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L’Aéropostale de Mermoz et Saint-Exupéry vole encore (mais pour combien de temps ?)

Saviez-vous que la légendaire Compagnie générale aéropostale (communément appelée Aéropostale), celle de Jean Mermoz et d’Antoine de Saint-Exupéry, continue à voler ? Ou plus exactement, que l’une de ses descendantes existe toujours et opère au Venezuela sous le nom commercial d’Aeropostal ?

On connaît l’histoire de l’Aéropostale. Créée en 1927 à la suite de la reprise par Marcel Bouilloux-Lafont des activités de la Société des lignes Latécoère, la compagnie allait s’atteler à réaliser le rêve de Pierre-Georges Latécoère : relier la France à l’Amérique du Sud par voie aérienne.

Les premières liaisons mènent de la France à l’Afrique de l’Ouest (1925), alors en grande partie colonie française. Parallèlement, la compagnie développe ses activités au Brésil (1927), puis en Argentine et au Chili (1929). Mais entre les deux continents, il faut franchir l’Atlantique. Au départ, l’acheminement du courrier se faisait par voie maritime, ce qui augmentait considérablement les délais de livraison. C’est finalement les 12 et 13 mai 1930 que Jean Mermoz traverse pour la première fois l’Atlantique Sud, une véritable gageure à l’époque. Il rend ainsi possible la première liaison aérienne entre l’Europe et l’Amérique du Sud.

Périlleuse traversée des Andes


La ligne principale de l’Aéropostale relie Toulouse à Santiago du Chili, avec de multiples escales en Espagne, au Maroc, en Mauritanie, au Sénégal, la traversée de l’océan de Saint-Louis (Sénégal) à Natal (Brésil), puis de nouvelles escales le long de la côte brésilienne jusqu’à Buenos Aires. Enfin, il fallait effectuer la périlleuse traversée de la Cordillère des Andes pour arriver à Santiago.

Une ligne secondaire remonte la côte du Brésil depuis Natal jusqu’aux Guyanes, d’où elle se prolonge jusqu’au Venezuela et la Colombie. Le Venezuela, en particulier, est considéré place stratégique pour faire parvenir le courrier dans les Antilles françaises, Martinique et Guadeloupe, liaison qui devient réalité le 3 juillet 1929. Les premiers vols sont assurés par des Latécoère 26 et 28, qui opèrent depuis les aéroports Boca de Río de Maracay et Grano de Oro de Maracaibo.

En 1930, l’Aéropostale employait 1500 personnes (dont 51 pilotes) et possédait une flotte de quelque 200 avions et 17 hydravions –un capital humain et matériel qui était loin d’être négligeable. Mais l’année suivante, la compagnie, victime de la crise économique et du manque d’appui gouvernemental, est mise en liquidation. En 1933, le gouvernement français oblige les compagnies aériennes nationales à se regrouper. C’est la naissance d’Air France. Dans la foulée, les actifs de l’Aéropostale sont repris par la nouvelle compagnie.

Aux mains vénézuéliennes

Pas tous les actifs cependant. Au Venezuela, le gouvernement du général Juan Vicente Gómez rachète le 31 décembre 1933 une partie des actifs de l’Aéropostale. La compagnie continue à être gérée par du personnel français sous la direction de Robert Guérin, officier français qui assurait la tâche de conseiller technique de l’armée de l’air vénézuélienne. Le 1er janvier 1935, elle passe définitivement aux mains vénézuéliennes sous la direction du commandant Francisco Leonardi. Elle change aussi de nom et s’appellera désormais Linea Aeropostal Venezolana (LAV).

En 1937, le gouvernement prend le contrôle intégral de la compagnie en la recapitalisant. Les vieux Latécoère sont remplacés par des Fairchild 71 et des Lockheeed L-10 Electras. Au fil des années, la flotte ne cesse de se moderniser : Douglas DC-3 et DC-4 (premiers vols internationaux vers Boa Vista au Brésil et Aruba dans les Antilles néerlandaises), Lockheed Constellation (premier vol vers New York en 1947) et Super Constellation, Vickers Viscount 701 (premier jet en 1956), Douglas DC-8 et DC-9.

À la suite de la création d’une nouvelle compagnie nationale, Viasa, dont elle possède 51 % du capital, la Linea Aeropostal Venezolana abandonne ses vols internationaux au début des années soixante, pour se consacrer uniquement aux vols intérieurs. Elle simplifie aussi son nom en Aeropostal.

Triste fin


En août 1994, Aeropostal cesse ses opérations commerciales. Deux ans plus tard, elle est vendue au groupe privé Corporación Alas de Venezuela et reprend ses opérations le 7 janvier 1997. Les débuts sont prometteurs puisque des vols internationaux sont à nouveau programmés vers l’Amérique du Nord et l’Europe.

