L’Eglise et les enfants, une longue histoire bouleversante
Avec ses scandales à répétition qui affectent gravement l’image de ses serviteurs, l’Eglise romaine devrait repenser aux messages du Pape François habile jésuite, qui déclarait que « Le célibat est un don que l’Église latine conserve » en reconnaissant aussi que « Sans amis et sans prière, le célibat peut devenir un poids insupportable ». Tout est dit ici sur ce challenge épiscopal que le Pape préside, et dont l’enjeu est de guérir cette gangrène et restaurer la confiance avec ses ouailles.
Pour les croyants, un don peut être adressé ou reçu de Dieu.
Une solution existerait pourtant avec le mariage des prêtres même s’il doit bousculer les coutumes des caciques conservateurs. Si le Pape est le chef des catholiques, son pouvoir repose sur une organisation séculaire qui a permis à l’Eglise de traverser les siècles mais dont le maniement reste subtil.
Les conséquences graves à l’intérieur de la communauté ecclésiastique pourraient provoquer un profond différent entre les pro et les anti mariage tant la tradition s’est imprégnée de cette écrasante offrande des prêtres à leur ministère. Le Pape marche donc sur des œufs.
Ordonnancement de prêtres
Divergente et silencieuse, cette observance du célibat pourrait aujourd’hui présenter une faille pointée par le Vatican qui pourrait faire aussi d’une pierre plusieurs coups ; trouver une solution à la crise des ignominies sexuelles qui tâchent la « profession », régulariser les prêtres séditieux qui ont choisi de vivre avec une femme et de continuer à dire la messe au sein de communautés dissidentes, rassurer les fidèles et favoriser de nouvelles vocations. Prudent le Pape François a commencé en réunissant des évêques d’Amérique du sud pour un synode intitulé « viri probati », ordonner des hommes mariés d’âge mûr en présence de leur femme. Cette pratique oubliée après le XIIe siècle se justifiait par le fait qu’ils avaient passé l’âge de vouloir des enfants et qu’ils n’en avaient plus à charge. L’histoire de ce célibat promulgué vers le IVe siècle, affirmé puis imposé au XI et XIIe s. a eu plusieurs variantes au cours des siècles, notamment avec les nicolaïtes qui refusèrent de s’y soumettre.
Des précédents qui pourraient justifier l’initiative du prélat pour ce qui relève d’une tradition sans fondement doctrinal mais utile pour différencier les clercs des laïcs mariés.
D’autres, réfractaires célèbres comme le Pape Alexandre VI ou Caterina Capretta qui après avoir approché l’ambassadeur de France à Venise est devenue nonne pour avoir été enceinte de Casanova. Ils témoigneraient de leur distance avec la chasteté pour ne l’avoir jamais voulue.
Pour autant le Pape ne se référera pas à des recherches qui ont révélé que Jésus avait été marié à Marie-Madeleine, possiblement par un pharaon, ou amants, quand d’autres évoquaient leurs enfants… La contestation a été formelle et a renvoyé ces chercheurs à leurs chères études.
Quoiqu’il en soit, les conséquences de ces scandales pour les croyants pourraient être lourdes et l’Eglise doit mesurer à quel point leur foi pourrait être fragilisée par les comportements de ceux qui la révèlent. Même si leur nombre devrait rester infime au regard des centaines de milliers de prêtres dans le monde, les actes de ces égarés affectent l’Eglise toute entière et contribuent à entretenir un anticléricalisme qui cherche toujours à s'en nourrir.
Ces affaires récentes ne doivent pas entacher une autre histoire de l’Eglise avec les enfants.
Sans vouloir dissiper les outrages ecclésiastiques du moment, à titre d’exemple des preuves de compassion inégalées du Moyen-Age à nos jours doivent être rappelées au profit de cette majorité d’entre - eux qui mérite notre admiration.
On a oublié le rôle des communautés chrétiennes au fil des siècles, architectes d’une civilisation qu’elles ont contribué à tisser, avec leurs connaissances transmises depuis leurs monastères érudits et en s’éparpillant sur la planète. Elles ont transmis la foi et ces valeurs humanistes aux indigents, dirigeants et à tous ceux qui les suivront pendant deux mille ans.
