Jéricho : un coup de pied dans les séries américaines
Les séries américaines ont la pêche depuis quelques années. Après des années 90 assez moroses, les bonnes séries sont revenues sur la petite lucarne. Mais ça, c’est souvent de la poudre aux yeux.
Dans les années 60 je n’étais pas né, mais une superbe invention appelée la rediffusion m’a fait connaître pas mal de séries américaines.
La Quatrième dimension, Le Saint, Amicalement vôtre, Happy Days, La Petite Maison dans la prairie, Les Envahisseurs, Mac Gyvere, K2000, Supercopter ou L’Enfer du devoir pour aller dans l’ordre chronologique. Autant de séries qui se sont étalées sur presque trente ans. Bon, pour certaines c’est vrai qu’on aurait pu s’en passer - j’avoue avoir eu réticence a écrire La Petite Maison dans la prairie. Quoi qu’il en soit, ces séries sont encore diffusées à la télé de nos jours, ce qui prouve qu’il y a un public pour des séries qui ont, pour certaines, mal vieilli, mais qui ont un certain charme. On peut dire aussi que certaines comme La Quatrième dimension se sont bonifiées avec le temps. Regarder L’Homme de Picardie est aussi dur qu’Hélène et les Garçons. Donc, comme toutes les personnes de mon âge, je me suis gavé de séries américaines. Dont certaines me font honte avec le recul (oui je me suis amusé en regardant Sherif fais moi peur, je l’avoue). Mais bon après les années 80 il n’y a plus eu autant de séries intéressantes. Les vraiment bonnes se compteront sur les doigts de la main : X-files, Buffy et les Vampires, Ally Mc Beal, Code Quantum (qui a extrêmement vieilli avec le temps) ou Urgences. La liste ne pourra être aussi complète que celle des autres décennies. La raison est simple, le changement : voir le méchant communiste s’en prendre au gentil Américain ne fait plus recette (Agence Acapulco). Donc la plupart des séries d’action sont au final passées à la trappe de l’oubli, pour ne laisser que les séries fantastiques ou comiques. L’industrie américaine a mis près de dix ans à trouver ce filon et s’est engouffrée dans la branche. C’est HBO qui a ouvert le bal avec la mini-série de Speilberg et Tom Hanks Band of Brothers, une sorte de suite d’Il faut sauver le soldat Ryan, Les Sopranos ou Oz. Même si j’ai parlé de décennie, il faut bien l’avouer, c’est après les événements du 11 Septembre que tout s’est accéléré, même pour les producteurs les plus frileux. La violence, la vraie, était devant les écrans, et la peur de l’ennemi n’était plus de l’autre côté du Pacifique mais dans son quartier, voire chez son voisin. La violence est tout simplement humaine.
Un nombre de
séries assez dures en est ressorti, toutes ayant un point commun : la réalité. Ou
du moins être assez proches de la réalité des spectateurs. Fini le héros, juste
un Américain assez costaud, certes, mais un homme de tous les jours. Des séries comme
Six pieds sous terre (avant le 11 Septembre), Dead Wood (racontant la vraie
histoire des pionniers loin de La Petite Maison dans la prairie), The Shield,
Dr House ont toutes un point commun, faire du réalisme. D’autres fantastiques,
comme Lost ou Heroes, font la part belle au réalisme. Mais pour presque toutes,
un gros problème intervient, c’est la profondeur, la vraie. En prenant The
Shield et en omettant sont côté dur, on est ni plus ni moins dans un Starsky et
Hutch. De plus des séries comme Lost ou 24H se clonent de saison en saison en
prenant le spectateur pour une vache à lait. Lost a sa fin programmée en 2012 aux
dernières nouvelles. Si on regarde de plus près entre toute les saisons, il
n’y a rien de vraiment fort à se mettre sous la dent. Une série comme 24H
devient risible tellement le filon s’épuise et on retombe dans les grands
méchants ennemis des USA (l’Iran par exemple). Pour toutes ces séries, si le pitch de départ est bon, elles se perdent en confusion et grand-guignolesque pour garder le plus de spectateurs possible au fil des saisons.
Et voilà une série que M6 diffuse en ce moment : Jéricho. Etant à l’étranger, je l’ai vue entièrement.
Pardonnez-moi ce cours sur les séries mais il est assez intéressant pour la suite. Jéricho, une petite ville perdue dans le centre des USA, avec son bar, son maire assez bourru, le magasin du village. Une petite ville simple comme il en existe des milliers dans ce pays, mais voilà : personne ne sait pourquoi, une bombe atomique a explosé dans la grande ville la plus proche, Denver. D’abord affolée, la population va faire face au pire qu’il puisse arriver, faire face a elle-même. Sans dévoiler de plus amples renseignements, la plupart des grandes villes du pays sont touchées. Le long de la première saison (22 épisodes), on suivra les événements de la ville, les habitants qui essaient de vivre tant bien que mal sans ressources externes (électricité, biens comestibles ou pétrole). Parmi eux, le maire et sa famille, une agent du fisc new-yorkaise, une famille noire assez mystérieuse qui s’est installée en ville deux jours avant les événements ou simplement des personnages de passage.
