J’ai l’honneur de ne pas te demander ta main...
Une bien jolie déclaration d'amour dans cette chanson de Georges Brassens : La non-demande en mariage... le texte commence par une tendre apostrophe : "Ma mie", une formule ancienne, un peu désuète, aux douces sonorités de labiales, images mêmes du baiser amoureux.
Le poète adresse une curieuse supplique à sa dame de coeur :
"Ma mie, de grâce, ne mettons
Pas sous la gorge à Cupidon
Sa propre flèche"
Il est question d'amour bien sûr avec cette référence mythologique à la flèche de Cupidon, une flèche qui devient une menace pour Cupidon lui-même... un tue-l'amour, en quelque sorte, comme le prouvent les vers suivants et l'expérience de "tant d'amoureux" : le pluriel vient ici souligner les conventions auxquelles se conforment la plupart des gens... alors que le "bonheur" n'est pas au rendez-vous.
Par un renversement amusant, le mariage conventionnel n'est plus alors un sacrement, mais il devient un "sacrilège"...
Même renversement amusant dans le refrain : les formules traditionnelles sont corrigées avec l'emploi de la négation à deux reprises :
"J'ai l'honneur de
Ne pas te de-
Mander ta main
Ne gravons pas
Nos noms au bas
D'un parchemin"
L'important, c'est la liberté représentée par l'image de l'oiseau dans le couplet suivant, la liberté et la confiance en l'autre, avec l'importance de la parole donnée. Le mariage est vu, lui, comme une véritable prison, particulièrement pour les femmes, réduites à des rôles domestiques, symbolisés par "des casseroles".
L'image de la déesse Vénus qui perd ses attraits et vieillit face aux tâches ménagères est encore une dénonciation du mariage qui impose à la femme le rôle de cuisinière, comme le montre le champ lexical de la cuisine : " maîtresses queux, des casseroles, la lèchefrite, le pot-au-feu." On apprécie au passage l'humour de l'expression "Vénus... perd son latin devant la lèchefrite."
L'image de "la marguerite effeuillée dans le pot au feu" est encore à la fois amusante et dénonciatrice : elle renvoie encore à cette image de la femme mariée, avant tout bonne cuisinière, vouée à des tâches domestiques.
Brassens fait ensuite référence littéraire à la légende de Mélusine : Brassens indique ainsi que selon lui, l'amour ne peut durer qu'en respectant le jardin secret de l'autre... et il revient sur l'idée que l'amour s'étiole dans la routine de la vie quotidienne, quand la femme mariée est cantonnée le plus souvent au rôle de cuisinière.
Encore une référence littéraire, biblique, cette fois, dans la strophe suivante :
"Il peut sembler de tout repos
De mettre à l'ombre, au fond d'un pot
De confiture
La jolie pomme défendue
Mais elle est cuite, elle a perdu
Son goût "nature""
Le mariage est présenté à nouveau comme un enfermement avec l'image de "la jolie pomme défendue, mise à l'ombre, au fond d'un pot."
Et le dernier couplet insiste encore sur le rôle que joue souvent la femme dans le mariage, devenue une "servante" dévolue au ménage et aux soins de la maison... Brassens refuse cette servitude imposée aux femmes depuis des siècles. La femme doit rester une "éternelle fiancée" aux yeux de son amoureux, une bien jolie expression qui suppose de conserver toujours la fraîcheur du sentiment amoureux. La femme idéalisée suscite un amour fait de respect... L'expression "la dame de mes pensées" fait songer à l'amour courtois, tel qu'il était pratiqué au Moyen -Age.
"De servante n'ai pas besoin
Et du ménage et de ses soins
Je te dispense...
Qu'en éternelle fiancée
À la dame de mes pensées
Toujours je pense..."
Voilà un bel hymne à l'amour, une magnifique ode à la femme soulignée par le son mélodieux et tendre de la contrebasse.
On découvre aussi dans ce texte une pensée non conformiste, et résolument féministe : Brassens apparaît soucieux de l'émancipation de la femme, de son bonheur, de sa liberté.
Hélas ! On peut constater que les mentalités n'ont guère évolué : la femme mariée reste encore très souvent vouée aux tâches ménagères, la cuisine, le ménage, les soins aux enfants...
Le blog :
http://rosemar.over-blog.com/2024/08/j-ai-l-honneur-de-ne-pas-te-demander-ta-main.html
Les paroles :
https://genius.com/Georges-brassens-la-non-demande-en-mariage-lyrics
Un article sur la charge mentale qui pèse encore sur les femmes :
Vidéos :
27 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON