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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > L’ADN de mère en fille

L’ADN de mère en fille

L’ADN mitochondrial est localisé dans les mitochondries. C’est un ADN circulaire de 16569 nucleotides. Hommes et femmes ont de l’ADN mitochondrial ; tout homme a le même ADN mitochondrial que sa mère, par contre, il ne transmet pas cet ADN mitochondrial à ses enfants (qui auront celui de leur mère). En effet, il n’y a pas de mitochondries dans les spermatozoides ; les mitochondries sont uniquement dans l’ovocyte. Les lignées d’ADN mitochondrial sont des lignées de mère en fille. Comme pour le chromosome Y les mutations permettent de définir des haplogroupes. Nous allons étudier l’haplogroupe le plus fréquent en Europe, l’haplogroupe H , ce qui sera un bon support pour montrer les méthodes et les résultats.

Carte de l’haplogroupe H :

Sur la carte ci-dessus on voit un groupe fort en Europe qui semble diffuser sur l’Asie et l’Afrique du nord. Voici ma grille de lecture de cette carte : l’haplogroupe H est absent des Amériques, absent d’extrême orient (chine, japon) et d’Océanie, et l’haplogroupe H est absent de l’Afrique noire. Je trouve remarquable que les populations sont de l’haplogroupe H presque en proportion de leur proximité au type blanc européen. Il n’y a pas d’explication mais je trouve que ce constat suffit à souligner l’intérêt des analyses mitochondriales.

Situons maintenant l’haplogroupe H dans l’arbre schématique ci-dessous. H est l’une des branche du groupe R0, dans la grande division N. Sur cet arbre les groupes « ancestraux » L0, L1, L5, L2, L6 et L4 sont tous uniquement africains. On constate que seuls des descendants de L3 sont à l’origine de tous les haplogroupes du reste du monde (hors Afrique). C’est cette constatation qui est a l’origine de la théorie « Out of Africa » : les groupes humains se sont développés dans un premier temps en Afrique et, à partir de L3, il y a sortie d’Afrique. En fait on constate ce qui peut s’interpréter comme une double sortie d’Afrique : branches M et N. La branche M correspondrait à une « route sud », sans doute par cabotage, le long des côtes d’Arabie puis de l’Inde, vers l’Asie du sud Est, l’Océanie. La branche N aurait d’abord investi la péninsule arabique qui jouissait d’un climat plus humide, puis, de ce creuset il y aurait eu expansion vers le moyen orient, l’Europe et l’Asie.

Et voici l'arbre simplifié :

Les haplogroupes fréquents en Europe sont H, V, J, T K, U, plus rarement I,W, et X. Ce sont là de grandes divisions mais un haplogroupe comme H comporte plus de 10 branches d'importances inégales. Voici quelques cartes de sous groupes :

J'ai choisi 2 sous groupes dont la dispersion est presque opposée : H1 est plus faible là où H11 est fort. H1 est, de loin, le sous groupe le plus important d'Europe de l'ouest. Voici 2 autres cartes :

Attention, les échelles de coloration ne sont pas les mêmes d'une carte à l'autre. Le groupe H7 est bien moins fréquent que le groupe H1 en France (environ 5 fois moins).

Arbre des sous-groupes mitochondriaux H :

Sur cet arbre sont indiqués les mutations qui définissent les sous-groupes par leur position, entre 1 et 16569, sur l'ADN mitochondrial . Cet arbre montre la variété de l'ADN mitochondrial, rien que pour l'haplogroupe H. Ainsi, la première carte pour l'ensemble de l'haplogroupe H recouvre une réalité variée. Voici une autre carte qui permet de bien voir que la prédominance de l'haplogroupe H1 est spécifique à l'Europe :

L'haplogroupe H1 (en rouge) fait place à un « cocktail » de sous-groupes au moyen orient. On interprète ceci comme une origine probable de H au moyen orient, peut être au Caucase. Seuls certains sous-groupes, dont H1, sont « partis à la conquête de l'Europe ».

On peut reprendre les données précédentes dans un arbre plus général, re-situant l'haplogroupe H dans l'ensemble des groupes mitochondriaux avec des mutations qui structurent cet arbre.

Arbre mitochondrial :

On a établi qu’une mutation se produit environ tous les 4000 à 5000 ans. C’est très approximatif mais ça permet de tirer un certain nombre d’informations. Les souches N et M telles que nous les connaissons aujourd’hui sont le résultat d’une longue période d’évolution ; les 4 mutations de la souche M pouvant correspondre à 16000 – 20000 ans et les 5 mutations de la souche N à 20000 – 25000 ans. Il y a donc eu une lente maturation.

