s'est joué tout au long de la séance, ce décalage entre le sujet et un rire qui me semblait aller à contre-sens.

C'est aussi le questionnement sur la création qui se joue ici. Ce film va manifestement connaître un succès public. Les éclats de rire nombreux et bien sonores sont les marqueurs d'une audience qui sera certainement au rendez-vous. Mais ces rieurs ont-ils la même lecture que l'auteur ? Ne sont-ils pas de bons homophobes qui se poilent sur des situations scabreuses à plaisir ? La question m'a tourmenté durant toute la projection.

Je retrouve alors le même malaise que lors de la sortie de « Gazon maudit ». Les tenants d'une morale officielle se poilant à contre-sens, se satisfaisant à pleins zygomatiques du premier degré. L'ironie n'est pas farce, le décalage n'est pas burlesque. On peut sourire, il y a de nombreuses occasions de le faire ; éclater de rire, c'est passer de l'autre côté de cette frontière étroite entre le partage de ce récit douloureux et intime et la farce gauloise des fins de repas trop arrosés.

Je vous invite naturellement à vous rendre à cette projection. Chacun y trouvera ce qu'il cherche ; je n'ai nullement l'outrecuidance de vous imposer une grille de lecture. Se taper le ventre à propos des tergiversations sexuelles d'un être ambivalent, à la recherche de sa véritable identité, n'est certes pas un crime. Par contre, si vous êtes plutôt tentés de comprendre ce parcours, d'en saisir les douleurs et les impasses, il serait mieux pour vous de vous prémunir contre les rires voisins.

Ce sont eux qui m'ont perturbé pendant une grande partie de ce bon film, m'incitant à porter un jugement négatif à son encontre. Nous sommes si sensibles à l'environnement, qu'il n'est jamais simple de se faire une opinion dans un contexte si marqué. Je vous souhaite, en conséquence, de vous protéger de la contamination grasse et souvent homophobe. Si ce risque existe, il est certainement dû à une faiblesse de la réalisation qui néanmoins, ne doit pas remettre en cause les intentions du propos.

À vous de vivre cette aventure étrange, si le cœur vous en dit. Bon film à vous !

Mise-en-gardement vôtre.


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19 réactions à cet article    


  • Francis, agnotologue JL 26 novembre 2013 10:33

    Sauf erreur, le titre exact est : ’’Les garçons et Guillaume, à table’’.

    Bien que n’ayant pas (encore) vu ce film, j’aime bien votre analyse,

    Vous évoquez les ’’tergiversations sexuelles d’un être ambivalent, à la recherche de sa véritable identité’’, pour ma part j’y verrais plutôt un cas d’école relatif à la relation mère fils dans ce qu’elle peut être parfois problématique.

    Pour ce que j’en sais, ce film pourrait interpeller davantage les mères que les homosexuels.


    • L'enfoiré L’enfoiré 26 novembre 2013 11:23

      Bien d’accord avec vous JL.

      Je connais parfaitement le problème. 
      Pas loin du complexe d’Oedipe.

    • Fergus Fergus 26 novembre 2013 11:50

      Bonjour, JL.

      L’attitude de la mère ne semble pas en cause dans un cas de ce type dès lors que l’identité sexuelle problématique ne concerne qu’un seul des garçons.


    • Francis, agnotologue JL 26 novembre 2013 12:01

      Bonjour Fergus,

      je regrette, je crois que vous faites erreur. D’une part, nous ne parlons sans doute pas du même pb, d’autre part vous semblez ignorer que les relations dans une famille ne permettent pas un jugement aussi simpliste (tous pareils !).

      Le problème que j’évoque, ce sont les souffrances de l’enfant face dans un contexte sur lequel il ne peut rien - pour lui c’est indicible, et pour les autres c’est imperceptible - mais qui détermine la construction de son Moi.


    • Francis, agnotologue JL 26 novembre 2013 12:07

      PS : je n’ai pas vu le film, mais j’ai attentivement écouté Guillaume Galliène en parler.


    • C'est Nabum C’est Nabum 26 novembre 2013 12:18

      JL


      J’inverse volontairement la mécanique du titre !

      Car pour moi, dans la salle, il y eut inversion des ressorts du film.

    • Francis, agnotologue JL 26 novembre 2013 13:05

      @ Nabum,

      je crois que cette inversion dit encore autre chose : elle me parait plus improbable mais aussi moins redoutable.

      En effet, ’Guillaume et les garçons’ dit quasi explicitement que Guillaume n’est pas un garçon ; en revanche, la formulation ’Les garçons et Guillaume’ dit que Guillaume compte peu pour celle qui parle, comparé aux garçons.

