Jackson singe King Kong
Superproduction surgonflée, facturée 110 millions de dollars, King Kong ne vaut peut-être pas les huit euros du ticket d’entrée.
C’est difficile de lire une mauvaise critique de King Kong, la version de Petre Jackson, réalisateur très primé du Seigneur des Anneaux.
À lire les billets d’humeur des critiques, qu’ils soient de gauche ou de droite, cinéphiles ou touristes, ce film est une presque parfaite réussite, un film pour tous, petits grands moyens, enfants, vieillards, tout le monde y trouverait son compte.
Je veux bien, mais l’ayant vu, ayant enfin dévalé les trois heures et quart de cette planète du singe des singes, je ne suis pas tout à fait d’accord.
Quelle importance, me direz-vous ?
Aucune, évidemment, mais peu importe.
King Kong est en partie un film raté, parce qu’en partie, un film trop long.
D’abord, on a droit à un petit cliché habile sur une Amérique de la grande dépression, de bidonvilles et de crève-la-faim, une Amérique de la débrouille et de l’arnaque, dans laquelle les acteurs, actrices ou réalisateurs n’échappent pas à la règle.
Donc d’un côté une jeune actrice, frustrée par les portes closes des théâtres sans argent, poussée vers le stupre par un agent sans scrupule, et de l’autre un réalisateur, allumé, déjanté mais gonflé, une sorte d’Ed Wood, qui filme un peu n’importe quoi mais croit toujours au film ultime, celui qui lui apportera gloire et argent. Les deux se rencontrent, un peu à la porte des enfers. En effet, au moment où Naomi Watts réalise qu’elle ne souhaite pas montrer ses fesses pour réussir une carrière, Jack Black (Carl Denham) réalise, lui, qu’il ne peut pas s’embarquer sans Naomi Watts.
Il la convainc, ils embarquent, et c’est là la deuxième partie du film, une longue traversée sur une sorte d’anti-Titanic, amarré d’ailleurs aux côtés d’une vraie fausse réplique du Titanic. Sur le bateau, on se croise, se décroise, on s’enferme, avec Adrian Brody dans le rôle de l’auteur fauve dans la cage aux lions, qui écrit malgré lui le scénario d’un film dont il ne devine ni le début ni la fin.
Sur le bateau, aussi, on danse on rit, mais la destination est là, la peur en face, on ne sait pas où on va, mais on devine que c’est vers le mal, vers quelque chose qui s’apparenterait à la mort. L’île du crâne.
L’épisode de la traversée est trop long, déjà, mais on reste bien assis dans son fauteuil, car on sait que la Bête est à venir.
L’île pointe enfin le bout de sa falaise, droite, noire et menaçante, immense et décomposante. On frissonne, on s’enrhume, on est aussi brinquebalé que le navire, fracassé contre les rochers, plusieurs fois, sans couler, mais quand même.
On y est. L’île du crâne. Rien d’abord, juste la mort, des corps, des cadavres. Puis, un indigène. Un chocolat pour l’amadouer, mais il n’en veut pas, il veut la blonde. Pas pour lui, pour Kong. (On le sait parce qu’on connaît l’histoire depuis 1933 !)
Bagarre, sang, pulvérisation de crâne, c’est l’île qui veut ça.
Ça chauffe, Naomi se retrouve ficelée, suspendue, basculée dans le vide, de l’autre côté.
De l’autre côté, il y a Kong. On voit les arbres qui s’abattent, comme un rideau qui se lève, puis la boule de poils arrive enfin, énorme, hyper réaliste, teigneuse. Une heure et demie sans doute qu’on est là, un peu moins peut-être, et enfin le grand singe, qui chope la blonde, l’embarque, la malmène, on a mal au cœur pour elle.
Bon, je vais résumer, pour ceux qui ont trois heures et quart pour se réchauffer.
Sur l’île, bien sûr, il n’y a pas que le Singe qui soit grand. Il y a aussi du diplodocus, du tyrannosaure, de l’araignée, du cafard d’un mètre, des sortes de vers terribles, enfin une sorte de bestiaire entre Jurassic Park et L’Ile mystérieuse. Ou Le monde perdu aussi, et L’homme qui rétrécit.
On peut pas dire que ce soit mal fait, bien sûr, avec plusieurs dizaines de millions de dollars, la dent du T Rex est plus vraie que nature, Naomi peut s’y accrocher, elle tient bien, elle ne remue pas.
Donc, c’est plutôt bien fait, mais c’est long, très long, on s’en fout. Ce savoir faire-là n’épate plus. Pas, en tout cas, à si forte dose.
L’autre versant de l’île, c’est le match Watts/Kong. Pour sympathiser avec son prétendant bourru, la belle Naomi, immense actrice fantôme et néanmoins débutante chez Lynch, jongle, fait la roue, tombe, et finit en effet, tant bien que mal, par arracher quelques sourires à son simiesque fiancé, qui préfère pourtant la faire tomber d’une pichenette de son index boudiné. Le mariage forcé, en tout cas, se transforme en belle noce.
Mais ça ne dure pas.
Le film, lui si, il s’étire, s’étire, au point qu’à un moment, on se demande si on va voir New York.
Jackson finit par endormir le grand singe, d’une ou deux bouteilles de chloroforme bien envoyées, et tout à coup, miracle, une ellipse ! Pas de voyage retour sur la pellicule ! On passe directement de Kong le nez dans l’eau à Kong à Broadway. Il faut dire que le bateau des aventuriers du singe perdu paraissait à vue d’œil un peu étroit pour transporter une bête pareille.
On fonce donc à Broadway, Kong enchaîné, qui va pas tarder à monter au sommet de l’Empire State pour mourir, mais qui, auparavant, s’offre une séance de patinage-luge avec sa belle dans Central Park. Un peu n’importe quoi, même si c’est assez drôle.
Enfin, parce qu’il faut bien quand même que le cinéma ferme, l’Empire State, les biplans, sans doute l’épisode le plus réussi techniquement du film, Kong blessé, Kong reblessé, achevé, ou pas loin, qui s’accroche jusqu’au bout, puis tombe. La scène de la main qu’on lâche, celle menue et douce de Watts, et celle poilue et rêche de Kong, c’est le copier/coller de la scène finale du Titanic, Di Caprio s’enfonçant dans l’eau tel King Kong plongeant dans le vide.
« La belle qui terrasse la bête », nous dit-on pour finir. Mouais. Pas de quoi non plus filer au zoo ou reprendre une banane.
Au final, un film trop copieux, lourd, voire indigeste, trop long d’une heure et demie, au moins, auquel on préfèrera, pour l’aventure, les Indiana Jones, pour l’émotion grand spectacle le Titanic, et pour la fidélité à l’histoire, bien sûr, la version de 1933.
Peter Jackson, étonnamment amaigri depuis Le Seigneur des anneaux, déjà trop long sur le dernier volet de sa trilogie tolkienesque, semble confondre grosse faim et gavage, spectaculaire et clinquant, musique et bruit.
Le grand singe peut faire la grimace.
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