La mention « rCRS » qui signifie « revised Cambridge Reference Sequence » se trouve être un ADN mitochondrial du sous groupe H2a2a, qui a été choisi au début des études comme ADN de référence. Nous allons utiliser les mutations rapportées pour montrer comment on peut schématiquement évaluer l’âge d’un groupe, ou plus exactement d’un « nœud » de l’arbre, ici R . Entre rCRS et R on peut compter 11 mutations et sur la branche U il y aurait un nombre semblable de mutations jusqu’au sous-groupe U5b1b qui est un groupe Européen. L’ancêtre commun R vivait il y a 44000 – 55000 ans et avec les 20000 ans précédents on comprend comment la « sortie d’Afrique » est datée de 60000 – 70000 ans. Alors que U est un groupe qui semble avoir été européen dès le début, R0 est un groupe du moyen orient où HV, puis H et V se différencient ultérieurement.

Les mutations en bleu sur l'arbre ci-dessus sont les mutation de la région autour de l'origine de l'ADN mitochondrial : nucléotides 16024 – 16569 (=0) et 1 – 576. Sur cette section d'environ 1000 nucléotides (par rapport à 16569 pour la taille totale) le taux de mutation est plus important (mais la zone est relativement petite). On observe que sur une durée estimée de 10000 ans 3 mutations vont se produire : 1 dans la région de contrôle (la zone de 1000 nucléotides), et 2 dans la région dite « région codante » (tout le reste de l'ADN mitochondrial).

Les analyses d'ADN mitochondrial sont arrivées à l'âge adulte depuis que toute la molécule , les 16569 nucléotides, peuvent être séquencés et analysés de façon systématique. L'ensemble des ADNs ainsi entièrement séquencés dépasse maintenant 20000 ; on n'est plus limité dans les comparaisons par le manque de données.

La limite actuelle c'est l'interprétation quand on descend au niveau des sous-groupes. H pour son origine est daté d'environ 18000 ans mais de nombreux sous groupes semblent bien plus récents. Une caractéristique de l'ADN qu'il faut garder en tête est qu'il y a un « pool » important de personnes qui sont H ou dites H* c'est à dire avec 1 mutation (sans doute familiale) supplémentaire seulement. C'est ce qui est observé et le fait qu'il y ait des branches ayant accumulé de nombreuses mutations alors qu'un ensemble important de personne conserve l'ADN H d'origine est une difficulté d'interprétation. Selon les auteurs H1 sera Magdalénien (-14000) ou Indo-Européen (premiers néolithiques -9000). On attend la bonne méthode pour analyser ces données. Pendant ce temps les données augmentent et les cartes se précisent. Pour revenir à la carte qui a servi d'introduction on peut dire que l'origine de H est sans doute vers le Caucase mais qu'il y a eu sur la longue période considérée une conquête de l'Europe et sans doute diffusion à partir de l'Europe, peut-être avec les fameux Indo-Européens, vers le moyen orient, jusqu'à l'Inde. La zone nord-africaine a une répartition en sous-groupes comparable à l'Europe (sud) ce qui souligne la perméabilité géographique dans ces temps anciens.


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11 réactions à cet article    


  • Ronny Ronny 17 février 2012 12:04

    @ auteur

    Juste une petite erreur si vous permettez : à moins que je me trompe lourdement, les spermatozoides contiennent des mitochondries car je ne vois pas comment ils pourraient disposer d’une fourniture d’énergie abondante autrement. Simplement, la taille du spermatozoïde comparée à celle de l’ovule fait que le nb de mitochondries paternelles est très dilué par rapport au nb. de mitochondries maternelles et que cette dilution va en s’amplifiant puisque lorsque l’oeuf fécondé se divise, il se produit une élimination spécifiques des mitochondries d’origine paternelle pour une raison que j’ai oubliée où que j’ignore...

    Au delà, l’histoire des haplotypes est particulièrement intéressant car elle écrit toute notre histoire et nous eprmet de dire d’où nous venons et quelles ont été les migrations qui ont façonnés l’histoire de l’Homme, avec un « grand H », c’est à dire celle qui se situe bien loin des débats nauséabonds autour de l’identité « nazionale », ou des civilisations meilleures que d’autres ! Nous, hommes blancs sommes venus d’Afrique, un message à méditer en cette période délétère...


    • nico31 17 février 2012 16:31

      Je crois me souvenir qu’il y a des mitochondries à la base du flagelle mais le flagelle ne pénètre pas dans l’ovule au moment de la fécondation.


    • diverna diverna 17 février 2012 18:46

      Merci pour la réponse rapide, qui est la bonne. J’aurais dû écrire : le spermatozoïde ne transmet pas de spermatozoïdes lors de la fécondation. mea culpa.