      Et c’est peut-être en essayant d’être quelque chose au yeux de sa mère que le petit garçon a choisi la voie qui lui paraissait la plus sûre et la plus conforme à ce non-dit : ’être comme elle’.


    • C'est Nabum C’est Nabum 26 novembre 2013 13:11

      JL


      Vous avez raison ! 

    • Fergus Fergus 26 novembre 2013 13:22

      Bonjour, Oncle Archibald.

      Vous avez raison, et j’ai moi-même déjà mis en avant ces différences de traitement dans une même famille à propos de la délinquance, certains enfants pouvant basculer du mauvais côté de la loi malgré un cadre familial identique en apparence.

      Les risques du genre de celui qui est évoqué par le film sont toutefois plus élevés avec un fils unique, si j’en crois les cas que j’ai pu connaître de garçons perturbés dans leur orientation sexuelle du fait d’un comportement ambigu de leur mère à leur égard.

      Mais je reconnais volontiers, encore une fois, que cela peu se produire également dans des fratries plus larges comme vous me l’avez rappelé avec pertinence.


    • L'enfoiré L’enfoiré 26 novembre 2013 16:15

      JL,


       « ce sont les souffrances de l’enfant face dans un contexte sur lequel il ne peut rien - pour lui c’est indicible, et pour les autres c’est imperceptible - mais qui détermine la construction de son Moi. »

      110% d’accord.
      J’ai écrit une autobiographie. Elle ne correspond pas à celle de l’auteur-acteur du film (normal la famille constituée était différente) mais par certains points, cela se rapproche.
      L’enfance comme pour l’auteur est un plat froid en entrée que l’on mange tout sa vie. 


    • L'enfoiré L’enfoiré 26 novembre 2013 16:18

      Fergus,

      « Les risques du genre de celui qui est évoqué par le film sont toutefois plus élevés avec un fils unique, si j’en crois les cas que j’ai pu connaître de garçons perturbés dans leur orientation sexuelle du fait d’un comportement ambigu de leur mère à leur égard. »

      Là, vous approchez, terriblement... smiley

    • Politeia 26 novembre 2013 12:16

      "Se taper le ventre à propos des tergiversations sexuelles d’un être ambivalent, à la recherche de sa véritable identité, n’est certes pas un crime. Par contre, si vous êtes plutôt tentés de comprendre ce parcours, d’en saisir les douleurs et les impasses, il serait mieux pour vous de vous prémunir contre les rires voisins."

      Je vais vous faire une grande révélation : L’un et l’autre ne sont pas incompatible et si rire d’un homo c’est être un homophobe et bin je suis phobe d’un paquet de chose car je ris de beaucoup de chose.


      • C'est Nabum C’est Nabum 26 novembre 2013 12:20

        Politeia


        Vous me rassurez ! 

      • DanielD2 DanielD2 26 novembre 2013 14:14

        Pas très intéressé par les problèmes familiaux pervers de la haute bourgeoisie parisienne.


        • DanielD2 DanielD2 26 novembre 2013 17:00

          J’ai pas dit qu’une histoire de travelo dans le Berry m’intéresserai plus hein ....


        • C'est Nabum C’est Nabum 26 novembre 2013 19:43

          DanielD2


          Si seulement ce problème ne touchait que les bourgeois ! 

          C’est pire encore quand on vient d’un milieu plus simple. Mais ceci échappe à la réthorique

        • imprécateur 26 novembre 2013 14:33

          Je suis « scotché » et très agréablement surpris par la qualité des commentaires sur un article intelligent et posant de bonnes questions ; de tels comportements se faisant de plus en plus rares sur Agoravox, que symboliquement, je « plusse » tous les intervenants et bien sûr l’Auteur ! 


          • C'est Nabum C’est Nabum 26 novembre 2013 19:46

            imprécateur


            Merci visiteur élogieux

            Les quelques commentateurs et moi même ne faisons pas ici notre cinéma. Nous dialogons, nous échangeons et je laisse place à l’aparté quand ils en éprouvent l’envie sans venir y mettre mon grain de sel.

            Un seul a voulu semer le vent idéologique. Une petite brise sans importance.

          • C'est Nabum C’est Nabum 26 novembre 2013 21:57

            Musima


            Vrais, grands et tonifiants récits ?

            Je doute que tous les grandes œuvres se retrouvent derrière ces qualificatifs.
            Il faut de tout pour émouvoir, toucher, emporter, distraire, énerver, titiller le lecteur ou le spectateur.

            Même si nous avons ici une œuvre très mineure, elle a le mérite d’explorer un domaine qui peut aussi donner lieu à de grandes choses. Ne nous limitons jamais à un seul registre.

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