L’opéra est italien !
Les Italiens ne seront jamais détrônés de leur rang de dieux incontestés de l'opéra ! Il suffit d'écouter l'air "Va, pensiero" de l'opéra Nabucco de Verdi pour être édifié. Quand j'écoute cet air sublime et transcendant, j'entends le message suivant : "les Italiens sont les rois de l'opéra et jamais aucun peuple ne les détrônera !" Cet air d'opéra est un hymne à la liberté des peuples. Il sera adpaté pour Nana Mouskouri qui chantera "Je chante avec toi Liberté". Mais, outre, qu'il s'agit d'un air de nostalgie de la patrie perdue et d'une prière pour la liberté, c'est aussi un hymne pour l'Italie éternelle et (mon avis) pour son opéra.
Remontons dans le temps, dès le XVIème siècle, Haendel compose des opéras italiens et compose l'air magnifique "Lascia la spina, cogli la rosa" ("Laisse l'épine, cueille la rose"). L'air est tellement au-delà de tout ce que l'on a entendu jusque-là que le compositeur ne sait lequel de ses opéras le mérite. Il va le tester dans plusieurs de ses opéras. Puis, en 1711, son opéra « Rinaldo » (Renaud) l'inclut et remporte un tels succès que, depuis ce temps, l'air est connu sous son titre raccourci : « Lascia ch'io pianga ».
I - L'EMOTION COLLECTIVE
Extraits des textes
Va pensiero (Verdi) - Ecouter sur YouTube
Va, pensiero, sull’ali dorate ;
Va, ti posa sui clivi, sui colli,
Ove olezzano tepide e molli
L'aure dolci del suolo natal !
Va, pensée, sur tes ailes dorées ;
Va, pose-toi sur les pentes, sur les collines,
Où embaument, tièdes et suaves,
Les douces brises du sol natal !
Lascia ch'io pianga (Haendel) - Ecouter sur Youtde la version de Philippe Jaroussky.
Lascia ch'io pianga
mia cruda sorte,
e che sospiri
la libertà.
Il duolo infranga
queste ritorte,
de' miei martiri
sol per pietà.
Laisse-moi pleurer
sur mon sort cruel,
et soupirer
à la liberté.
Que la douleur brise
ces chaînes,
de mes martyres
juste par pitié.
L'opéra italien a aussi exprimé son génie dans des oeuvres joyeuses.
C'est ainsi que le bon vivant compositeur Rossini (il a donné son nom à de nombreux plats dont le "tournedos Rossini), adapte la comédie "Le Barbier de Séville ou la Précaution inutile" de Beaumarchais. L'ouverture de l'opéra est restée célèbre grâce à sa mélodie. Et l'air très dynamique de Figaro reste dans toutes les mémoires comme un moment de pur bonheur : « Largo al factotum ».
Figaro est un homme à tout faire, un factotum. Ses responsabilités sont multiples et écransates mais il demeure d'un tempérament italien et il chante tout le temps. Il paraît insouciant mais ne l'est pas. Sa bonne volonté ne laisse jamais transparaître le moindre découragement. Il est heureux de faire ce métier. L'écouter suffit à s'en rendre compte.
Largo al factotum (Rossini) - Ecouter sur YouTube
Ah, che bel vivere, che bel piacere
Che bel piacere, per un barbiere di qualità, di qualità (...)
Ah, quelle belle vie, quelle vie plaisante
Quelle vie plaisante pour un barbier de talent ! (...)
II - JOIE ET FRIVOLITE
On trouve aussi dans Rigoletto de Verdi de la bonne humeur. L'oeuvre a été composée d'après la pièce de Victor Hugo « Le roi s'amuse ». Mais il s'agit cette fois de légéreté volage. Ce n'est plus Figaro et son amusement dans le travail, c'est le divertissement ambivalent d'aristocrates et de courtisans. La "cuisse légère" peut on dire même et d'ailleurs c'est l'idée qui accompagne l'air le plus connu :
La donna è mobile (Verdi) - Ecouter sur YouTube la version d"Andrea Bocelli.
La donna è mobile.
Qual piuma al vento,
muta d'accento e di pensiero.
Sempre un amabile,
leggiadro viso, in pianto o in riso
è menzognero.
La femme est changeante
Telle une plume au vent,
Elle change de ton et d'idée
Gracieux visage
En pleurs ou en rire
Est mensonger (...)
