C’est avec une profonde tristesse que j’ai appris le décès, puis lu la nécrologie dans Le Monde, de Pierre Barbéris (ici en 1973, photo DR), spécialiste mondialement reconnu de l’œuvre de Balzac.
Quand j’ai commencé, vers l’âge de seize ans, à lire dans les éditions de poche les romans de Balzac je trouvais qu’il était très difficile d’entrer dans l’histoire et d’en suivre le cheminement. Mais il y avait les préfaces lumineuses, et partant pédagogiques, de Pierre Barbéris. Elles me permettaient de mieux comprendre et d’anticiper ce dont il était question. En 1999, à Tours, au moment de la commémoration du bicentenaire de la naissance de Balzac, puis, surtout, en 2007 à l’occasion d’un colloque à la maison Balzac, à Paris, intitulé : Balzac et le politique, j’avais espéré le rencontrer et pouvoir m'entretenir avec lui. Mais il était excusé pour des raisons de santé.
J’ai repris des études en lettres modernes en 2004, lors de mon master de 2ème année, j’avais acheté Le monde de Balzac et je m’étais procuré auprès de la bibliothèque de l’université Montpellier-III Paul Valéry : Balzac et le mal du siècle, titre qui m’intriguait car je ne voyais pas la relation entre le romantisme de Chateaubriand, par exemple, et l’œuvre plus réaliste de Balzac. C’est Pierre Barbéris, dans les deux livres que j’ai cités, qui me fournit l’explication que j’attendais. Pendant ces années universitaires, une jeune professeur, qui appartient à la nouvelle génération de la critique balzacienne, m’avait expliqué que je ne devais pas limiter mes travaux à Pierre Barbéris dont les analyses marxistes dataient.
Je m’en suis souvenu vers 2007-2008 quand la crise financière a éclaté avec la violence que l’on sait et que Le Monde a présenté des romans inspirés par des crises économiques (Zola, Némirovsky, etc.), j’y retrouvai La maison Nucingen où Balzac décrit James de Rothschild sous les traits du célèbre baron à travers l’histoire d’un délit d’initié. Bref, il s’agissait d’en revenir à... Pierre Barbéris. Les analyses de ce vieux monsieur étaient soudain redevenues d’actualité... Même si Balzac prétendait écrire à la lumière du trône et de l'autel (cf. l'avant-propos de La Comédie humaine), j'ai toujours privilégié dans mes lectures l'approche de la critique marxiste (Lukàcs, Wurmser, Barbéris).
Et je veux dire ici combien je regrette sa disparition, et que je n'oublie pas combien ses travaux m’ont passionné et aidé à mieux comprendre Balzac.
Michel Frontère (Membre du Groupe d’études balzaciennes)