Mais une gestion douteuse jointe à un climat économique incertain ont raison de la compagnie privatisée. À la fin de 2007, à la suite d’un conflit de travail et de démêlés avec le gouvernement, sa flotte est réduite de 22 à seulement 3 avions. La compagnie, surveillée de près par les autorités aéroportuaires du pays, va de crise en crise. Au début de 2008, elle est revendue à un groupe d’investisseurs vénézuéliens, le groupe Makled. Elle n’est pas sauvée pour autant : récemment, plusieurs membres de la famille Makled ont été inculpés de trafic de drogues, de blanchiment d’argent et même d’assassinat. Deux d’entre eux sont aux mains de la justice et le troisième est recherché par Interpol.

En 2009, Aeropostal vole encore, mais pour combien de temps ? Triste fin pour celle qui fut la deuxième compagnie aérienne d’Amérique latine (après la colombienne Avianca), et la descendante directe de la mythique Aéropostale de Mermoz et Saint-Exupéry.

__________________________________
Pour en savoir plus sur l’histoire de l’Aéropostale, voyez ce très beau documentaire créé à l’occasion de son 80e anniversaire.

Documents joints à cet article

L'Aéropostale de Mermoz et Saint-Exupéry vole encore (mais pour combien de temps ?) L'Aéropostale de Mermoz et Saint-Exupéry vole encore (mais pour combien de temps ?) L'Aéropostale de Mermoz et Saint-Exupéry vole encore (mais pour combien de temps ?)

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15 réactions à cet article    


  • Marsupilami Marsupilami 19 mars 2009 15:02

     @ L’auteur

    Merci pour cet article. Tous les bouquins de Saint-Exupéry ont redéfilé dans ma tête en le lisant. Une bien belle aventure humaine qui se termine d’une manière sordide. Ecce homo


    • Internaute Internaute 19 mars 2009 15:03

      Bel article qui me rappelle quelques émotions en voyageant dans ces avions. Le plus extraordinaire est de penser qu’une compagnie pareille a pû fonctionner quelques années rien qu’en transportant du courrier. Au prix du timbre poste et au poids du papier, c’est un exploit industriel qui serait bien impossible de nos jours.


      • Yannick Harrel Yannick Harrel 19 mars 2009 15:19

        Bonjour,

        Alors là je dois avouer que je suis bluffé. Grand admirateur de l’Aéropostale (au point d’avoir ajouté une citation de Latécoère à l’accueil de mon blog), j’étais totalement ignorant du fait qu’il avait subsisté une maigre part de l’héritage des audacieux de Toulouse.

        Merci en tout cas pour nous avoir relaté l’existence de cette descendante très discrète de l’Aéropostale, bien qu’effectivement sa survie ne tienne plus qu’à une décision de justice semblerait-il...

        Cordialement


        • maxim maxim 19 mars 2009 16:24

          juste un petit rectificatif ..

          le Vickers Viscount n’était pas un jet !

          le Viscount était équipé de 4 turbos propulseur ,à savoir qu’une turbine entraine l’hélice .....

          les premiers jets sont les Comet De Havilland ,retirés rapidement de la circulation ,vu la faiblesse de leur strucure qui se désintégrait en vol avec les catastrophes au final .....

          sinon ,article intéressant ....

          Maxim ( passionné d’aéronautique )


          • Jean-Luc Crucifix Jean-Luc Crucifix 19 mars 2009 19:13

            Merci pour cette rectification. J’apporte la correction à mon blog venezueLATINA. Par contre l’erreur subsistera dans Agoravox. Dont acte.


          • maxim maxim 19 mars 2009 17:02

            votre article m’a donné une idée ..

            je dispose du Flight Simulator ,je vais reprendre le tracé de l’époque ,choisir un avion de la guerre de 14-18 ,un Camel avec moteur 140cv ,pratiquement pas d’instrument de navigation ,à part l’indicateur de vol horizontal ,le tachymètre ,et un inclinomètre ,plus les jauges très basiques ...même pas d’horizon artificiel !

            aux intempéries bien entendu ,et à 160 km/h maxi ! ( avec vent dans le dos ! )

            je vais donc me mettre dans la peau d’un pionnier ,chez moi au chaud !  smiley


            • Yannick Harrel Yannick Harrel 20 mars 2009 00:26

              Bonjour,

              En fonction de la version de Flight Simulator, vous devriez pouvoir télécharger un Bréguet XIV ou un Laté 26/28 pour rendre l’aventure encore plus saisissante smiley

              Un petit site pour se remémorer ce qu’était l’aventure de l’aéropostale, une petite vidéo très instructive.
              Vous noterez que le même site propose un pack scenery pour justement se remettre dans le bain de cette aventure sous Flight Simulator...

              Cordialement


            • maxim maxim 20 mars 2009 08:24

              bonjour .....

              je vous remercie pour ce lien ,êtes vous vous même possesseur d’un FS ? ,c’est terriblement réaliste ,et passionnant !

              merci encore !


            • Yannick Harrel Yannick Harrel 20 mars 2009 23:52

              @Maxim

              Bonjour,

              J’étais un pratiquant de FS il y a quelques années. Et je dois avouer que ce simulateur était fascinant dans ses dernières versions pour la richesse de son environnement et la modélisation des appareils (chapeau bas notamment à certains artistes du net pour les modèles proposés parfois de très grande qualité). Mais c’était aussi très chronophage, comme tous les bons simulateurs vous me direz...

