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L’œuvre de Chris Kraft, pionnier de la conquête spatiale, mort à 95 ans

Une légende s’en est allée le 22 juillet dernier... Christopher Colombus Kraft n’est pas connu du grand public, sauf peut-être aux Etats-Unis où il fait figure de héros national. Et pourtant le monde entier a vu son œuvre sans se douter qu’il était derrière. Tout le monde connaît le fameux « Houston, on a un problème » lancé par l’équipage d’Apollo 13. Houston, c’est lui.

 

L’inventeur du centre de contrôle de mission


 

Chris Kraft a en effet créé le concept même de centre de contrôle de mission, en a élaboré la philosophie, les règles, procédures et fonctionnement, et ce à une époque où aucun humain n'était encore allé dans l'espace. C’est son œuvre, son apport majeur à la conquête spatiale. Pour nous le concept d’un centre de contrôle va peut-être de soi et il nous semble naturel qu’une équipe dirige la mission spatiale depuis le sol. Et pourtant ce n’était pas le cas à l’époque des débuts de la conquête spatiale. A vrai dire l’on avançait dans l’inconnu et la seule question qui se posait était : comment faire en sorte que la mission se déroule bien du début à la fin ? Comme en témoigne l’un de ses premiers disciples, Gene Kranz, autre directeur de vol légendaire, Kraft faisait partie des 36 membres originaux du Space Task Group (un groupe d’ingénieurs de la Nasa chargés d’élaborer les premières missions spatiales), ils exerçaient un travail que personne n’avait fait avant eux. Il se rendit compte que quelqu’un devait avoir la responsabilité des efforts au sol et il se proposa de le mener.

Il développa donc l’idée qu’une équipe au sol surveille le vol, en récolte les données et donne les instructions tout en restant en communication avec l’astronaute. Chaque contrôleur de vol a une spécialité et s’occupe d’un système précis (par exemple «  booster  » pour la propulsion, « retro » pour retrofire officer, qui a la responsabilité de faire revenir la capsule avec notamment les rétro-fusées), sous l’égide d’un directeur de vol (Flight pour Flight director) à qui revient la responsabilité du vol et les grandes décisions.

Cela prit d’abord la forme du centre de contrôle Mercury durant le programme du même nom. La salle de contrôle était alors sur le lieu du décollage, à Cap Canaveral. Avec le programme Gemini le centre déménagea à Houston, le centre des vols habités. Après Gemini vinrent Apollo puis la navette spatiale et la Station Spatiale Internationale. Le concept a perduré jusqu’à aujourd’hui et est prêt à accueillir les futures missions de la Nasa.

Le rôle du mission control fut capital. Par exemple l’alunissage d’Apollo 11 dont nous célébrons le cinquantenaire et qui vit les premiers pas de l’Homme sur la Lune fut réussi de justesse (problème radar, alarmes intempestives, manque de carburant) et les contrôleurs de vols y sont beaucoup dans le succès de la manœuvre. Autre exemple illustre avec Apollo 13 où ce sont les équipes de Houston qui ont organisé le sauvetage. Mais ce ne sont là que les moments les plus critiques, les plus connus du public, alors que derrière chaque succès ou difficulté se cache une équipe professionnelle et soudée maîtrisant son sujet sur le bout des doigts.


 

L’héritage de Chris Kraft

 

Mais Kraft fut aussi un directeur de vol hors pair, le premier de la NASA, et sa façon d’aborder son rôle définit dans ses grandes lignes le rôle et les prérogative du directeur de vol pour longtemps. L’un des moments charnières fut le vol de John Glenn en 1962. Une anomalie surgit alors que Glenn était en orbite : la télémétrie indiquait que le bouclier thermique avait été largué. Normalement ce dernier était largué juste avant de toucher la mer afin de laisser place à des ballons de flottaison. Une solution était à portée : sanglées au bouclier, trois rétrofusées étaient utilisées pour ralentir la capsule Mercury et la faire entrer dans l’atmosphère, dispositif qui était ensuite largué avant la rentrée atmosphérique. Tout simplement on ne larguerait pas le dispositif et les sangles maintiendraient le bouclier sans lequel John Glenn était voué à une mort certaine. Le désavantage est que personne ne connaît le comportement aérodynamique de la capsule avec le dispositif toujours amarré, et qu’en fondant ou brûlant il pourrait endommager la capsule, sans parler du risque d’explosion s’il restait des traces d’explosifs. Kraft était donc résolument contre, d’autant plus qu’il soupçonnait une erreur de télémétrie et que le bouclier était bien en place… L’indice que le bouclier soit détaché était bien faible pour prendre un tel risque.

