Il n’y eut point de sacrifices humains autrefois en Amérique
Le monde précolombien ? Un monde naturel de sagesse et de paix.
La TV française a diffusé il y a peu un documentaire du réalisateur Novoa intitulé Le mystère de la momie tatouée ayant en principe pour sujet « La dame de Cao », une momie extraite de la huaca (monument-cimetière) située au lieu-dit Cao, près du Pacifique, à 55 km au nord de Trujillo.
Si dans ce document les trop courtes interventions de l’archéologue péruvien responsable du site et ami de longue date Régulo Franco saupoudrent un peu de sérieux, il est regrettable que le sujet ait été une fois de plus exploité à des fins commerciales. La moitié de ce petit film est en effet dédiée à des scènes macabres de tueries sauvages entrecoupées de danses grotesques par des acteurs indianisés qui laissent entendre qu’elles constituaient l’essentiel des rites de la culture mochica qui fleurit entre le premier et le neuvième siècle de notre ère ! Comme la violence et le meurtre se vendent très bien surtout de nos jours, on pourrait penser que la recherche de l'audimat dont les TV sont si friandes fut le moteur du choix de cette mise en scène par ce réalisateur. Mais il y a plus insidieux.
Les représentations en apparence guerrières mais avec des costumes d’apparat peintes sur les céramiques mochicas des 4ème et 5ème périodes, sont hélas toujours interprétées au premier degré par nos spécialistes européens et consorts, c’est-à-dire systématiquement violentes. Or elles sont en réalité essentiellement rituelles et pédagogiques ! C’est le cas par exemple du motif de la « corde au cou » apparaissant sur des hommes ayant le sexe à l’air et les mains liées dans le dos. Ce symbole est interprété à la gréco-romaine comme étant l’expression d’un proche sacrifice humain évidemment « commandité par les dieux ». L’imagination débordante de ces auteurs en mal de sacrifices fait aussi de ces personnages « des guerriers ennemis vaincus, déchus et prisonniers ». Mais selon la tradition rapportée par les Hamauttas qui sont les sages pratiquant l’astronomie, l’architecture et la guérison par les plantes, cette représentation symbolique indique le désir de rédemption de ces « prisonniers à sacrifier » qui s’étaient laissés aller à la recherche de la jouissance et étaient devenus esclaves de leurs sens. Ils se soumettent volontairement à cette cérémonie d’expiation et de désenvoutement. C’est un peu la recherche d’une "remise de peine" solennelle par un acte volontaire de « changement de peau » comme ceux mentionnés plus de 80 fois dans les Vedas. L’homme représenté la corde au cou fait en effet le sacrifice volontaire de son égo… afin d’atteindre un niveau de conscience supérieur. Les autochtones de "La Terre en Fleurs" (Abya Yala en langue cuna) ou "Immensité" (Itzachilan en langue nauatl) aspiraient comme nous tous à une évolution spirituelle, à la Connaissance par l’expérience cosmique (ou nirvana ou état de samadhi).
Sur le continent américain dont le pauvre nom colonial vient du prénom Amerigo de l'explorateur Amerigo Vespucci, le sacrifice humain fut ourdi par les européens de l’époque pour des raisons de sécurité et de jouissance ; ceux-ci passèrent leur temps à renifler l’or, à violer les femmes autochtones, à commettre les pires exactions de notre histoire. Mais un tel sacrifice n’a jamais été pratiqué par les Ayars et les Yarovilcas qui au contraire étaient si en avance sur leurs contemporains qu’ils furent totalement incompris. L’accusation gratuite de sacrifice humain est donc le principal mensonge de conquérants barbares désireux d’échapper à la justice royale, afin de pouvoir jouir, soit sur place, soit en Europe, des richesses accumulées dans le sang ou par la torture et des terres volées. Ce mensonge grossier fut propagé par les chroniqueurs espagnols puis facilement repris par les voyageurs et explorateurs des siècles suivants. Au XXI ème siècle et malgré l’existence de la critique historique, il est toujours plébiscité par la plupart des auteurs et des professionnels. Même la communauté scientifique est passive ; l’Amérique et ses civilisations ? C’est si loin et ce n’est pas le monde méditerranéen !
Pour se convaincre et finir par réparer une telle erreur historique aussi injuste qu’infamante, il est recommandé de lire Mexikayotl, Esencia del mexicano, de Rodolfo et Maria del Carmen Nieva Lopez, de continuer avec La Doctrine du Sacrifice Humain d’Ananda Coomaraswami, de poursuivre avec Dans la Beauté je marcherai, paroles indiennes de sagesse et de paix d’Helen Hexley, de lire aussi le Legado de los Amautas de William Burns Glynn, le Testimonio de una alta cultura, descubrimiento del más grande libro de geometria del mundo de Maria Scholten de d’Ebneth, d’étudier Origen y Fundación de los Imperios incas en el Perú y en el Brasil, de Juan Loza Bonifaz ; et les plus sceptiques devraient orienter leurs lectures vers Genesis del Mundo Andino et Ayni (Réciprocité Solidaire) de Carlos Milla Villena, le seul architecte-astronome parlant quetchua et aymara que je connaisse, guide spirituel des autochtones, amoureux du monde précolombien qu’il a étudié sur le terrain, ayant donc une formation et des qualités essentielles pour comprendre et expliquer en profondeur la splendide civilisation américaine. Ces livres se commandent et/ou se trouvent dans les librairies de Lima… (Je me charge également d’apporter les preuves de ce que j’avance dans un autre article).
Peut-être qu’alors les gens s’apercevraient de la profonde philosophie, de l’incroyable connaissance en tout, en particulier en astronomie, en géométrie, en géodésie, en architecture, en médecine, de la sagesse insondable, de la noblesse de cœur, de la remarquable attitude sociale de solidarité générale et réciproque, de la cosmogonie sans dieu. En résumé, de la grandeur d’âme d’amérindiens aux qualités humaines incompatibles avec cette farce de sacrifices humains montée de toute pièce, une machiavélique tromperie ourdie à des fins infamantes pour rendre acceptables auprès du roi d’Espagne le génocide et l’ethnocide de 70 à 90 millions d’individus en trois siècles de colonisation. Cela représente en volume, 12 à 15 fois le génocide des juifs sous Hitler ! Mais le plus grand génocide de l’histoire reste une immense blessure aux conséquences multiples sur la vie d’autochtones encore marginalisés et brimés par les pouvoirs. Il est passé sous silence par des états qui ont commis des exactions semblables et qui ont donc une tendance compréhensible à raser les murs.
Professeur Francis Devigne, auteur de Pérou Solidaire, Chamanique, Cosmique, Symbolique paru en 1993.
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