« L’un de nous deux » Blum & Mandel en tête-à-tête au Petit Montparnasse
Georges Mandel & Léon Blum sont réunis dans une petite maison près du camp de Buchenwald en 1944 alors que le débarquement des alliés en Normandie vient de s’effectuer.
Livrés par le maréchal Pétain aux Allemands comme otages, une épée de Damoclès est suspendue au-dessus de la tête de ces deux hommes politiques de la IIIème République.
Respectant quasiment la règle des trois unités, la pièce de Jean-Noël Jeanneney organise de fait, à travers eux, une confrontation verbale fictive entre droite et gauche traditionnelles rassemblées sous les bannières tutélaires respectives de Clemenceau et Jaurès .
Il va sans dire qu’en la circonstance, un combat commun les rend réfractaires à toute idéologie collaborationniste avec l’ennemi.
Sous la surveillance ambivalente d’un soldat nazi (Simon Willame), ils apprendront par celui-ci, en cours de captivité, l’assassinat de Philippe Henriot, secrétaire d’Etat à l’information et à la Propagande du gouvernement Laval et ainsi, en conséquence, que l’un d’entre deux devrait être prochainement exécuté par représailles.
L’éditorialiste Christophe Barbier et le metteur en scène Emmanuel Dechartre incarnent ces figures emblématiques de l’Histoire contemporaine dans une valse à plusieurs temps où les arguments rhétoriques se confrontent à un humour latent que les deux hommes prennent un malin plaisir à cultiver pour mieux éloigner le spectre du désarroi face à l’issue tragique imminente de l’un ou l’autre et ce, donc, malgré la victoire des forces alliées annoncée ou pressentie.
A la suite des guerres mondiales du XXème siècle, leur bras de fer, croisé avec d’autant plus de conviction qu’il pourrait servir de doctrine diplomatique et stratégique dans l’art de gouverner et de maîtriser les rapports de forces politiques, leur apparaît davantage comme un passionnant jeu de société pour lequel ils s’impliquent de manière duelle que comme un passe-temps destiné à combler une situation vainement subie.
A l’un ancien président du conseil, le relativisme et le compromis comme outil de manœuvre, à l’autre ex-ministre de l’intérieur, la table rase pour reconstruire avec efficacité, les deux méthodes ayant fait leurs preuves tout en ayant chacune démontré également les limites de leur potentiel.
C’est donc bel et bien contraints par l’insolite autoritarisme de leur geôlier que Blum et Mandel se quitteront… mais en pleine fraternité d’esprit et de motivation patriotique.
Ainsi se refermera cette salle de séjour confortable, où trônaient notamment une table de billard, deux postes de TSF de générations différentes accompagnés de quelques meubles et autres sièges parmi lesquels les trois comédiens auront évolué en premier plan d’un dispositif mural de visuels contextuels.
Si aujourd’hui Emmanuel Dechartre vient d’accéder à la retraite de ses responsabilités institutionnelles, pour Christophe Barbier, c’est désormais l’accès à la cour des grands ou plus exactement celle des comédiens professionnels qui s’ouvre à lui puisque celui-ci pratique assidûment le théâtre amateur depuis sa jeunesse.
Cette rencontre au sommet sur les planches du Petit Montparnasse sonne comme une étape symbolique dans ces deux carrières théâtrales s’entrecroisant sur un piédestal commun façonné sur mesures par la mise en scène fédératrice et ludique de Jean-Claude Idée.
photos 1 à 3 & 5 © J. Stey
photos 4 & 6 © Theothea.com
L'UN DE NOUS DEUX - ***. Theothea.com - de Jean-Noël Jeanneney - mise en scène Jean-Claude Idée - avec Christophe Barbier, Emmanuel Dechartre & Simon Willame - Théâtre du Petit Montparnasse
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