Les riches écoutaient leurs enseignements dont le salut passait par les œuvres de charité dont ils devaient faire preuve ici-bas. Ainsi Rollin chancelier du duc de Bourgogne s’acquittera de cette obligation en créant son fastueux Hôtel-Dieu (Hospices de Beaune) qui accueillait indifféremment riches et pauvres.
Les religieux s’investissaient eux dans leur mission de bienfaisance au profit des plus nécessiteux, comme Saint Vincent de Paul qui créait à Paris en 1638 « l’œuvre des trouvés » en s’inscrivant dans cette tradition ancienne de l’Eglise qui les retrouvait dans ses églises. Quelques années plus tard le pouvoir décidera la construction de 33 hôpitaux dans le royaume quand l’évêque César d’Estrées décidera un hôpital à Laon pour ses vieillards et orphelins.
Vitrail - Saint-Vincent de Paul
L’accueil des pauvres et des orphelins, une permanence chrétienne, avec le tour d’abandon.
Le pape Innocent III avait fait construire en 1198 la Roue pour enfants trouvés (Ruote dei trovatelli), pendant une période marquée par les nouveaux ordres mendiants de saint François d'Assise qui épousaient « Dame Pauvreté ».
Saint-François d’Assise - Caravage 1606
Ce dispositif permettait aux mères d’abandonner discrètement leur enfant en des temps où les infanticides se répandaient chez des parents dans l’impossibilité de les prendre en charge.
Au XVIIIe s. la société est divisée entre ceux qui ont un travail et les miséreux migrants, mendiants et prostituées… avec un nombre croissant d’enfants laissés aux institutions catholiques qui s’en occupaient. Le tour d’abandon deviendra une amélioration du système de la roue avec une porte coulissante orientée vers l’extérieur du bâtiment qui ouvrait le tour dans lequel était disposé le nouveau-né. L’ensemble tournait jusqu’à ce que la porte soit orientée à l’intérieur. Une cloche activée par la mère qui s’éloignait discrètement, informait les religieux de l’arrivée d’un petit orphelin dans le tour d’abandon.
A Provins, de 1811 à 1859 le tour d’abandon de l’Hôpital général a recueilli 1258 enfants qui seront pris en charge par des religieuses. On mesurera leur importance quand en 1861 on considérera que le tour d’abandon incitait à l’abandon et qu’on les supprimera. Les infanticides augmentèrent alors dans la même proportion. En France les tours d'abandon furent officiellement abolis en 1904.
En 1793 une loi confiait l’éducation physique et morale des orphelins aux hospices civils, une intention louable de l’Etat qui ne suffira pas. En 1852 des orphelinats appelés « Maisons d’enfants de Saint-Vincent de Paul » seront conduits par la « Congrégation des filles de la Charité » qui accueilleront bénévolement les enfants nécessiteux, legs et dons assureront son fonctionnement. En août 2016 elle était encore reconnue d’Intérêt général par l’Administration fiscale.
Avec Henri II (1556) l’obligation de déclarer les naissances, avait responsabilisé les mères même dans l’incapacité de subvenir aux besoins de leur enfant. Les naissances discrètes se multipliaient pour permettre un abandon sans poursuite dans les églises .
« Le 2 Septembre 1941 le régime de Vichy adoptera un décret de loi visant à la protection de l'enfant, la gratuité des frais d’hébergement des mères et légalisera l'accouchement anonyme » (Sénat).
L’accouchement sous X était né.
Sans effet pour autant sur le sort des nouveau-nés, des orphelinats et des institutions religieuses.
En 1954, avec son mouvement Emmaüs l’abbé Pierre incarnera cette priorité chrétienne, la charité. Sœur Emmanuelle une célèbre belge chiffonnière « petite sœur des pauvres » en Egypte sera admirée plus tard pour avoir porté haut cette mission. Mère Térésa sera canonisée pour ses œuvres à Calcutta...
D’autres, décapités à Tibhirine en Algérie, auront fait le sacrifice de leur vie pour avoir eu la même volonté.
Autant de réalités ecclésiastiques que l'Eglise devra sauver de l'opprobre avec des réformes attendues.
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