Un débat acharné eut lieu mais Kraft étant minoritaire. C’est finalement le directeur des opération de vol, son supérieur hiérarchique, qui prit la décision de laisser les rétro-fusées.

Après le vol il apparut qu’il y avait bien eu une erreur de télémétrie et qu’on avait fait courir un risque à Glenn pour rien. A partir de ce moment Kraft ne laissa plus jamais décider ses supérieurs : ses ingénieurs et lui sont plus au fait de ce qui se passe dans le vol, et auraient désormais l’autorité absolue en matière de vol. Le directeur de vol tel qu’on le conçoit jusqu’à Apollo était né.*

 

Une carrière bien remplie

 

Kraft est arrivé aux tous débuts du programme spatial américain, avant même la création de la Nasa en 1958. Il a en effet rejoint le Naca (National Advisory Committee for Aeronautics) qui est l’ancêtre de la Nasa dès 1944 et le Space task group en 1958 . Il sera ensuite directeur de vol sous Mercury et Gemini avant de prendre un autre rôle sous Apollo : directeur des opérations aériennes. Cette responsabilité ne lui laissera plus le loisir de retourner à la console de directeur de vol. Il est nommé directeur adjoint du centre des vols habités à Houston et en devient le directeur en 1972. Il occupe ce poste jusqu’en 1982.

Kraft aura également, il faut le noter, participé à la réunion où fut choisi le premier homme à marcher sur la Lune. Comme haut fait d’armes, il aura aussi été appelé en urgence par Gene Kranz immédiatement après l’explosion du réservoir d’oxygène numéro 2 du module de service d’Apollo 13. Il prit part à la décision de la procédure à suivre pour ramener l’équipage sur Terre, notamment en leur faisant contourner la Lune.

Gene Kranz le décrit comme un leader hors-pair, mais pas dans le genre de celui qui s’impose immédiatement. Il assoit son autorité pas à pas, grâce à ses compétences, mission après mission, succès après succès.

C’est un homme tenace, parfois capable d’échanges corsés pour défendre son raisonnement, mais qui a aussi l’humilité de s’effacer lorsqu’il le faut. Ainsi lorsqu’il se trouva à son tour comme supérieur hiérarchique des directeurs de vols et bien qu’en désaccord avec eux, il eut l’humilité de leur laisser la décision finale, ce qu’il fit à plusieurs reprises durant les missions Apollo.

 

Kraft aura marqué la conquête spatiale de son empreinte à tous les postes qu’il a occupé. Kraft fait partie des pionniers de la conquête spatiale au même titre que Shepard ou Glenn, et avec cette figure qui nous quitte c'est la Lune qui est encore un peu plus loin à l’heure où cinquante années après nous n’y sommes toujours pas retournés.

 

*Pour plus de détails : Failure is not an option de Gene Kranz, chez Simon & Schuster

 


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6 réactions à cet article    


  • Séraphin Lampion Séraphin Lampion 27 juillet 2019 08:34

    « Tout le monde connaît le fameux « Houston, on a un problème » lancé par l’équipage d’Apollo 13. Houston, c’est lui.  »

    Il a vendu les droits combien à Stanley Kubrick pour le remake ? 

    lien


    • berry 28 juillet 2019 00:24

      Encore un article de propagande, écrit par un auteur anonyme sorti de nulle part. Je n’en crois pas un mot.

      En 1969, ces tas de boue appelés LEM sont censés s’être posés sur la lune à 6 reprises avec des astronautes :

      https://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/alsj/a16/AS16-113-18332HR.jpg

      https://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/alsj/a17/AS17-134-20463HR.jpg

      https://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/alsj/a11/AS11-40-5922HR.jpg

      50 ans après, Space X essaie de mettre au point sa fusée pour aller sur la lune et sur Mars, dans une débauche de flammes et de fumées.

      Prière de ne pas rire :

      https://www.lesnumeriques.com/spatial/spacex-starhopper-un-petit-bond-de-20-metres-une-grande-satisfaction-pour-musk-n138681.html

      Cet essai raté sur terre nous est présenté comme le summum de la technologie spatiale américaine d’aujourd’hui.