              Je n’ai pas essayé X-Plane mais j’en ai eu de très bons retours : tentez-le car apparemment il ne s’est que bonifié avec le temps smiley 

              Cordialement


            • plonk 19 mars 2009 18:22

              Article interessant retraçant les débuts de l’aviation commerciale.
              Toutefois, 51 pilotes pour 200 appareils. Ca me titille. Dois-je en conclure que les 3/4 des avions était au sol pour maintenance ?


              • Jean-Luc Crucifix Jean-Luc Crucifix 19 mars 2009 19:17

                L’information provient de l’article sur l’Aéropostale dans Wikipedia, qui, comme on le sait, n’est pas toujours fiable. Appel aux lecteurs qui auraient d’autres sources...


              • maxim maxim 19 mars 2009 21:58

                au sujet du Laté 26 ,il me semblerait ,mais c’est à vérifier ,qu’il y en a un au musée Jean Salis ,à Cerny ,et en état de vol ,mais comme il ressemble à un Bréguet ,il faut que je revérifie ,il y a tellement d’avions anciens en état de vol que je n’ai pas tout en tête !

                sur les murs de cet aérodrome ,il y a toute l’histoire de l’aviation au temps héroiques ,à ma prochaine visite ,je regarderai de manière plus approfondie si il y a l’Aéropostale ( ça m’étonnerait qu’il n’en soit pas question !)

                votre article est diablement passionnant !


                • bluerider bluerider 19 mars 2009 22:46

                  c’est effectivement un bréguet, transformé en LATE pour les besoins d’un film TV dans les années 80. Il y a un FANA DE L’AVIATION qui en avait parlé lors d’un des shows à la Ferté Allais... je ne sais pas s’il vole encore, à priori oui.

                  Par ailleurs dans le film d’AIR FRANCE, on peut aussi voir, partie 2, l’un des avions de la collection Salis, pour simuler le premier vol vers l’Espagne. Dommage que le film ne précise pas qu’il s’agit d’une reconstitution. D’ailleurs, pour une question de coût sans doute, on voit bien que ces quelques secondes d’images vieillies et remises en NB sont tournées sur le plateau de La Ferté, avec son horizon de futaies compactes si caractéristique de toutes les photos prises là-bàs (qui ont l’avantage de ne pas montrer de détails anachronqiues, mais le désavantage d’être archi rebattues...) ....

                  C’est un peu chiche dans un film par ailleurs trés romancé... car la vie de M. Bouyou-Laffont est loin d’avoir été un long fleuve tranquille, la finance et les couloirs des ministères n’ayant guère changé d’a(l) ttitude depuis l’invention des assignats et de la Montgolfière, mais ceci est une autre histoire.... l’Aéropostale me fait toujours autant rêver moi aussi..... et Mermoz était un personnage hors du commun aussi, même si un peu comme Lindberg trés pro-führer et limite anti-sémite, il fréquenta les ligues d’extrème droite, se fourvoyant en vie politique alors qu’il était un vrai génie de l’aéronautique et un aventurier absolu.


                • Yannick Harrel Yannick Harrel 19 mars 2009 23:44

                  @bluerider

                  Bonjour,

                  Nous partageons pour Mermoz la même fascination (magnifiée par la superbe biographie de Joseph Kessel, dévorée le temps d’un séjour à l’étranger) toutefois je ne vous suis pas lorsque vous traîtez le personnage de suppôt des forces d’extrême-droite. Je pense que vous faites référence à la situation l’ayant plaçé très rapidement comme le bras droit du colonel François de La Rocque : Kessel n’avait pas apprécié son engagement, mais Mermoz était un homme entier qui avait vu sombrer l’Aéropostale (sauf ce petit bout au Vénézuela) par la faute d’une incapacité des gouvernements successifs à avoir une vision claire sur l’aéronautique. Ce gâchis précipita son action politique pour le compte du premier parti de France à l’aube de la 2ème GM.

                  S’est-il fourvoyé avec La Rocque ? Nous n’en saurons jamais rien, tout ce qu’il est possible de dire c’est que les liens d’amitié et de respect étaient très forts entre les deux personnages. Peut-être même aurait-il terminé résistant comme nombre d’adhérents du Parti Social Français, lui qui avait déjà vaincu moult adversités par le passé ?

                  Cordialement


                • maxim maxim 20 mars 2009 08:37

                  bonjour ....

                  au prochain meeting Salis ( espérons qu’il aura lieu cette année ,le sponsor habituel semble défaillant ) je regarderai bien au programme du matin si ils refont voler le Bréguet ,en principe oui ,il arrive que certains Week ends ils lui fassent prendre l’air ....

                  avec le Printemps ,les vieux coucous ressortent ,et comme j’habite à 20 kms de la Ferté, ils passent de temps en temps au dessus de chez moi .

                  vous avez choisi un P 38 comme avatar ,je ne sais pas si il y en a dans les meetings en France ? les derniers que j’avais vu voler ,c’était au début des années 50 ....

                  fabuleuse machine ! et quelle belle musique que celle des moteurs !

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