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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > L’accord Olivennes, un tigre de papier

L’accord Olivennes, un tigre de papier

L’accord Olivennes est effectivement historique : au mieux, il entraînera les ventes musicales de la Fnac dans les profondeurs de sa propre comptabilité, au pire, il plongera l’Hexagone parmi les nations parias de la création immatérielle.

Les détails de cet accord ont été remarquablement décortiqués sur le net et dans la presse française. La lecture du chat de Denis Olivennes paru dans Le Monde a surtout déclenché mon hilarité. Tout le long, le patron de la Fnac a répondu indirectement et botté en touche, accumulant analogies et parallélismes avec une rhétorique bien huilée.

A aucun moment, il n’a expliqué comment séduire les consommateurs, ou au moins muer ceux P2Pistes en acheteurs ; ses propos n’étant qu’axés sur des aspects plus ou moins répressifs. L’ère de l’agitateur indépendant est bel et bien révolue...

Certes, des myriades d’opinions diffusées sur le net ne sont point représentatives de quelque réalité globale ; mais si j’étais Denis Olivennes, je m’inquiéterais un tantinet des multiples volontés de boycott personnel manifestées depuis 48 heures dans la quasi-totalité des forums. A plusieurs reprises, le secteur phonographique a sous-estimé le refus, voire la répugnance, des consommateurs envers ses rentes mirobolantes de situation, ses pratiques ultra protectionnistes et sa notoriété aujourd’hui plus proche de Pinochet que de Mandela.

Formés à l’économie physique comme leurs homologues de la RIAA et du MPAA, les PDG de l’industrie musicale française - et bon nombre d’artistes de renom ! - démontrent une fois de plus leur incapacité à penser la culture en termes de flux monétisables... A croire que tout ce beau monde n’a guère perçu les auditeurs devenir des audionautes. Les boss de l’entertainement sont encore persuadés que le net est une plage de contrebande aisément contrôlable par une armada de policiers... Pendant que d’autres rivages, d’autres ports et d’autres bases sous-marines auront été créées ailleurs avec quelques lignes de code.

Visant en rendre le téléchargement « pirate » plus compliqué, l’accord Olivennes espère barrer la route à l’éléphant quitte à laisser passer quelques souris. Or, le téléchargement est un domaine ou la montée en grade est extrêmement rapide, le néophyte devenant très vite un vétéran, côté développeur comme côté utilisateur. Au fur et à mesure, l’un comme l’autre acquièrent une expérience, une assurance et une cyberculture générale de plus en plus solides et évolutives. Sous peu, les signataires de l’accord Olivennes se gargariseront d’une baisse sensible du nombre de P2Pistes... Puis, dans quelques semaines, tout au plus quelques mois, quelque agoraphobique développeur en tee-shirt noir, cheveux bleus et visage piercé, créera un protocole de téléchargement encore plus underground, attirant des fourmis rouges par millions. Et c’est reparti comme en 14 !... La preuve historique par Napster, Kazaa, eMule et aujourd’hui Bittorent et la récupération des données des plate-formes de streaming (Deezer, Myspace, etc.).

Dès lors, inutile de s’indigner ou de se féliciter de cet accord Olivennes : pour la simple et bonne raison qu’il ne changera absolument rien à moyen ou long terme. Seule la Fédération nationale des arts contemporains (?) pourrait s’en mordre les doigts.

Des taxes sur les supports vierges à cet accord Olivennes, le pays d’Astérix figurerait bientôt parmi les terres interdites de la création numérique, a fortiori culturelle. Les dommages collatéraux seraient aussi profonds qu’irréversibles, car les nombreuses plate-formes de recherche et de travail collaboratif et de distribution musicale (ex. : Jamendo) utilisant la technologie peer-to-peer seraient alors tentées par quelque délocalisation en Belgique, en Espagne, au Royaume-Uni, en Italie ou en Inde ; risque de dépendance voire de suicide technologique de l’Hexagone en sus.

Par ailleurs, Denis Olivennes et ses compagnons oublient trop souvent quelques fondamentaux.

Avant toute chose, cessons cette fameuse analogie à l’emporte-pièce : « Télécharger un album chanson, c’est comme voler un CD ». Si je dérobe incognito votre CD dans votre sac, vous avez effectivement perdu tant le support que l’œuvre musicale. Quand je convertit ou télécharge un MP3, le fichier initial est toujours dans votre master, dans votre CD, dans votre PC ou dans votre clé USB.