Jéricho est une série prenante si on la suit du début à la fin. Sinon, passez votre chemin, car il faut voir chaque épisode et le bref rappel au début de l’épisode ne donne rien d’intéressant.
Le début de la série n’est pas très passionnant malgré ce qui se passe, quelques événements assez effrayants arrivent sans pour autant motiver le spectateur. Les bons sentiments quackers et la musique country n’arrangent rien. Après le huitième épisode, allez savoir pourquoi, tout change (je n’ai relevé aucun changement de réalisateur ou scénariste). Pour une fois, une série intrigante n’utilise pas des effets spéciaux, des artifices, mais simplement montre une image d’une foule paniquée transmise par une télévision chinoise rediffusée en boucle pour nous effrayer. L’unique explosion atomique visible est vécue depuis Jéricho à environ 300 kilomètres. A noter aussi, le fait que la série ne soit pas montée à coups de tronçonneuse digne d’un clip MTV, ce qui est rare de nos jours. Tout est calme, des fois brusque, mais assez réel. Comment montrer l’apocalypse de façon réelle ? Très simple : en le vivant de l’intérieur. Vous ne verrez pas un médecin ausculter dans le noir ou faire une prouesse de ce genre, non rien que du réel. Pour se protéger des radiations d’une pluie on lit simplement un manuel datant de la guerre froide, à contre-cœur on s’impose une loi économique proche du système communiste. Le vieux maire bourru fait des erreurs, les personnages principaux font des erreurs. Tout le monde fait des erreurs et cela montre encore la réalité, rien n’est parfait. Les mentalités changent, tout n’est pas noir ou blanc au pays des Redneck. Un personnage intéressant est peut-être celui de la mère de famille (Pamela Reed), qui tente de sauver des valeurs familiales inutiles en ces temps difficiles et se heurte à la réalité - on peut quitter sa femme enceinte, Thanksgiving n’est pas une fête obligatoire ou une famille n’a pas besoin d’être ensemble et de jouer au baseball pour s’unir.
Voilà une des grandes qualités de Jéricho, elle ne se laisse pas dépasser par les bon sentiments américains, au contraire, elle les montre et prouve que ce n’est qu’un artifice face au réel (toujours après le hutième épisode). Très vite, une question se pose : qui a fait exploser les bombes ? Où partent quelques jours plus tard des missiles intercontinentaux (très certainement à tête nucléaire) ? Si la série datait des années 60-70 et 80, les vilains communistes rouges, le couteau entre les dents, seraient facilement désignés coupables. Dans les années 90, une possibilité d’un Irakien voire d’un nostalgique communiste. Dans les années 2000 et il y a encore deux ans, la cible aurait été sans conteste Al Qaida voire l’Iran. Mais maintenant, plusieurs cibles sont données : toujours Al Qaida et l’Iran, mais aussi la Corée du Nord, la Chine, l’Amérique du Sud et peut-être un Américain. Un mot qui fait peur, un méchant Américain blanc et catholique pourrait faire exploser le système. Comme dans le passé, des Américains blancs et catholiques ont tué des présidents. Ici, un voisin faisant un barbecue pourrait être un terroriste notoire, la peur habituelle de l’étranger n’est plus, c’est la peur du voisin.
Une autre
question se pose aussi : comment survivre sans contacts extérieurs, sans
gouvernement, en repartant à zéro ?
Jéricho, une série assez forte, qui ne restera pas (je pense) dans les annales par apport à un Lost ou 24H, car tout simplement à l’image de la regrettée série Dead Like Me. Elle montre le côté sombre des gens, on se bat pour un morceau de pain, pour de l’essence. Pour des matières que l’on trouve d’habitude au magasin du coin. D’autres questions sont posées dans la série, l’immigration massive des étrangers sur son territoire déjà pauvre, la guerre en Irak et ses implications sur le monde, l’utilité des valeurs familiales américaines. Le respect des droits de l’Homme est-il nécessaire quand on est en plein chaos ? Tout cela fait de Jéricho, malgré beaucoup de défauts et surtout un début proche d’un épisode de Dawson, une excellente série. D’après plusieurs de mes amis qui l’ont vue en France, le doublage est calamiteux : donc à voir absolument en VO.
Aux USA, la série a presque fait un flop. Une seconde saison de sept épisodes est en préparation : pourra-t-elle survivre face à des mastodontes comme Lost, Heroes ou bien d’autres ? Affaire à suivre. Espérons simplement qu’elle se termine, non pas sous le coup de la loi de l’audimat, mais simplement parce que toute histoire a une fin. En France, son audience est bonne, malgré des concurents de poids.
Jéricho est diffusée sur M6 tout les samedis à partir de 20h50.
J’ai délibérément omis les séries animées américaines (Les Simpsons, South Park, Daria) sinon, il aurait fallu inclure aussi les séries japonaises.
La bande-annonce :
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