Histoire de fesses

« Réservé à un public averti » est-il précisé sur la version dvd de La face cachée des fesses. Ah bon ? Il s’agit pourtant d’un film très sage sur un sujet, certes, qui l’est un peu moins. Cela dépend comment on le prend, bien sûr. Mais que les âmes sensibles se rassurent, ce film ne pénètre pas au fond des choses. Il est vrai que la gageure était de taille. Faire parler les fesses, cette bouche à l’envers, pendant moins d’une heure, relevait du défi. Car mystérieuses elles sont, mystérieuses elles demeureront.
Evitant la grivoiserie, le film navigue entre sérieux et légèreté. Les intervenants sont triés sur le volet : Jean-Luc Hennig (auteur notamment d’une Brève histoire des fesses), Alina Reyes (auteur du Boucher), Claudine Cohen (historienne des sciences), Brice Ahounou (anthropologue), Philippe Comar (professeur de morphologie aux Beaux arts), Jean-Paul Goude (photographe et publicitaire).
« Les fesses dissimulent ce qu’on ne maîtrise pas : on maîtrise son corps, ses mains, ce qui est de face. Les fesses, on ne peut pas », souligne l’écrivain Jean-Luc Hennig qui ajoute que « quand on parle des fesses c’est de nous-mêmes que nous parlons ». Autrement dit « ton style c’est ton cul » (Léo Ferré). Jean-Paul Goude, dont on se souvient des publicités avec la fameuse Cookie, estime que « la fesse c’est la touche finale qui fait que le corps est exceptionnel ».
Mais d’où vient le mot fesse ? Du latin fissa, fente. On apprend que « les muscles fessiers sont le propre de l’homme en cela qu’ils permettent la station bipède. Ce sont des muscles extrêmement puissants. Le grand fessier est le muscle le plus puissant du corps. Et s’il est si puissant qu’il nous permet la station redressée et la marche » explique Claudine Cohen, historienne des sciences (EHESS).
C’est quoi des belles fesses ? Réponse impossible. Question d’époque et de culture. Mais d’où vient que les sculptures, de la préhistoire à Maillol, en passant par la statuaire grecque, Michel Ange et Leonard de Vinci nous émeuvent toujours ? Pourquoi Ingres, Degas, Rubens, Courbet ont-ils accordé tant d’attention à ces fesses qui se dévoilent à mesure qu’elles s’éloignent et à cause desquelles on passe son temps à se retrouner dans la rue, à l’instar de Jean-Luc Hennig. Oui, on se retourne sur de belles fesses, mais quoi ? « Cela retient l’attention sur le moment, mais pas davantage », constate Alina Reyes.
Pas davantage ? Pourtant il n’a sans doute pas été difficile pour les réalisateurs de trouver des images pour illustrer ce sujet, preuve qu’il retient l’attention durablement : pochettes de disques, unes de Charlie hebdo, films - Le Mépris avec la fameuse tirade de Bardot sur ses fesses est évoquée, mais est montré un extrait des Galettes de Pont-Aven avec l’inénarrable Jean-Pierre Mariel - ou encore photographies ou séquences d’actualité nous rappelant le scandale causé par l’affiche de Michel Polnareff lorsqu’il avait montré ses fesses à tous les passants. L’un d’entre eux, lors d’un micro-trottoir estime que « c’est un gars qui a besoin d’une bonne petite fessée ».
C’est alors que le film commence à devenir intéressant. On aborde enfin les régions infernales, celle de la fessée et de la sodomie. « Le châtiment et le plaisir au même endroit », précise la réalisatrice Caroline Pochon dans Ouest-France.
Dommage que ça n’arrive qu’à la fin du film la fesse interdite, subversive, diabolique, politique. Il y avait tant à dire. « C’est pour ça qu’on en parle, constate Jean-Luc Hennig dans le documentaire. Il y a encore un côté souffre. Vous n’avez pas fait une émission sur le bras ».
Bref la fesse renferme encore bien des secrets.
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