      Comment peut-on imaginer qu’il ait réussi il y a 50 ans sur la lune, à six reprises, dans des conditions autrement plus difficiles.

      Tout cela n’a pas de sens.


      • Francis, agnotologue JL 28 juillet 2019 08:42

        Pourquoi la NASA après son éclatante réussite et dans les délais prédits par Kennedy sur la base du « yes we can » de ses dirigent de l’époque, a-t-elle poursuivi le programme Apollo si coûteux pendant tant d’années ?

         

        La question mérite d’être posée, puisqu’il n’y avait rien à y faire, ce sont eux-même qui l’ont dit ... mais seulement après avoir continué à dépenser, en vain donc, un pognon de dingue.

         

        J’ai ma petite idée, et je me ferai un plaisir de la développer ici, si ça intéresse quelqu’un.


        • berry 28 juillet 2019 09:25

          @JL
          L’argent a du être dépensé ailleurs, dans des programmes top secret de l’armée américaine ; par définition ces programmes ne peuvent pas être financés sur le budget officiel du ministère de la défense.
          La CIA a pu récupérer une partie du magot pour ses opérations de subversion et de corruption à l’étranger, là aussi les sommes dépensées ne peuvent pas être justifiées devant le Congrès et l’opinion publique.


        • Francis, agnotologue JL 28 juillet 2019 09:45

          @berry
           
          La question n’est pas là.
           
          La question est : comment ont-ils pu obtenir des crédits pour, officiellement poursuivre un programme si couteux et qui ne menait à rien.
           
          Qui ne menait à rien en effet, tant officiellement que mensongèrement : 
           
          officiellement : la mission était terminée, à savoir aller sur la lune avant la fin de la décennie, et il n’y avait plus rien à y faire.
          mensongèrement selon votre propre hypothèse : on aurait montré des images bidons et dépensé l’argent ailleurs.

           Mon hypothèse : ils n’ont pas réussi en 1969, et la NASA a argumenté que les Russes pouvaient y arriver avant eux et feraient éclater le scandale. Il fallait donc continuer les tentatives jusqu’à la réussite qui apporterait une preuve a posteriori peut-être, mais irréfutable qu’ils avaient réellement posé le pied sur la lune.
           
           De guerre lasse, et comme plus personne ne s’y intéressait, ils ont fini par épuiser la crédulité des bailleurs de fonds, du Congrès. Et c’était raisonnable, puisque les technologies de l’époque n’étaient pas suffisamment développées.


        • berry 28 juillet 2019 13:24

          @JL
          Les membres du Congrès ont suivi les consignes de leur parti et ont approuvé le budget présenté par le président et son gouvernement, c’est classique.
          A mon avis, les américains n’avaient rien à craindre des russes, ils se sont certainement arrangés avec eux. Ils devaient les tenir et les faire chanter sur d’autres sujets, par ex. les conditions de la mise sur orbite de Gagarine et de sa rentrée sur terre sont plus que suspectes (sa capsule s’est écrasée et il aurait sauté en parachute), sa mort par accident quelques années plus tard ressemble à la liquidation d’un témoin gênant.
          Les difficultés techniques pour aller sur la lune étaient certainement majeures à l’époque. Elles le sont encore aujourd’hui, par ex. pour déposer un robot sur Mars, les américains ont utilisé des airbags ! Pas très hi-tech, n’est-ce pas ?
          https://fr.wikipedia.org/wiki/Mars_Exploration_Rover#Le_module_d’atterrissage
          Les fusées qui se posent et redécollent à volonté, comme l’auraient fait les LEM, ne sont toujours pas au point en 2019 (voir vidéo plus haut).
          Les ceintures de Van Allen ne peuvent toujours pas être traversées, d’après l’avis de ce spécialiste :
          https://www.youtube.com/watch?v=aGiJ21rgIDI
          50 ans après, les technologies ne sont toujours pas au point, multiplier les tentatives au début des années 70 ne pouvait donc rien y changer.
          Pourquoi avoir fait 6 alunissages au lieu d’un seul ? Peut-être pour faire durer l’opération de propagande. Cet article du Saker fait remarquer que le programme Apollo a cessé après la fin officielle de l’engagement des États-Unis en Asie du Sud-Est, c’est peut-être l’explication :
          https://lesakerfrancophone.fr/lalunissage-un-canular-geant-pour-lhumanite

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Auteur de l'article

Luc Legrand


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