« Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal » ou... « Les Aventures d’Indy le dinosaure » !
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On dit qu’Indy a mangé son chapeau avec ce quatrième ! Qu’importe, the show must go on, comme disent les entertainers ricains et Harrison Ford qui vient cachetonner - eh oui, malgré son côté dinosaure, il n’est pas de la série Jurassic Park ! Pour autant, bien que Spielberg nous invite, via son Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal, à le savourer comme une bonne vieille madeleine de Proust, tel un plaisir régressif – de 7 à 77 ans – lié au familier et à l’enfance, hum… Il faut bien l’avouer, je reste tout de même sur ma faim avec cet opus 4. C’est du 1 étoile sur 4 au compteur pour moi, pas plus.
Bizarrement, malgré le coût d’une superproduction estampillée Spielberg/Lucas, la déco et certains effets ont un effet spécial désespérément cheap, Indy devient vite Papy Jones dans Les Aventures d’Indy le dinosaure ! Oui, ce n’est pas parce qu’on peut légitimer la chose - le kitsch digital - en vantant l’effet rétro des effets spéciaux qu’il faut se mettre à accepter, par moments, une image numérique d’une laideur incroyable. Toute la fin, la course-poursuite au Pérou, la salle d’or des 12 crânes de cristal de la cité maya & co, est vraiment tartignolle. On se met à tout mixer : le mystère Roswell, EuroDisney, Apocalypto, Rencontres du 3e type, ET, Star Wars, voire Le Cinquième Elément (au secours !), et il n’y a pas de magie, pas vraiment de peur - très certainement parce que les trucages numériques n’ont pas ici le charme du carton-pâte de fête foraine vintage des trois premiers épisodes et qu’ils affadissent tout : par exemple, quasiment pas de gouttes d’eau sur les fringues de nos héros alors qu’ils se prennent sur la tête des hectolitres de cascades d’eau !
Et, plus embêtant, car on peut toujours dire que c’est fait exprès (le côté curseur bloqué dans la stase spatio-temporelle des 80’s, voire des 50’s – on sent bien par exemple que la soucoupe volante finale d’Indy 4 flirte du côté de Mars Attacks qui se référait lui-même à des Planète interdite et autres Invaders from Mars), je ne pense pas que Spielberg soit intéressé par ce 4e épisode d’Indy. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les suites, ce n’est pas vraiment son truc à Spielberg, OK il a fait Le Monde perdu, suite (1997) de sa « franchise » Jurassic Park, mais c’est bien maigre comme bilan par rapport à sa filmographie hyper bankable. Comme un Lucas, produisant peu, ou surtout comme un (autrefois) génial Coppola, il est plus dans un cinéma prototype – la figure cinématographique les incarnant au mieux étant certainement l’inventeur automobile Preston Tucker du Coppola (Tucker, 1988). En tournant autour de ce mcguffin et fétiche fantoche qu’est le crâne de cristal (mais ça pourrait être autour, au vu du scénario abracadabrant, d’un papillon de lumière labellisé Nouvelle Star, d’un string léopard de Kate Moss ou bien de la barbe vaudou de Sébastien Tellier), Spielberg remplit son cahier des charges, épaulé par le mogul George Lucas, et point barre, on assure le tiroir-caisse puis basta, semble-t-il. L’humour est lourdingue - pas mal de gags tombent à l’eau, à peine esquisse-t-on un sourire -, le final est poussif, le script, laborieux, l’émotion, téléguidée. Ce son & lumière spielbergien patine sérieusement dans (les sables mouvants de) la semoule, c’est de la mauvaise poudre aux yeux, quoi !
On a l’impression de survoler un parc d’attractions sans jamais avoir la sensation d’y être vraiment et de pouvoir partager en live ce que vivent les héros. Le rythme est pourtant là (castagnes et péripéties rocambolesques, quoique répétitives), mais on reste à quai, quelque peu ennuyé. Soyons honnêtes, c’est le film d’un habile faiseur plutôt fatigué, en aucun cas d’un génie, n’en déplaise à ses fans. Le décorum exotique n’est pas mieux que dans
Attention, qu’on ne s’y trompe pas, j’aime beaucoup le Spielberg des Duel et autres Jaws, celui qui sait éviter l’écueil d’un certain sentimentalisme balourd, je rejoins aussi l’avis d’un Leone dans Conversations avec Noël Simsolo (1987, page 208 : « Sérieusement, je pense que Spielberg est un génie de la caméra. Mais il est victime du dieu Argent »), toutefois, franchement, avec ce Crâne de cristal, je le trouve en toute petite forme, c’est un plat trop réchauffé, sans saveur intense, sans vraie vitamine. Le That’s entertainment de Spielberg, une fois n’est pas coutume, bat ici sérieusement de l’aile. Pourtant, au départ, j’y allais avec un a priori positif, la première heure m’a même semblé pas mal. On retrouve avec plaisir le fouet et le chapeau Fedora d’Indy (en ombre chinoise pour sa première apparition à l’écran du 4), sa Marion (Ravenwood) du 1, les fameuses cartes du monde de la saga avec, en gimmick, le petit avion globe-trotter, on découvre aussi, amusé, une agente stalinienne psychorigide d’enfer (Cate Blanchett/Irina Spalko) et un sympatoche Indy Junior (Shia LaBeouf, vraiment chouette). En outre, la fameuse lumière blanche et diaphane de son chef-op attitré Janus Kaminski fait bien planer sur le film, comme nimbé, un parfum suranné de lait caillé et de paradis perdu – on est désormais en 1957 et j’ai vraiment pris du plaisir à voir Spielberg plonger dans ses propres madeleines proustiennes : on entend au début les rythmes endiablés d’Elvis et de Bill Haley, on croise les fantômes de Brando & Dean via Mutt Williams/LaBeouf et le cinéma des 50’s est agréablement évoqué, nostalgie quand tu nous tiens…, via une image d’Epinal très proche d’American Graffiti (1973) de Lucas.
Mais alors, me direz-vous, où est le problème ? Eh bien, je pense que cet Indy 4, hélas, ne va pas assez loin dans l’exotisme de pacotille, les clins d’œil, la surenchère référentielle ou l’autoparodie d’un cinéma déjà parodique à la base. Eh oui, quitte à aller plus loin dans la déréalisation de la peur et de la magie (puisque le numérique lisse tout), autant exacerber encore plus le stratagème d’un cinéma Canada Dry, à savoir un cinéma d’images (dérivées) d’images carburant à plein régime. Idée, pour abonder dans ce sens, concernant la saga Indy : Spielberg, producteur ayant plutôt du flair, aurait peut-être pu refiler la réalisation du n° 4 à un cinéaste qui se serait régalé dans ce qui s’avère l’imitation d’un genre, le côté revival, serial, feuilletonesque, BD, un mix entre Humphrey Bogart et Tintin. Par exemple, un Tarantino, cinéaste postmoderne par excellence, DJ hors pair mais pas hors pères (De Palma, Scorsese, Leone), pourrait nous sortir un Indiana Jones formidable, on ne peut plus retors, cartoonesque, canaille et autoréférentiel, un pur objet/ovni filmique de cinéaste « de seconde main » s’assumant comme tel et jouant à fond la caisse la carte du recyclage de boutique d’antiquaire - ce qu’invite à faire, on le sait très bien, le charme rétro de la saga familiale Indy. Bref, pour le number 5, je veux un Indiana Jones au Boulevard de la mort. Kwentine (ou Steven), si tu nous lis…
Documents joints à cet article
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