Kaci Abderrahmane : une poésie très recherchée
Sanctionné durant de longues années par les habitants de son village natal qui l’empêchaient de chanter ou même de jouer de son instrument musical, le "banjo", kaci abderrahmane a fini par briser le tabou et faire son bonhomme de chemin dans la chanson kabyle.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L124xH93/PETITE.KABYLIE-63028.jpg)
KACI ABDERRAHMANE : Je me nomme Kaci Abderrahmane, suis chanteur et suis âgé de 53 ans et on me donne 45/49 ans pas plus. Je suis marié et père de quatre enfants.
RACHID YAHOU : Quand êtes-vous venu à la chanson ?
KACI ABDERRAHMANE : En 1965 que je suis mis à jouer de la flûte. Une année, j’ai gratté sur une guitare. En une journée, j’ai appris à maîtriser cet instrument. Ce jour-là, j’ai joué Arnou yas amane a khali, un air folklorique algérien repris en arabe et en kabyle.
RACHID YAHOU : A quand remonte votre première composition ?
KACI ABDERRAHMANE : C’était en 1976, j’avais composé As nitra (ô guitare !).
RACHID YAHOU : Et vos débuts réels dans le domaine de la chanson ?
KACI ABDERRAHMANE : En 1979, au mois de juin plus exactement, j’ai enregistré mon premier tube pour le public et je me suis produit sur la chaîne Kabyle. L’enregistrement a été fait à Alger. A cette époque "Mahboubati" était le seul qui possédait d’ailleurs un studio.
RACHID YAHOU : Comment avez-vous appris à chanter ?
KACI AABDERRAHMANE : J’étais attiré par la chanson dès mon enfance. J’écoutais d’ailleurs la radio des voisins en collant mon oreille au mur qui séparait nos deux demeures.
RACHID YAHOU : Vous-a-t-on aidé à faire vos premiers pas dans le domaine artistique ?
KACI ABDERRAHMANE : Bien au contraire j’ai rencontré des problèmes monstres au village "IGHIL BOUKIASSA", mon village natal situé dans la commune ATH YIDJAR. Les gens se moquaient de moi, chanter était une honte. Ensuite j’ai brisé les tabous en me reférant aux grands chanteurs. J’avais peur d’être sur la mauvaise voie, mais lorsque je pensais aux vedettes et à tous ceux et celles qui ont combattu pour réussir, je me disais qu’il me fallait tenir bon.
RACHID YAHOU : Comment avez-vous pu vous débarrasser de cet handicap ?
KACI ABDERRAHMANE : J’ai pû m’en sortir grâce à l’intervention d’un artiste de mon village émigré en France et très connu sous le sobriquet "ami Ali - passage tiret". C’était en 1968. A son retour, il m’avait trouvé endetté envers le village de 16 000 ff.
RACHID YAHOU : Pourquoi cette dette ?
KACI ABDERRAHMANE : A chaque fois que je jouais au banjo, les gens du village m’imposaient une amende. Aussi, ce jour-là, "ami Ali" me demanda de lui passer mon instrument. Il s’est mis à jouer, narguant tout le monde. Il a même demandé aux gens du village de me laisser tranquille.
RACHID YAHOU : Vous avez donc beaucoup souffert !
KACI ABDERRAHMANE : Comme tout artiste d’ailleurs je vais vous raconter une anecdote. Un jour, le "amine" du village qui m’avait par le passé dressé des amendes pour avoir joué à la guitare m’aborda et me dit " ce matin je t’ai entendu à la radio". J’ai eu cette réplique : "Qu’attends-tu pour me faire un procès maintenant que je chante dans ta maison même ? A cela, il ne m’a pas répondu, préférant continuer sa route.
RACHID YAHOU : Que pensez-vous de la chanson kabyle aujourd’hui ?
KACI ABDERRAHMANE : La chanson kabyle est en nette déclin. Ce vide est rempli par le "raï".
RACHID YAHOU : Et de la culture AMAZIGH ?
KACI ABDERRAHMANE : Les hommes de culture sont rares de nos jours. La relève n’est pas assurée. Les proverbes disparaissent peu à peu du vocabulaire. Ils sont peu utilisés. Les anciens les ont sauvegardés. Je découvre Zdeg Mouloud qui fait de la belle poésie, un chanteur qui fait un travail de recherche dans les paroles. Ses créations sont plaisantes.
RACHID YAHOU : Quels sont vos chanteurs préférés ?
KACI ABDERRAHMANE : AIT-MENGUELET et les anciennes gloires.
RACHID YAHOU : Des pojets d’avenir ?
KACI ABDERRAHMANE : Refaire mes anciennes chansons avant d’enregistrer mes nouvelles.
RACHID YAHOU : Elles traitent de quels thèmes ?
KACI ABDERRAHMANE : L’amour de la vie, le mépris, l’émigration, la culture et la fraternité sont les sujets que j’ai traité.
RACHID YAHOU : Avez-vous déjà des produits sur le marché ?
KACI ABDERRAHMANE : Je possède quatre cassettes audio.
RACHID YAHOU : Vous avez des regrets à propos de votre carrière ?
KACI ABDERRAHMANE : J’ai un regret, celui de ne pas avoir fait plus. J’ai eu un bon début. Je n’ai pas tout donné à la culture. Les obligations familiales m’ont quelque peu freiné. Je pouvais faire beaucoup mieux vu l’aura que j’avais auprès des auditeurs avertis.
RACHID YAHOU : Que pensez-vous de la femme kabyle ?
KACI ABDERRAHMANE : Marginalisée comme elle est, elle ne peut pas se défendre. Elle n’a pas sa place dans notre société. Afin d’avoir une certaine importance la femme se doit de poursuivre des études très poussées et d’être une intellectuelle.
RACHID YAHOU : Un bon souvenir ?
KACI ABDERRAHMANE : En 1976 alors que je n’avais que 21 ans je m’étais présenté au T.N.A. d’Alger face à un public nombreux. Je n’avais pas ce trac.
RACHID YAHOU : Un mauvais souvenir ?
KACI ABDERRAHMANE : Ma non-participation à trois commémorations du 20 avril, le printemps berbère. Au 1er, on m’a imposait des chants courts. J’ai refusé. A la seconde, le passage vers le stade était bloqué. Quant à la troisième, je ne pouvais pas chanter à cause d’une dispute à laquelle je n’étais pas bien sûr mêlé.
RACHID YAHOU : Le mot de la fin.
KACI ABDERRAHMANE : Je vous remercie et souhaite une longue vie à votre journal "AFRIQUE DU NORD".
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