J’aurais pu apprendre qu’Alexandre Dumas était métisse...
Depuis le 10 février 2010, on peut voir dans les salles un film nommé « L’autre Dumas » interprété, entre autre, par Gérard Depardieu, et Benoit Poelvoorde.
Et là ça bloque.... Depardieu jouer Dumas, à mon sens ce n’est pas possible. Au cas où on ne le saurait pas, mais cela serait surprenant puisque la polémique est déjà bien entamée, Alexandre Dumas était fils du général Thomas Dumas, lui même fils d’une Haïtienne. Ce qui veut donc dire qu’Alexandre Dumas, était ce que l’on appelle Quarteron et devait certainement être assez différent (physiquement) de Depardieu. A priori le choix de l’acteur est libre au réalisateur, néanmoins il y a quelque chose que l’on peut regretter, voire qui peut écoeurer dans ce choix....
"Fils d’un homme qui fut fils d’esclaves et esclave lui-même avant de devenir général de la Révolution, un général rebelle qui refusa d’aller mater la rébellion de Toussaint Louverture, Alexandre Dumas a une conscience aiguë de sa négritude pour reprendre le concept inventé par Léopold Senghor. "
Même notre président Jacques Chirac évoquait ce point lors du discours suite au transfert de ses cendres au Panthéon, le 30/11/02. Voici exactement les termes qu’il a choisi :
"Fils de mulâtre, sang mêlé de bleu et de noir, Alexandre DUMAS doit alors affronter les regards d’une société française qui, pour ne plus être une société d’Ancien Régime, demeure encore une société de castes. Elle lui fera grief de tout : son teint bistre, ses cheveux crépus, à quoi trop de caricaturistes de l’époque voudront le réduire, sa folle prodigalité. Certains de ses contemporains iront même jusqu’à lui contester la paternité d’une oeuvre étourdissante et son inépuisable fécondité littéraire qui tient du prodige."
Il parait évident en s’y intéressant un peu, que faire une oeuvre biographique sur la vie d’un auteur sans évoquer sa "négritude" (pour reprendre le terme de Senghor), qu’il a appris a assumer suite aux traitements qu’il a dû subir relève de la faute artistique, voire de la déformation historique. Quand bien même il n’aurait eu qu’un quart de sang nègre (qui reste bien sûr rouge, rappelons le aux racistes), ce quart là était suffisant pour être remarquable puisqu’on lui faisait remarquer.
Le réalisateur de ce film a fait le choix de présenter un acteur blanc pour jouer un métisse. C’est surprenant et c’est pour cela que je me pose la question : comment faut-il interpréter ce choix ? Ma réflexion est allé dans deux sens. Un qui tourne au scandale, l’autre qui tourne au mépris. Les deux étant liés.
1°) La supériorité intellectuelle et sous entendue de la race blanche.
Car c’est bien cela que ce choix soulève. Ca me laisse un arrière gout pas très agréable dans la bouche, une impression un peu nauséabonde d’une idée qui le serait tout autant. J’ai l’impression que cela veut dire qu’à partir du moment où un homme devient un grand homme français, il est blanchi de sa négritude pour passer dans le patrimoine National. Comme si, finalement, on oubliait l’identité propre de la personne pour le faire correspondre à un imaginaire collectif qui ferait qu’Alexandre Dumas, puisque c’est un Grand Homme est forcément blanc. Comme si l’identité culturel et Nationale effaçait complètement l’identité individuelle au profit d’un imaginaire collectif raciste prônant la suprématie intellectuelle des blancs.
Ca me fait peur d’imaginer cela, car c’est franchement dégueulasse. L’un de plus grands de notre littérature, faire l’objet de pensées dégueulasses. Lui qui s’est battu contre le regard des autres, qu’il a dû subir toute sa vie, le voir devenir l’objet de manipulation malsaine visant à occulter les souffrances qu’il a subi, pour mieux faire resplendir son talent....
