Guy Debord en exposition à la Bibliothèque nationale de France
« Guy Debord un art de la guerre » (ouverture le 27 mars)

Un des souvenirs que nous laisse Guy Debord est sa fameuse formule : « Jamais je ne donnerai d'explication ». Alors, que reste-t-il de la pensée de celui qui a écrit La Société du spectacle ? Ce qui explique son succès serait qu’il donne dans cet ouvrage, auquel nous nous tiendrons tant son œuvre est vaste et diverse, des positions mais s'y arrête. Et ce n'est sans doute pas le moindre des paradoxes de ce personnage si intéressant mais également daté et actuel tout à la fois. Essayons d'envisager les différentes facettes qui constituent son œuvre et ses activités.
1. L’internationale situationniste était une avant-garde artistique dont le projet était le dépassement de l’art comme l’avaient été les surréalistes en leur temps. Il tentait de restructurer la pensée marxiste en la resituant à l'époque des médias. Il essayait également d'agir sur le poids des infrastructures dans le but d'établir des modes possibles de résistance à l'aliénation du sujet dans la société contemporaine. Dans La Société du spectacle il examine le fait que tous les rapports sociaux sont médiatisés par l'image ce qui les vide de toute authenticité.
2. Ce qui reste de Guy Debord se retrouve plutôt de manière souterraine chez des artistes, surtout américains, mais qui ne se revendique pas spécifiquement de lui. Ce sont principalement des street artists. Bien entendu il laisse aussi un héritage politique que l'on retrouve chez les gauchistes radicaux. Julien Coupat (affaire de la rupture présumée du caténaire du TGV, 9 novembre 2008) se revendiquait ouvertement de Guy Debord.
3. Debord pose la question de la revendication d’une réalité hégémonique face à la marchandisation de la vie elle-même. Il en a une lecture émancipatrice. Ce que Marx appelle le passage de la quantité à la qualité. Il s’insurge, il conscientise car il oblige constamment le lecteur à faire ce choix : entrer ou sortir de la société du spectacle, rechercher une stratégie de rupture avec la société du spectacle.
4. Définir le situationnisme. C'est « la réparation de la séparation ». La séparation c'est celle du réel opérée par la société du spectacle. Il veut réconcilier l'individu avec son vécu dans un contexte social, politique, économique etc. On peut remarquer que le situationnisme n'a pas attaqué les structures de l'industrie du divertissement.
5. L'exposition nous montre le jeu de plateau appelé « Jeu de la guerre » inventée par Guy Debord. Il sert à reconsidérer l'individu avec le conseil de la stratégie. C'est une métaphore de la lutte des classes à peine voilée. Il s'agit de recréer les grands moments des luttes et des insurrections. Aujourd'hui certains jeux vidéo récupèrent cette idée de Guy Debord. Cette utilisation qu'il fait du jeu met pour certains en cause sa crédibilité. Le jeu est une stratégie de détournement de situation, ce qui est le fondement du situationnisme.
6. Comment être marxiste et avoir ce jeu comme moyen révolutionnaire ? Pour lui c'est un moyen festif de comprendre le conflit. Il utilise toujours la langue de la justice, de la patrie etc. Il pose alors la question de la propriété intellectuelle. Il disait d'ailleurs dans la revue de l'international situationniste que tous les textes pouvaient être copiés ou détournés sans citation de l'auteur. Il estime qu'une œuvre doit laisser des traces sans droits de propriété intellectuelle. L'absence de copyright n'était pas une anticipation d’Internet. Il ne pouvait certainement pas l'avoir prévu. À ce titre il montre une assez grande logique interne. Il a exclu beaucoup de gens de son mouvement jusqu'à lui-même. Il participe donc d'un détournement institutionnel rejoignant ainsi une forme de communisme fondamental.
7. Il tourne un film au titre éponyme « La Société du spectacle » qui date de 1964. Nous avons évoqué plus haut la multiplicité de ses activités. Il y développe ses idées phares. Pour lui le spectacle est le langage de la marchandise. Si nous nous laissons attirer par les sirènes du spectacle c’est que nous nous éloignons des conditions matérielles de la production. C'est essentiellement dans le contexte des années 50 et 60 une optique purement marxiste.
8. L'actualité paradoxale de ce livre, La Société du spectacle, est que bien qu’extrêmement datée (surtout par son vocabulaire marxiste qui risque ainsi d’échapper complètement aux lecteurs actuels), elle anticipe de façon spectaculaire le développement d'Internet. Sa pensée radicale utilise un vocabulaire très marxiste mais laisse place à une société du spectacle qui a une volonté sur le monde. Retrouve-t-on pour cela Debord dans l'Internet actuel ? Il a été revendiqué dans les années quatre-vingt-dix et actuellement dans les communautés créatives qui revendiquent le droit à l'utilisation systématique et public des données Internet.
N.B. Suivant l’exemple de Guy Debord, je ne citerai aucune de mes sources et me refuserai à toute explication.
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