On trouve plus encore cette légèreté presque immorale dans Rigoletto, toujours de Rossini. Rigoletto a été composé d'après le roman d'Alexandre Dumas fils, « La Dame aux camélias » (1848). Une fois encore, c'est la littérature française qui inspire l'opéra.
C'est l'histoire d'un jeune homme issu d'une bonne famille provençale qui tombe amoureux d’une courtisane en vue (euphémisme de l'époque) lors d’une soirée privée à Paris. L'air joyeux du premier acte ("Libiamo, ne' lieti calicine") ne laisse aucun doute sur le mode de vie que mènent les protagonistes :
Libiamo, ne' lieti calici (Buvons joyeusement dans ce verre)
Alfredo :
Libiamo, libiamo ne' lieti calici
Che la bellezza infiora.
E la fuggevol, fuggevol ora
S'inebrii a voluttà.
Libiamo ne' dolci fremiti
Che suscita l'amore,
Poiché quell'occhio al core
Onnipotente va.
Libiamo, amore, amore fra i calici
Più caldi baci avrà. (...)
Alfredo :
Buvons, buvons joyeusement [le vin] de ces coupes.
Que la beauté fleurisse ,
Et que l'heure fugitive
S'enivre de volupté.
Buvons dans les doux frissons
Que suscite l'amour,
Puisque ces yeux tout-puissants
Percent le cœur.
Buvons ! l'amour, l'amour entre les coupes
Aura des baisers plus ardents. (...)
III - L'ESPRIT DE LA BOHEME
Après tant de joie et d'insouciance, le drame revient avec Pucchini, le compositeur qui émeut le plus les foules, y compris les mélomanes qui écoutent peu l'opéra. La Bohème touche chacun parce qu'elle conte l'histoire de gens très simples, simples et généreux, épris d'entraide jusqu'au sacrifice. Un jeune homme pauvre (un poète) rencontre une jeune fille pauvre (malade). Ils vont s'aimer dans le Paris des artistes. Une bande d'amis les entoure. Cet opéra se regarde comme un film et l'on est très ému, surtout à la fin où l'on ne peut que pleurer.
Rodolfo se saisit de la main de sa voisine et, une fois ce premier contact physique établi, se présente comme poète et lui déclare tout son amour. Cette première scène est déjà émouvante au plus haut point car elle résonne en chacun de nous ; elle rappelle les amours naïves de jeunesse. Sauf qu'ici, le destin s'est glissé dans l'histoire dès le début : la "main froide" annonce la mort future de la jeune fille...
Rodolfo - Ecouter la version de Roberto Alagna
Che gelida manina,
se la lasci riscaldar.
Cercar che giova ?
Al buio non si trova.
Quelle petite main gelée !
Laissez-moi donc la réchauffer.
À quoi bon chercher ?
Dans l'obscurité, on ne la trouvera pas.
Je mets ici un extrait de la réponse de Mimi et seulement en français mais on trouvera la version bilingue sur Wikipédia.
Mimi - Ecouter sur YouTube
On m'appelle Mimì,
Et j'en ignore le pourquoi.
Seule, je me prépare
pour moi-même mon déjeuner.
Je ne vais pas toujours à la messe,
Mais je prie beaucoup le Seigneur.
Je vis seule, toute seule.
Depuis une petite chambre blanche,
Je regarde les toits et le ciel.
Mais lorsqu'arrive le dégel
Le premier soleil est à moi,
Le premier baiser d'avril est à moi.
Quand bourgeonne une rose dans un vase,
Feuille après feuille, je la guette.
Comme il est léger, le parfum d'une fleur !
Mais les fleurs que je fais,
Hélas !, n'ont pas d'odeur.
Je ne saurais vous en dire davantage sur moi.
Je suis votre voisine
Qui, à une heure indue, vient vous importuner. (...)
Ecouter le final poignant et tragique (Alagna au sommet de son art).
Je reste convaincu que les Italiens sont nés pour le chant et pour l'opéra. C'est le peuple élu de l'émotion pure et vraie, proche de l'humanité la plus profonde. Je termine ici mon modeste hommage mais je ne vous quitte pas sans quelques conseils d'écoute :
Gaetano Donizetti : « Regnava nel silenzio » (« Il régnait en silence », de l'opéra Lucia di Lammermoor, acte I, 7) : texte bilingue.
« Una furtiva lagrima », par Pavarotti.
Madame Butterfly de Puccini : L'air de Butterfly « Un bel dì, vedremo », Coro a boca cerrada (chœur à bouche fermée).
Illutration : La Scala de Milan
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