Ce que je trouve encore plus dégueulasse, c’est que cela va rajouter de l’eau dans le moulin à haine qu’est Dieudonné. C’est lui donner des arguments supplémentaires et justifiés, et on n’a pas besoin de ça. Déjà que dans l’enseignement scolaire nous avons droit à une absence totale d’information sur la traite des noirs, telle qu’elle a eu lieu à Bordeaux ou à Nantes (alors qu’on nous sur-apprend la Shoah). Dans le programme du second cycle à mon époque, on m’a enseigné deux fois la Shoah : en troisième et en terminale, et aucune fois la traite des noirs. Pourtant ce sont des événements qui sont à mon sens similaires. En effet la France a participé aux deux, sans toutefois que l’on puisse l’accuser d’être seule ou principale responsable de ces horreurs.
Si on peut remettre en cause la sur-éducation de la Shoah, on peut également soulever, et il me parait plus intéressant de réfléchir dans cette démarche-ci, le mépris à l’égard des noirs, dont la France fait preuve et envers qui elle n’a toujours pas pris la moindre responsabilité. Ce qui nous emmène vers le second point, qui à mon sens est la base du racisme dont font l’objet les noirs.
2°) Le mépris.
Si mon premier paragraphe peut paraitre révoltant pour certains, scandaleux pour d’autre. rassurez-vous, celui-ci sera plus soft. Il y a une autre explication au choix de Depardieu, c’est le Business. C’est-a-dire que Depardieu est ce que l’on appelle Bankable (voir Blankable), donc on prend un mec qui fait l’affiche, qui est bon acteur (ça c’est mon point de vue) et qui va booster un peu les ventes du film. Qu’au nom du profit, on se moque de l’histoire, c’est désagréable mais après tout ce n’est pas bien méchant. Quand on a vu Vercingétorix avec Christophe Lambert, on peut à peu près tout tolérer. Mais que l’on se moque d’un élément très important de la personnalité de Dumas, qu’on méprise la fierté que pourraient ressentir des noirs français, à savoir que Dumas était un peu comme eux (non pas noir, mais victime de racisme dont ils sont également victimes) et surtout qu’on supprime l’exemplarité que pourrait avoir un Alexandre Dumas sur des gosses en manque de reconnaissance par rapport au peu d’exemples qu’on leur renvoie (en France à part les sportifs, Cesaire et Senghor, on nous informe peu sur les Grands Hommes Français Noirs, heureusement qu’il y a Lilian Thuram !), c’est franchement dégueulasse.
Cela porte un nom : le mépris. Au nom du pognon (toujours lui décidément), on méprise une communauté. Et le pire de tout c’est que c’est une communauté qui n’a que trop subi le mépris.
Pour avoir subi une forme de racisme, différente mais qui blesse quand même. J’ai cru pouvoir distinguer les différentes formes de racismes, nées de frustrations, de jalousie et de haine.
Il existe aujourd’hui en France différentes formes de racismes qui sont fonction des communautés, en voici trois, mais il en existe également bien d’autres :
- l’Islamophobie qui comme l’indique son nom porte sur la peur. Les personnes qui sont islamophobes, donc racistes envers des personnes d’une religion différente (et dans la majeure partie des cas, d’une zone géographique bien précise) parce qu’ils ont peur de l’envahissement de la religion musulmane, de sa non compatibilité avec des valeurs de la République etc... Bien évidemment, tout cela n’est que bêtise, et il n’y a pas plus de danger dans l’islam tel qu’il est pratiqué en France, qu’avec n’importe quelle l’autre religion.
