L’effet Maire
Pas forcément durable …
Le bilan s’affiche, s’expose, se proclame. Chacun y va de son auto-congratulation, prétendant avoir été bien meilleur que les précédents en laissant une trace profonde dans la cité pour laquelle il (ou elle) réclame à nouveau un mandat. Puis les années passant, les échevins se succédant, le brave citoyen ou le touriste de passage, sillonne la ville et observe l’héritage de ceux qui furent un jour aux destinées de l’aménagement.
C’est ce qu’on peut qualifier d’Effet Maire, avec parfois du durable qui aurait mieux fait de prendre au pied de la lettre cette expression tandis que les grands et véritables embellissements sont plus diffus et surgissent bien après la fin du mandat de celui (ou celle) qui est en l’instigateur. Il y a en la matière une formidable injustice du temps qui célèbre souvent le plus futile, le moins pérenne et ignore ce qui laissera un sillon profond.
C’est donc avec une extrême circonspection que vous devez écouter la litanie des réalisations en prenant le temps de flâner dans la ville pour aller juger sur pièce, de ce qu’ils vous ont laissé en héritage. À ce petit jeu, il y a des admirations, des désolations, des aberrations, des confusions qui pour partie rentrent dans l’une de ces cases selon la subjectivité de son auteur.
Si vous acceptez mon regard torve, allons flâner dans Orléans pour juger de l’effet maire en toute partialité, ça va de soi. Quand vous arrivez par la route ou bien le train, le pire vous saute aux yeux. Un centre commercial célébrant le béton dissimule une gare belle mais parfaitement inutile tandis qu’au milieu du rond-point ce qu’on qualifie toujours d’œuvre d’art, vient déjouer les lois de l’équilibre et de l’esthétique.
Poursuivez votre chemin en prenant les boulevards. D’un côté vous découvrirez le Carré Saint Vincent, vaste ensemble inélégant pour accueillir la Culture officielle. De l’autre, c’est la Médiathèque qui impose sa grande masse de verre. Décriée à sa naissance, conspuée même, elle s’impose désormais comme une évidence, preuve que les imprécations d’un temps se retournent parfois contre les contempteurs patentés dont je suis également.
Presque en face, un bâtiment résolument d’avant-garde interroge ou fascine même s’il se trouve totalement engoncé, étriqué même au cœur de vieux immeubles qui gâchent considérablement l’effet escompté. Au bord d’un boulevard toujours encombré, il se noie parmi les automobiles, ne trouvant son génie que lorsque la nuit le libère de ce flot interrompu.
Plongeons alors vers le cœur historique de la ville. La Place du Martroi en est le point de ralliement, la fierté des uns, l’expression même d’un urbanisme froid et sans âme pour d’autres. Qui peut légitimement s'approprier une réalisation, fruit de couches successives sans véritable ligne directrice à défaut de celle du tramway ?
C’est la vieille ville et ce que les bombardements et l’incendie de 1940 ont laissé debout qui fait la fierté légitime de tous. Là encore, malhonnête serait celui qui s’approprie ce résultat, produit d’un plan de longue haleine pour lequel chacun a apporté sa pierre sans en être l’instigateur reconnu.
En filant vers la Loire, un vaste bâtiment qui devait être des halles, a fait le malheur de son créateur. Relayé par des médias complaisants, la polémique a eu raison de cet échevin bâtisseur, les suivants n’ont pas eu la main heureuse en dédiant ce qui était mal conçu au dieu commerce. Ni les uns ni les autres ne devraient se prévaloir d’une telle catastrophe et pourtant, les dernières transformations sont mises au crédit du dernier en poste avec une conception détestable de la ville.
Les bords de Loire ont bien changé. Ils ont gagné en visibilité tout en redonnant partiellement sens à l’histoire de la cité. Celui à qui l’on doit ce merveilleux résultat n’est plus en place. Son successeur s’accapare le mérite sans pour autant trouver réponse pour la grosse maladresse qui a accompagné cet aménagement ; un canal qui ne reste pas en eau dès que le temps passe au beau. Une gabegie sans nom, qui curieusement échappe au devoir d’inventaire.
Le long de ce canal inutile et perméable, un marché couvert a su se mettre au diapason. La belle installation prend l’eau et se fait hôtel des courants d’air ce qui n’empêche nullement tous les prétendants venir faire du démarchage depuis quelque temps pour importuner le chaland. Gare à celui qui viendrait évoquer ces dépenses mal pensées, ces travaux signés sans vérifications réelles.
Pour achever le tour de ces grands travaux qui parfois sont revendiqués dans la seule colonne crédit, allons jusqu’à la Cathédrale pour jeter un œil sur l’hideux institut d’Arts visuels qui vient s’accoler à l’aître du Campo Santo. Coincée entre l’édifice religieux majestueux et le cimetière médiéval, cette verrue ne choque personne et surtout pas ceux qui en furent responsables.
La promenade intramuros trompe singulièrement l’héritage que nous ont laissé nos anciens échevins. En dehors de ce centre protégé, choyé, privilégié, la périphérie constitue manifestement le vilain petit canard pour ces descendants des bourgeois de barrique. Loin du cœur historique pas de salut ni de grande ambition. La Métropole est à ce titre le parent miséreux de cette vitrine éclatante avec des erreurs dont on ne cesse de traîner les conséquences.
J’évoquerai les stades pour les sports collectifs ; celui de la Source qui n’a jamais été pensé pour devenir grand en dépit de frais conséquents pour rapprocher le terrain de la tribune d’honneur tout en l’éloignant par la même occasion de la tribune populaire comme un symbole de l’esprit des décideurs, celui des Montées, réalisation purement esthétique qui n’a jamais été pensée pour s’inscrire dans un projet véritablement fonctionnel et pratique.
Je pense encore aux centres commerciaux qui enlaidissent les abords de ville et ruinent notre Centre-ville. « Cap Satan » est à ce titre le paradigme délirant d’une conception dépassée de la ville. Silence radio, personne ne se réclame de ce legs aux générations futures tout comme ils passent sous silence ces lignes de tramway qui sont si timides qu’elles n’aiment guère sortir des limites de la grande ville. L’ambition a ses limites, celles de ne servir que les meilleurs d’entre-nous.
L’effet Maire en somme est bien illusoire. C’est de la poudre de Perlimpinpin qui est jetée aux yeux forts naïfs des électeurs. Les véritables transformations s’inscrivent dans le temps. Elles ne démontrent leurs bienfaits ou leurs errances que bien longtemps après l’heure des échéances électorales. Soyez donc méfiants quand ils viennent vous vanter leur action. Un inventaire s’impose en prenant une autre échelle de temps que celle d’un mandat.
Architecturalement leur.
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