L’enfant de Kaboul de Barmak Akram
L’enfant de Kaboul sort ce mercredi 29 avril sur nos écrans, après avoir été présenté au Festival du film asiatique de Deauville. Plus qu’un film, il s’agit d’un documentaire qui saisit sur le vif le quotidien dans une ville et un pays ravagés par la guerre.
Dans l’agitation de Kaboul, ville tout ensemble remuante et fantomatique, Khaled, chauffeur de taxi, prend en charge une femme vêtue de sa burka. D’elle, il ne remarque que deux choses : elle est grande et elle a un grain de beauté sur la cheville gauche. Lorsqu’elle descend de sa voiture et se perd dans la foule, elle laisse sur le siège arrière son bébé de quelques mois, enveloppé dans ses langes. Le film va nous conter alors les trois jours que Khaled va vivre pour tenter de retrouver la mère et l’évolution de ses sentiments qui vont, au fil des heures, osciller entre abandon et adoption. En effet, Khaled a cinq filles et pas de fils et comme le lui font remarquer ses amis : Khaled, dans quelques années, cet enfant sera une aide pour toi.
Le scénario, auquel a participé Jean-Claude Carrière, est mince et le film pourrait très vite tourner en rond, mais Barmak Akram, avec ce premier long métrage L’enfant de Kaboul ( Kabuli Kid ), nous offre son œil de cinéaste pour nous faire visiter sa ville natale et nous permettre de la découvrir autrement qu’au journal télévisé de 20 heures. Après vingt-cinq années de guerre, le décor est brut de brut, tout en plaies et bosses, noyé en permanence dans un nuage de poussière blanche... ou grise, tandis que le fond sonore est assuré par les bruits de rues, les klaxons, les appels des passants, les invites des commerçants ambulants et la musique contemporaine qui a enfin, après les années de silence imposées par les talibans, droit de cité en Afghanistan.
Les spectateurs que nous sommes deviennent ainsi les témoins de ces existences rudes, de ces vies saisies sur le vif où règnent la débrouille mais également la misère quotidienne : ici des enfants orphelins, là des amputés et partout des femmes bleues, longues silhouettes qui avancent d’un pas rapide comme si elles avaient autant peur d’elles-mêmes que des autres. Grâce à Khaled nous entrons au sein d’une famille : dans une modeste cambuse vivent le vieux père, l’épouse et les cinq filles. Femme et filles soumises qui savent néanmoins jouer, rire, solliciter un petit présent, et servir les hommes avec grâce et discrétion. Incursion dans le quotidien de ces gens ruinés, en état de survie, dans un pays totalement désorganisé, un chaos indescriptible, l’amoncellement des ruines et où le statut de la femme est le pire qui soit. On se rend compte, à contempler cette immense misère, combien il est préférable d’avoir un fils en Afghanistan. Aussi l’arrivée incongrue de cet enfant mâle dans la famille de Khaled pourrait-elle changer la donne. Tous en sont conscients.
Le film permet également de côtoyer différentes institutions avec un regard amusé : l’orphelinat où le manque de moyens invite aux compromis, Radio-Kaboul et ses misérables locaux, enfin les ONG qui tentent, autant que faire se peut, d’apporter une aide aux familles et, principalement, aux enfants. Si bien que ce long métrage est peut-être davantage un documentaire qu’un film. Pas d’histoire émouvante mais un constat, une réalité qui est l’Histoire en elle-même, un voyage, un récit, un témoignage, rythmé par l’ordinaire des jours, une fatalité qui semble parfois esquisser un sourire.
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