    • scharff 17 février 2012 15:24

      Bonjour,
      Je ne comprends pas bien la première carte, celle de l’haplogroupe H. Il y a 225millions de Blancs aux états-unis qui sont originaires pour la plupart de la zone la plus bleu de la carte, or ils n’apparaissent absolument pas ! Et c’est valable aussi pour toutes les autres populations américaines... Sans même compter qu’on parle d’un génome qui se transmet intégralement à chaque naissance, et qui aurait disparu en une dizaine de génération à peine, ce n’est pas possible.
      La carte est elle une extrapolation des populations au15e siècle ? Ou l’Amérique a-t-elle tout simplement été gommé ?


      • Alois Frankenberger Alois Frankenberger 17 février 2012 18:09

        Les Américains, comme on sait d’où ils viennent, ça ne servait pas à grand chose de reprendre leur adn sauf s’ils étaient des Amérindiens.


      • diverna diverna 17 février 2012 18:49

        On cherche à comprendre les origines ; les « américains » (ainsi que toutes les autres migrations récentes -Australie , Afrique du sud etc..) ne sont pas figurés. ce qui compte c’est la bonne lecture des données.


      • Alois Frankenberger Alois Frankenberger 17 février 2012 17:28

        Le L3 correspond à quelles populations ?


        • diverna diverna 17 février 2012 18:43

          L’origine est à l’Est de l’Afrique mais l’expansiion Bantou a entrainé cet haplogroupe jusqu’en Afrique du sud. Le groupe L3 , parent des branches M et N , n’est pas du tout « mort » mais a connu, parallèlement au développement de M et N , hors Afrique, un assez grand développement en Afrique (repoussant les populations L1 antérieures). Ce serait une erreur de considérer l’Afrique comme « figée » ; il y a eu une évolution , différente de celle s’est étendue au reste du monde.


        • hacheii 17 février 2012 18:03

          Normalement le chromosome y se transmet de père en fils, il n’est pas transmis à la femme, c’est ce qui fait la différence entre un homme et une femme, donc c’est un domaine très très politique.
          .
          Mais si par exemple on prend l’exemple de l’enlèvement des sabines ( femmes prises par je ne sais plus qui, peut-être par des grecs à un autre groupe ethnique), les enfants des sabines auront un ADN mitochondrial provenant de leurs mères, et ne permettra de rien conclure sur les pères, donc il trace uniquement les femmes, mais en temps de guerre ça joue comment ?


          • Alois Frankenberger Alois Frankenberger 17 février 2012 18:08

            Les Sabines ont été - selon la légende - raptée par les compagnons de Romulus et Rémus pour peupler la ville de Rome.


          • diverna diverna 19 février 2012 00:20

            Yves Coppens est un paléontologue. Il s’appuie sur des données fossiles qui reflètent l’ensemble de nos gènes (les 23 paires de chromosomes). Ce que la génétique de l’ADN mitochondrial suit c’est UNE piste , en fait 2 pistes avec celle du chromosome Y .
            Peut être avez-vous entendu parler de la possible hybridation entre Homo sapens et l’homme de Néandertal. Ce serait une petite partie du génôme dans certaines populations. De la même façon il n’est pas possible d’exclure que la vague décrite ne s’est pas mélangée localement , reste à savoir à qui. Il faut pour cela connaître ce qui a pu être une barrière de spéciation. Le pourcentage « non africain » est traqué parmi les résultats de gens ayant, par exemple, fait le test de la compagnie 23andME qui teste TOUS les chromosomes. Il y a aujourd’hui de bonnes raisons de penser que le mélange a été peu important.
            Je vais augmenter cette réponse : il y a une résistance, pas seulement en Europe, sur cette origine africaine ; les chinois ont repris pas à pas les analyses tellement ils n’en voulaient pas mais il a fallu reconnaître qu’il y a des faits, des données qui ne peuvent pas être méconnus.
            On m’a posé une question sur les L3 mais pas sur les L0 qui se rencontrent parmi les langues à clic ; les bushmens du film « les dieux sont tombés sur la tête ». Voilà une forme ancienne d’humanité qui ne se rencontre qu’en Afrique et la piste de l’ADN, si elle n’est qu’une piste, est une piste certaine qui ne peut être ignorée.
            Dans l’article, j’ai laissé une bonne part indécidée car ce serait anti-scientifique de proposer un seul schéma dans l’état actuel de nos connaissance. Cependant, si j’ai écrit cet article c’est qu’il y a maintenant un corpus bien établi qu’il convient de connaître.

            Pour conclure : il y a , peut être, une part de nos génômes qui vient de populations « en place » mais cette part , selon les évidences non discutées ici car relevant d’autres approches, serait de faible ampleur ; l’une des raisons possible étant que les vagues de peuplement répérées sont la trace de progrès décisifs , encore à préciser.

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