L’informatique repose sur la reproduction intégrale et parfaite à l’infini de procédés et de données. Le bon ordinateur est celui qui copie vite et bien. Imaginez quelques secondes votre ordinateur sans les fonctions couper/copier-coller... Votre clé USB, votre baladeur MP3, votre disque dur et votre « direct-to-disk » (pour les musiciens) ne seraient plus d’aucune utilité ; les fichiers d’installation de vos logiciels reposant sur des copies-collages temporaires deviendraient totalement inopérants ; la lecture de cet article et de vos sulfureux commentaires serait impossible...

Conçu en pleine guerre froide par des militaires et des universitaires - contrairement au Minitel - dans le but de diffuser, de transférer et de dupliquer des informations et des données à distance, le net n’a pas été fondamentalement conçu pour vendre. Et ce malgré les incontestables et heureux succès du commerce électronique.

N’ayons pas peur des mots : la gratuité est le fluide sanguin du net. La preuve par Agoravox, Firefox, Wikipédia, Skype, Google, etc. Aussi longtemps qu’un être humain connecté sera animé par quelque volonté altruiste ou partageuse, tout le monde en bénéficiera... Sauf les statistiques du PIB et les chiffres d’affaires des marchands d’eau en bouteille qui s’en sortent plutôt bien. Pourtant, les inspecteurs de l’hygiène et de la salubrité nous affirment à plusieurs reprises que l’eau courante est tout aussi saine. En fait, le net a généré une économie non monétaire en inflation constante, de surcroît redoutablement créative et dynamique, allumant de facto un véritable incendie philosophique.

Son big-bang a révélé toute la différence entre l’économie physique et celle numérique. Dans la première, l’envoi d’un courrier ou d’un colis postal coûte nécessairement en temps, en d’énergie et en frais de transport, que nous payons avec un timbre. Dans la seconde, l’envoi d’un e-mail et de sa pièce jointe (ensuite dupliqués dans la machine du récepteur) n’a qu’un coût total négligeable en temps, en énergie et en frais de transport, car dispersé sur une multitude d’acteurs bénéficiant tous des merveilles de l’électronique  : de Cisco Systems à votre facture internet via Yahoo ! pour ne citer qu’eux...

Conclusion  : informatique + internet (haut débit) = reproduction et transfert gratuits à l’infini de procédés et de données à une échelle mondiale en un seul clic. Seule alternative pour changer cette réalité : établir sur la Terre entière des régimes de type birman ou nord-coréen ou modifier les lois de la physique et de l’électronique.



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15 réactions à cet article    


  • Yannick Harrel Yannick Harrel 27 novembre 2007 12:23

    Bonjour,

    Après avoir voté en faveur de votre article, je tiens juste à signifier mon approbation quant à votre vision du problème. Tout en souscrivant à la perspective d’un risque réel que création artistique et croissance économique numériques risquent bien d’aller trouver d’autres cieux plus cléments si l’on poursuit dans cette voie.

    Et tout ça pour sauver des situations de rentes au profit de quelques sociétés ayant pignon sur rue auprès des politiciens.

    J’enjoins chacun d’ailleurs à lire les déclarations de M. Olivennes et de notre cher Président sur la question pour s’offrir un moment d’hilarité franc et puissant smiley

    Cordialement


    • Charles Bwele Charles Bwele 27 novembre 2007 12:54

      Amitiés Yannick et Demian !

      Dans un article daté du 16 nov 2007,Forest Ent parlait à juste titre du « Ministère des affaires culturelles » (Voir http://www.agoravox.fr/auteur.php3?id_auteur=6425).

      Dans un de mes précédents articles, j’évoquais l’émergence d’un « état cyberprétorien » (http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=13386), au sein duquel règne une alliance objective des institutions publiques et marchandes contre la cyberculture gratuite.

      Voilà, nous y sommes !


      • Charles Bwele Charles Bwele 27 novembre 2007 13:01

        Le discours complet du président lors de la signature de l’accord disponible ici :

        http://www.ratiatum.com/news6098_URGENT_le_discours_de_Nicolas_Sarkozy_acco rd_Olivennes.html

        A découvrir absolument.


