L’amour et les coups

Les relations des hommes et des femmes sont analysées ou racontées dans une symbolique mortifère dans laquelle les coups et les caresses sont interchangeables. Les caresses sont des coups comme les autres. Mes séances de lutte, film de Doillon et la Vénus à la fourrure de Polanski. Il faut punir les hommes d'avoir tellement de désir sexuel que le compagnonnage amoureux n'y suffit pas toujours, sans compter les périodes de solitude.
Les seuls qui sont du côté de l'amour, ce sont les homosexuels, qui ont maintenant le mariage pour tous. Ceux qui en sont encore au mariage pour quelques uns subissent une condamnation sévère et permanente, répétitive, devant laquelle ils n'ont d'autre possibilité que de se taire.
En même temps que le discours publié estime que l'amour est une guerre et que l'homme vainqueur par nature doit être vaincu dans le droit et dans la société, nos contemporains ont, heureusement, une toute autre perception, de toutes autres pratiques, de tout autres discours qui ne trouve pas place publique.
Dans mes séances de lutte, une jeune femme qui vient de perdre son père va chaque jour chez un homme avec qui elle a failli avoir une liaison. Le scénario est assez compliqué, il est complètement littéraire, pour être plus précis. Il fonctionne dans les termes par lesquels il passe, par les termes qu'il emploie. Hors de ces termes, il est difficilement compréhensible. Cette femme et cet homme vont, sur son injonction à elle, tâcher de retrouver les conditions, l'ambiance de cette nuit où elle s'est présentée à la porte de sa chambre vêtue d'un simple T-shirt, sans qu'il tente de faire l'amour avec elle. Il a bien fait. Les femmes ont dans les mains une arme redoutable : le consentement. Bien des femmes consentantes ne se souviennent pas de l'avoir été. La femme est crue et l'homme est cuit : case prison. Ce n'est pas évoqué dans le film. Cependant, l'attitude provocante de la femme n'est pas explicite et la demande de sexe, de caresses, de jouissance n'est pas verbalisée. Par les temps qui courent, homme, abstiens-toi, cela vaut mieux.
Donc la fille revient chercher ce point qui aurait pu être originel et qui ne l'a pas été. S'ensuivent des bagarres... genre ceux qui ne savent pas se battre, cour de récréation. L'homme ne met pas toute sa force. Sans quoi cela durerait peu. Là aussi, prudence bienvenue. Plus ils se battent, moins ils s'habillent pour se battre. Ils vont dans un pré, et même dans la boue (comme on voit sur l'affiche). Ils en arrivent à l'amour. Bon. Le chemin a été plutôt long et inutilement tortueux.
La femme dit ce que lui fait cet amour. C'est un bon moment, même un très bon moment. Mais on est loin de l'idée que l'homme qui lui procure ce plaisir mérite d'être traité avec douceur.
La Vénus à fourrure est un film didactique très dans l'air du temps : en mettant du rouge à lèvres à un homme, on en fait une femme acceptable. L'habit fait le sexe, il n'y a pas de sexe véritable. Tout est genre. Ce mot genre que prononce abondamment Emmanuelle Seigner. Autre air du temps : l'amour, c'est la dépendance ; et la dépendance véritable ne peut s'exprimer et se ressentir que dans des actes négatifs, qui humilient et font mal, qui vainquent (rendent vaincu). Les liens (ne parle-t-on pas de lien amoureux ?) Et les coups ! Nous y revoilà !
Les « niveaux » se mélangent. On passe de la scène (une audition) à des rapports sado-masos dans lesquels l'homme est dominé... Mais dans l'audition, la comédienne en principe auditionnée arrive à diriger le metteur en scène, en principe décideur, dont elle dépend, donc.
Quand, dans la pièce à jouer, la Vénus cesse d'être maîtresse et se soumet, oh miracle ! c'est l'homme tout-à-coup qui incarne la femme avec son rouge à lèvres et qui se retrouve attaché à un cactus de carton pâte, extrêmement phallique, mais qui aura été plusieurs fois pris pour Aphrodite.
L'amour est une lutte comme les autres, les coups sont des caresses comme les autres. Il fut un temps où on disait : « Faites l'amour, pas la guerre ». Maintenant, on dit que l'amour est une guerre comme les autres, que le vainqueur est connu d'avance (l'homme), qu'il faut donc le punir d'avance.
Il est urgent de retrouver une joie de vivre et de s'aimer plus près de ce que nous sommes vraiment, nous, les hommes et les femmes : une humanité, une, en deux corps nécessaires pour pérenniser cette humanité, dans des actes de plaisir et d'entente qui sont des secondes d'éternité. A bafouer notre être ainsi, dans ce mental de confusion, c'est notre humanité que nous mettons en danger.
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