L’étrange destin de Wangrin
Amadou Hampaté Bâ est un auteur malien. Une raison de plus pour en parler un peu aujourd’hui.
Lorsque j’ai acheté ce livre d’Hampaté Bâ, dans une brocante en 1992, je ne connaissais rien de lui ; je crois. J’avais été attiré par le titre : L’étrange destin de Wangrin et par la couverture de l’édition 10/18 : la reproduction d’une statue bambara.
Je crois en avoir parlé à un ami africain. Il m’en avait dit le plus grand bien. Je l’ai lu deux ans plus tard.
« Ce livre est le fruit d’une promesse, faite à un homme que je connus en 1912. »
« Maintenant que tu sais écrire, tu vas lorsque je ne serai plus de ce monde, tu en feras un livre qui non seulement divertira les hommes, mais leur servira d’enseignement.
Je te demande expressément de ne pas mentionner mon vrai nom, fin d’éviter à mes parents tout risque de complexe de supériorité ou d’infériorité…
Tu utiliseras l’un de mes noms d’emprunt, celui que j’affectionne les plus : Wangrin. »
C’est ainsi que Amadou Hampaté Bâ présente son livre dans sa préface. Puis le personnage :
« Eminemment intelligent, Wangrin était truculent au superlatif absolu. Il était tout à la fois on ne peut plus superstitieux et farouche incrédule à ses heures. Concussionnaire implacable et même parfois féroce avec les riches, il n’avait jamais cessé d’être un cœur tendre et charitable, constamment enclin au service des pauvres. »
Tout cela donne un récit de 400 pages qui ne ressemble à rien. A rien de ce que j’avais lu jusqu’alors. Un peu comme quelques années plus tôt, lorsque j’avais vu quelques de film de Jean Rouch. En particulier Petit à petit… Un rapport au temps… Un rapport aux blancs… aux toubab… Ce mot arabe étant le pluriel de toubib (je l’ai appris en lisant Hampaté Bâ)
Hampaté Bâ écrit un français très académique. Comme il est aussi imprégné de la culture africaine du conte, ça donne des tournures comme ça :
« Le petit Wangrin poussa le sempiternel vagissement pour annoncer son entrée dans ce monde déroutant où chacun vit au prix de mille et une indispositions et dont personne ne sortira vivant.
« Cette coiffure ridicule ne faisait pourtant rire personne. Bien au contraire, elle inspirait la peur. C’était en effet la coiffure officielle et réglementaire ces fils de démons venus de l’autre rive du grand lac salé et qui, avec leurs fusils qui cassent en deux et se bourrent par le cul, avaient mis quelques années pour anéantir les armées du pays et assujettir tous les rois et leurs sujets. »
Plus tard, à la télé, je crois, j’ai aperçu Hampaté Bâ dans un reportage ancien. Il y racontait comment les villageois faisaient à l'explorateur les témoignages que celui-ci désirait entendre afin de lui complaire. Ces témoignages n'étaient pas spontanés. Ils étaient mis en scène par le conseil des sages qui souhaitait ne pas contrarier le colonisateur.
J’aime bien cette forme d’humour noir.
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