      • Pug 27 novembre 2007 14:17

        J’aime bien ce passage du discours du Président : [...] solutions opérationnelles visant à lutter fermement contre le piratage tout en tenant compte des potentialités d’Internet et de la demande des consommateurs. [...]

        il me semble que la demande des consommateurs n’a pas vraiment été écoutée. Il suffit de lire les commentaires ici ou là (ils sont suffisamment nombreux) ou plus simplement les critiques émises par les associations de consommateurs pour se rendre compte qu’on n’a pas « tenu compte des demandes des consommateurs ».


      • Forest Ent Forest Ent 27 novembre 2007 14:21

        Cet article est bien rédigé et agréable à lire.

        Nous arrivons maintenant à huit articles à zéro contre le rapport Fnac.

        Je me demande si ce rapport n’est pas au fond un aveu explicite d’impuissance : le signal de soutien le plus faible qu’il était possible de donner à la Fnac.


        • Charles Bwele Charles Bwele 27 novembre 2007 14:44

          Le plus étonnant dans l’approche économique de l’accord Olivennes, c’est qu’il espère assécher le marais du peer-to-peer (grâce à une inadéquate dissuasion) et rétablir une rareté de MP3 comparable à celle des 80’s ou début des 90’s. Des méthodes dignes du Moyen-Age...

          Et pourquoi décréter l’autarcie,interdire les importations,ou même revenir au franc puis le dévaluer ? smiley


          • Yannick Harrel Yannick Harrel 27 novembre 2007 18:17

            Bonjour,

            Justement le point de vue d’un économiste sur la question.

            Je vous recommande franchement de lire cet article d’une part parce qu’il est assez facile à lire et d’autre part parce qu’il est plus que pertinent sur les implications économiques du phénomène numérique (et surtout du foutage de gueule total émanant des rédacteurs de ce torchon).

            Deux points seulement échappent à ma diatribe : une visibilité accrue des offres légales en ligne et le raccourcissement de la chronologie de distribution des oeuvres cinématographiques.

            A part ça... smiley

            Cordialement

            PS : je boycotte la FNAC depuis la remise de ce rapport smiley


          • rodofr rodofr 27 novembre 2007 16:03

            Merci pour votre article que je trouve très bien. Mais, ne croyez-vous pas que ce soubresaut de la dernière chance, de faire survivre un ancien monde avec sa grille de lecture dépassée par le nouveau, qui parait s’écrire au jour le jour, pose à mon avis une question autrement plus redoutable, sur l’avènement de ce qu’on pourrait appeler l’auto-gouvernement par « le peuple », dont le net, serait l’arme par excellence. Un pensée émise par le philosophe marcel Gauchet. Et dont nous voyons aujourd’hui, les toutes premières batailles de cet avènement à l’œuvre, et dont personne ne sait quelle forme elle prendra. Délégitimation des politiques, des artistes, économique, journalistiques, médiatiques. C’est incroyable. De voir par le net, cette mise en accusation de l’ancien monde, avec plus ou moins de réussite, selon les acteurs et sa capacité d’atteindre tous les foyers en même temps. Une guerre de tranchée virtuelle, ou chacun lutte pour sa survie. Et je crois bien qu’on en est qu’au début. Une question que je me pose ? En tout cas merci pour votre article.


            • faxtronic faxtronic 27 novembre 2007 17:09

              Deux actions :

              - D’abord en avoir rien a foutre du charabia d’Olivennes, car nul ne peut controler internet.

              - Boycottons la FNAC,


              • patviro1 27 novembre 2007 18:10

                excellente analyse partagee j en suis sur par bcp de personnes.... le proverbe suivant s applique tt a fait a cet accord bidon

                « tout ce qui est excessif est insignifiant.... »

                ( je ne mettrai plusles pieds a la fnac)

                a moins que ces « has been » pensent mettre la France au niveau dela Birmanie,ou la coreedu nord


                • Tetsuko Yorimasa Tetsuko Yorimasa 27 novembre 2007 19:50

                  J’achète autant que je télécharge c’est à dire beaucoup et il est aujourd’hui clair que je n’acheterais plus à la FNAC.
                  La culture mène vers plus de culture encore mais tout ces gens n’ont pas l’air de l’avoir compris, et continuent de nous faire des procès alors que nos discothèques sont pleines à craquer de plusieurs centaines de CD achetés


                  • goc goc 28 novembre 2007 03:30

                    j’aimerais profiter de cet article pour essayer d’aller un peu plus loin et poser des questions fondamentales, que ces débats ont fait disparaitre

                    ces questions portent sur les droits d’auteurs, et surtout le reversement des taxes

                    1 - pourquoi ce ne sont pas seulement les auteurs qui touchent, mais aussi les producteurs, et les interprètes ? -par exemple quand on passe une chanson des beatles, c’est Sony qui touche de l’argent et non Ringo Star

                    2 - A partir du moment ou ces droits sont vendable (exemple justement les droits sur les chansons des beatles), on ne peut plus parler de création artistique mais bien de produit.

