Isidro Ferrer pourrait être un lutin échappé de la fabrique de jouets du Père Noël. Allergique aux cadences infernales imposées par l’écarlate barbu, il se serait réfugié en Aragón. Il est vrai que son univers s’apparente parfois à celui de l’enfance mais l’exigence qui accompagne chacune de ses créations nous impose d’autres références.
Et si Isidro était un artisan ? Les objets, en bois ou en métal, travaillés sur son établi, nous font découvrir toute la poésie d’un monde où des formes étrangères sont mises en relation pour créer des volumes nouveaux, souvent surréalistes. Ces créations résultent pourtant d’une simple observation de la réalité (d’abord fixée sur le papier) puis d’une interprétation fantasque, en 3D, de celle-ci. Ces œuvres s’apparentent donc plus à des sculptures qu’à des joujoux.

Isidro* serait donc un artiste ! En 2009, Chaumont en Champagne célèbre les 20 ans de son festival d’affiche en invitant le top 20 des graphistes contemporains. Parmi eux, un seul Ibère est invité, Isidro. Mais l’Artiste, qui vit dans sa bulle, loin des réalités du Monde, ce n’est pas Isidro. Isidro c’est une conscience sociale et politique qui n’hésite pas à s’exprimer publiquement, comme en 2003, lors de la cérémonie de remise de son grand prix national du dessin. En présence de Juan Carlos Ier, il préféra utiliser la tribune médiatique qui lui était offerte pour dénoncer la décision prise aux Açores par la triplette (Bush, Blair, Aznar) d’engager un conflit en Irak, plutôt que de se répandre en remerciements convenus.

Comédien de formation, passionné par le texte et le théâtre, Isidro serait donc un intellectuel. Il aurait un avis sur tout et serait toujours prêt à le partager. Même pas… Le personnage est un homme encore jeune, à la fois bon vivant et sportif dans son hygiène de vie, humble et chaleureux, aussi talentueux qu’accessible. Rien à voir avec un donneur de leçons condescendant.
Isidro Ferrer n’est donc rien de tout cela. Il possède pourtant la malice du lutin, la maîtrise et la rigueur de l’artisan soigneux, le génie de l’artiste, la conscience de l’intellectuel.
Son talent me fascine et, surtout, c’est mon ami.
Jacques Valat (Créateur/Administrateur de “La lettre ouverte“)
* Seul Espagnol à avoir obtenu 2 grands prix nationaux, dessin (2002) et illustration (2006).