« L’Ecole des Femmes » Molière mâtiné d’Offenbach au Déjazet
« Le petit chat est mort ! »… Les mille et une façons de lancer cette célèbre réplique que Molière fait dire à Agnès alors qu’Arnolphe s’inquiète spécieusement des conditions de vie quotidienne de sa « protégée » ou plus exactement de sa « captive », contribuent à « l’image de marque » et même à la « marque de fabrique » faisant de cette comédie une véritable proclamation émancipatrice se dissimulant sous les anecdotes du rapport de force masculin / féminin.
Mais « L’école des femmes » peut également être considérée comme une tragédie où l’homme découvre que le cœur a ses raisons intransgressibles et qu’il n’est guère possible de se faire aimer par volonté délibérée d’autant plus si l’on n’est point capable soi-même de véritables sentiments amoureux.
Nicolas Rigas, directeur du « Théâtre du petit monde » fêtant son centenaire en 2019, a choisi l’option de cette impasse psychologique, notamment grâce à un rapprochement artistique Offenbach-Molière où la farce de ce dernier est ponctuée d’extraits musicaux des « Contes d’Hoffmann ».
Aux « diables » officiant dans cet opéra viennent correspondre les sentiments de jalousie destructrice en action maléfique dans la comédie.
Par ailleurs, la similitude niaise du couple gardiens-serviteurs dans les deux œuvres inspire à la présente mise en scène des numéros d’acrobaties loufoques assurant des respirations comiques au premier degré pleinement rafraîchissantes.
Bref, à la manière d’un spectacle total, Nicolas Rigas endossant de surcroît le rôle principal d’Arnolphe, organise autour de son personnage manipulateur, tourmenté et constamment sur la défensive, un bloc d’incompréhension partagée par tous ses autres partenaires.
A contrario Agnès, interprétée en alternance par Amélie Tatti & Antonine Bacquet pourrait s’apparenter à l’oiseau sifflant gaiement sur la branche suspendue entre terre et ciel tout en exprimant, selon un naturel confondant, son goût pour la liberté et son amour pour la vie.
Quant à Horace (Martin Loizillon), son prétendant et néanmoins camarade d’Arnolphe, emporté par ses élans et sa passion, il s’engouffre dans sa nouvelle relation amoureuse avec une telle spontanéité que chaque fois qu’un obstacle se dresse, il s’en confie immédiatement à son pseudo ami… aveugles qu’ils sont tous les deux envers leurs stratégies respectives opposées et pleinement rivales.
Façon « commedia dell' arte », l’interprétation se veut proche d’un théâtre de tréteaux où les comédiens sont en complicité latente avec les spectateurs.
Côté Jardin, les trois musiciens officient au violon, violoncelle et flûte accompagnant cette troupe chantante en solo ou à l’unisson.
Cette réalisation atypique n’a que des vertus tant elle peut satisfaire tous les publics, faire rire à gorge déployée comme développer une analyse sociétale des conséquences désastreuses engendrées par le sentiment paranoïaque de jalousie exacerbée.
Aussi philosophique que drôle, ce spectacle musical se conjugue à la fois sur un registre tonique, affectif, malicieux et même fort subtil.
photos 1 & 2 © Théâtre du petit monde
photos 3 à 5 © Theothea.com
L'ECOLE DES FEMMES / Contes d'Hoffmann - ***. Theothea.com - de Molière / Offenbach - mise en scène Nicolas Rigas - avec Martin Loizillon, Salvatore Ingoglia, Romain Canonnne, Jean Adrien, Antonine Bacquet ou Amélie Tatti, Philippe Ermelier ou Raphael Schwob et Nicolas Rigas ainsi que les musiciens Jacques Gandard ou Karen Jeauffreau, Emma Landarrabilco & Robin Defives - Théâtre Déjazet
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