                    3 - les montants versés ne sont-ils pas disproportionnés par rapport au travail effectué : on critique souvent les salaires des footballeurs, mais jamais celui d’une eve angelie qui touche du fric sur des morceaux de musique ou le travail le plus important est fait, non par la chanteuse, mais par l’ingénieur du son obligé de passer des heures a essayer d’arranger la soi-disante « chanteuse ». Et puis autant je peux comprendre l’argent gagné par un artiste lors d’un concert public, autant j’ai du mal a comprendre que ce meme artiste touche encore plus avec les ventes de disque alors qu’il n’a chanté qu’une seule fois, en prenant son temps, avec un droit permanent a l’erreur, quand ce n’est pas carrément de l’arrangement électronique faisant de l’ingénieur du son, et des choeurs d’accompagnement, l’équivalent des nègres en littérature

                    4 - Pourquoi ce ne sont que les droits sur la musique qui sont concerné, pourquoi les droits d’auteur sur les logiciels (copiable aussi sur CD), ne sont-ils pas pris en compte dans la répartition des taxes

                    5 - J’aimerais qu’on pose la vraie question de la justification de cette notion de droit d’auteur, chaque individu est un auteur, auteur de son travail pour un ouvrier, de sa vente pour un vrp, et pourtant ces gens-là ne touchent rien au titre de leur talent sauf une rémunération mensuelle et fixe. Ca me gonfle de voir des génériques de film a n’en plus finir, alors que quand j’achete une voiture, je ne vois pas les noms des ouvriers qui ont fabriqué ma voiture. En quoi les saltimbanques devraient etre mieux considérés que les prolétaires ??

                    Donc arrêtons cette mascarade et ce concours d’ego surdimensionnes, et revenons a des pratiques plus égalitaires, svp !!

                    Lire la suite ▼

                    • bouboul 30 novembre 2007 12:32

                      Il y a le probleme de la marchandisation de la culture déjà.

                      On ne devrait pas considerer la culture comme un produit,une marchandise,un bien consommable.Je crois que c’est vraiment là le fond du probleme.

                      On veut systematiquement tout transformer en « marché » pour qu’une bande de rapace en col blanc puisse se faire du pognon.

                      La culture appartient à tous le monde, elle ne doit pas etre prise en otage par des marchands qui veulent creer artificiellement sa rareté pour pouvoir en tirer plus d’argent.

                      Il faut effectivement que les « sources » de la culture puissent en tirer un revenu qui leur permet de continuer à contribuer au patrimoine de l’humanité.Et quand je parle de « source » je parle d’auteur et uniquement d’auteur.

                      La culture est absolument vitale à l’evolution globale de l’espece humaine : si on accepte sa privatisation aujourd’hui, on acceptera demain la privatisation de l’air qu’on respire et les pauvres creveront d’asphyxie...


                    • bouboul 30 novembre 2007 12:20

                      Idem la fnac c est fini pour moi.

                      Mais je pense qu’il faut aller plus loin :

                      Par exemple , si la fnac subit une baisse de ses ventes significatives, qui incite olivennes à changer son discours(ou du moins ne plus s’impliquer dans le debat) , ce sera un autre qui prendra sa place.

                      Le lobby qui pousse derriere est la vraie source du probleme ; tant que vous achetez leurs produits , vous leur fournissez de l’argent qui indirectement va financer leur campagnes d’influences(nefaste).

                      Pour agir efficacement , il faudrait boycotter totalement les films et la musique qui sont reliés à ces grand groupes industriels.

                      Avec l’argent economisé ,allez plutot financer des groupes vraiment indépendants comme ceux sur jamendo ou autre . Et puis aussi n’oubliez pas : parlez en autour de vous, c est tres important !!


                      • Breizhatao35 Breizhatao35 23 décembre 2007 19:38

                        le seul remede - Boycott

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