- L’"antisémitisme", qui est un mot que je déteste, car il comporte un contradiction sémantique. Je dirais plutôt la haine du juif. Le racisme envers le juif tient plutôt de la haine. Une haine compulsive et maladive. Un haine qui pousse certains malades mentaux à passer à l’acte pour la manifester (profanation de cimetières, de lieux de cultes, agression physique et verbale etc...) Il est clair que ceux qui n’aime pas les juifs les haïssent. Ils n’en ont pas peur, ils les vomissent. A les écouter, on a l’impression que les juifs sont responsables de tous leurs malheurs, comme de tous les malheurs du Monde et qu’ils sont la fourberie incarnée. Ils sont tellement fourbes qu’on arrive pas à voir qu’ils sont juifs...Mais entre eux ils ont des codes, des codes pour anéantir le monde afin que nous soyons tous les esclaves d’Israël. Bref la théorie du complot Judéo Maçonnique dans toute sa splendeur, qui n’apporte rien intellectuellement à part au faible d’esprit d’avoir trouvé une raison à son malheur, et qui trouve de plus en plus d’adeptes sur le web. Comme quoi la bêtise est un mal des plus contagieux (certainement plus qu’H1N1, et on ne pourra même pas compter sur Mme Bachelot pour nous équiper en vaccin !).
- Le mépris, dont sont victimes les noirs. Ce peuple fier et élégant qui n’a fait que subir les agressions répétées des occidentaux, des orientaux et de tous ceux qui ont pu le faire souffrir. Ceux que nous n’avons pas considéré comme des hommes il y a quelques siècles. Ceux Qu’on a traité en esclave pendant les siècles qui suivirent. Ceux dont nos ancêtres sont allés piller les Terres, et que l’on pille toujours, mais plus élégamment (France à Fric). On les aura fait souffrir, et comble de tout, plutôt que de s’excuser, comme cela a justement été fait avec les juifs, on les méprise encore en leur refusant l’accès aux informations sur les horreurs que nous leurs avons fait. Pas un mot sur l’esclavage à l’école ! Un chapitre en terminale sur la décolonisation et encore, c’est pour apprendre que Mendès France est le seul à l’avoir fait proprement. C’est exactement le même mépris qui pousse des producteurs à oublier les souffrances de Dumas pour faire plus de fric. Ce mépris s’accompagne bien souvent d’un complexe de supériorité systématique qu’auront les personnes qui n’aiment pas les noirs. En effet le raciste anti noirs, dans sa grande bêtise, revendique presque ouvertement une infériorité intellectuelle des noirs, les comparant bien souvent à des animaux. C’est ce mépris là que je ressens encore aujourd’hui dans ce choix de Depardieu.
Non pas que l’auteur ait méprisé le fait que Dumas soit noir ou la souffrance des noirs. Non, c’est juste qu’il n’en a rien à foutre, en fait. Les noirs, c’est pas son problème ! lui son problème c’est de faire un film qui se vende, quitte à mépriser tous ceux qui ont souffert, et tous ceux qui souffrent encore du même mal que Notre Dumas national, père de D’Artagnan et autres mousquetaires dont ils se sentent si proches.
Je vais conclure comme j’ai commencé. Après avoir mené cette réflexion, la pensée qui me vient à l’esprit est "comme c’est dommage !!!". On aurait eu l’occasion de faire quelque chose de bien, d’instructif. D’apprendre à tous ceux qui ne le savaient pas qu’Alexandre Dumas est un métisse, et je suis sûr qu’il y en a beaucoup qui était dans l’ignorance. Quelque chose de bien parce que justement c’était un moyen, sans incriminer les Français (à la différence de "La Raffle" que je n’ai pas encore vu) de rendre un hommage élégant à la courageuse communauté noire de France. Cette communauté qui, comme Alexandre Dumas, doit faire face à de nombreux et permanents affronts. Ca aurait été, comme je le disais plus haut, un moyen de citer Dumas en exemple, et ce, de la manière la plus intelligente pour lutter contre le racisme dont il était victime. Au lieu de cela, on méprise sa souffrance, donc celle de tous ceux qui en sont victimes et on crache au visage de cette communauté pour quelques Euros de plus. Triste mentalité que celle du pays dans lequel nous vivons.....
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