Il y a 100 ans : la déclaration Balfour
Le conflit le plus récurrent de notre temps présent est probablement le conflit Israélo-palestinien. Avatar "muté" des anciens conflits Israélo-arabes, il remonte à bien plus loin que la naissance d'Israël en 1948, qui n'est que l'élément déclencheur. Voyons en quoi ce conflit remonte en fait à une déclaration britannique : la Déclaration Balfour de 1917.
Le contexte
Rappelons d'abord dans quel contexte d'insère cet événement. On peut le replacer dans plusieurs temporalités différentes :
- Tout d'abord, il s'intègre dans la suite du mouvement sioniste qui prend de l'ampleur à la fin du XIXème siècle et déclenche une volonté croissante de départ de juifs du monde entier vers la Terre Sainte, à savoir la Palestine Ottomane. Ainsi, ce territoire était déjà une lieu où l'immigration juive s'accélérait depuis la Première Alya entre 1881 et 1890.
- Ensuite, il faut rappeler le contexte de la Première Guerre Mondiale. Alors que les juifs européens combattent pour leurs nations d'appartenance, les juifs américains sont plutôt favorables aux puissances centrales car elles sont plus tolérantes que la Russie (pour ne citer qu'elle) à l'égard des juifs. Le conflit traîne en longueur et l'Orient est un lieu de conflit contre l'Empire Ottoman (allié à l'Allemagne et à l'Autriche-Hongrie).
- Enfin, ce territoire est très convoité : espérant une indépendance est un grand Etat, le nationalisme panarabe soutenu par "Lawrence d'Arabie" se révolte contre l'Empire Ottoman (qui possède encore la Palestine) mais l'Angleterre voit aussi ce territoire comme stratégique pour des questions économiques (contrôle des ressources et des voies commerciales).
La déclaration
La déclaration se présente en réalité sous forme d'une lettre signée Arthur Balfour (équivalent de notre ministre des affaires étrangères chez les britanniques) à Lionel Rothschild, une des principales figures du sionisme de part sa contribution financière au mouvement nationaliste juif.
Cette déclaration soutient en premier lieu la constitution d'un foyer national juif en Palestine. C'est principalement pour cela qu'on la retient. Mais elle souhaite également respecter les droits des nons juifs en Palestine et des juifs qui ne s'établiront pas dans le nouveau foyer, restant ainsi dans les autres pays du monde.
Si cette déclaration n'a rien de vraiment officielle au début (elle n'est qu'une promesse et les britanniques n'ont encore aucune autorité sur la Palestine), elle a un rôle crucial. En effet, il s'agit pour les britanniques de récompenser les efforts du sionisme pour influencer les juifs américains en faveur des alliés (pour trouver des financements et faire entrer les Etats-Unis en guerre). De plus, cette déclaration eut rapidement des conséquences.
Conséquences
Nous l'avons vu, la Palestine était un territoire convoité et stratégique depuis la fin du XIXème siècle. Cette déclaration marque les premières contradictions au sujet de cet espace. En effet, les nationalistes arabes souhaitaient constituer un Grand Etat Indépendant et ce fut même au coeur d'engagement en 1915 entre Hussein et Mac Mahon. C'est donc avec stupeur que les arabes découvrent la déclaration Balfour. Celle-ci est d'ailleurs renforcée ensuite par la Société des Nations qui la reconnaît et confie la Palestine aux Britanniques (sous forme d'un mandat) en vue de préparer le foyer national juif. Les accords de San Remo de 1920 refusent d'ailleurs des demandes des panarabistes qui ne pourront obtenir la souveraineté sur les Etats du Proche Orient. Le Roi Fayçal, qui acceptaient la cohabitation entre juifs et arabes en échange de la reconnaissance de sa souveraineté sur la "Grande Syrie" a finalement hérité du seul trône d'Irak, sous tutelle britannique.
Les années qui suivent la déclaration permettent de renforcer l'enracinement du sionisme en Israël. Ainsi, entre 1918 et 1948, la population juive en Palestine passe de 83 000 habitants à 650 000.
Actualité de la déclaration : une commémoration à géométrie variable
Bien évidemment, quand on connaît "la suite" de l'histoire, émaillée de conflits dans cette région du monde, on devine que les 100 ans de cet événement donnent lieu à des crispations. Les Palestiniens voient dans cet événement l'origine directe de la "Nakba" (ou "catastrophe" en langue Arabe) et du nettoyage ethnique subi par les arabes de la région. Ils souhaitent que le Royaume-Uni reconnaissent sa culpabilité, reconnaisse l'Etat Palestinien et réparent cette erreur, si bien qu'ils étudient même la possibilité de poursuivre en justice de Royaume-Uni. De leur côté, les britanniques célèbrent avec fierté l'événement : Theresa May reçoit aujourd'hui Benjamin Netanyahu pour un dîner officiel. Ce n'est pas du goût de l'élue travailliste Emily Thornberry qui demande la reconnaissance de l'Etat Palestinien par son pays.
C'est probablement l'avis d'autres britanniques, à l'image de l'artiste Banksy, célèbre dans le domaine du "street-art", qui a organisé une parodie d'excuses officielles le long du mur en Israël, y conviant des Palestiniens et une fausse Reine Elisabeth. Il souhaite ainsi rappeler les conséquences de cette décision pour les Palestiniens. Par ailleurs, un descendant de Balfour estime que la déclaration ne fut pas correctement appliquée, l'équilibre entre un foyer juif et la reconnaissance des droits des non juifs n'étant pas respecté.
Quoi qu'il en soit, il semble que les 100 ans de cet événement ne seront pas l'occasion d'un rapprochement dans un conflit de plus en plus long et complexe.
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