La bande dessinée exposée au Louvre
« Le petit dessein », première
exposition que le musée du Louvre consacre à la bande dessinée, vient de fermer
ses portes. Sans conteste, la tenue de cet événement dans le plus grand musée
français est considérable. Pourtant, la BD accrochée aux cimaises des musées
n’est pas une nouveauté en soi. Quelle importance convient-il donc de donner à
cette initiative du Louvre ?
La genèse de cette exposition se situe dans un projet plus ancien. En 2005, les éditions du musée du Louvre et Futuropolis, se sont associées pour publier des albums de bande dessinée prenant le musée pour cadre. Nicolas de Crécy inaugura la collaboration avec Période glacière. Suivirent ensuite Les Sous-sols du Révolu de Marc-Antoine Mathieu en 2006, puis Aux heures impaires de Eric Liberge en 2008. Le ciel au dessus du Louvre de Bernard Yslaire et Jean-Claude Carrière (co-scénariste) clôturera cette première salve de livres en mai prochain. Une nouvelle série d’albums est d’ores et déjà prévue avec, en premier invité, l’auteur de manga Hirohiko Araki.
« Le petit dessein » est donc avant tout le bilan de cette expérience. Mais cela ne va pas sans difficultés. Par les statuts de l’institution, les collections du musée du Louvre se limitent aux œuvres antérieures à 1848. Cette règle est parfois transgressée, mais dans des situations très exceptionnelles (Athanor, œuvre de l’artiste contemporain Anselm Kiefer est ainsi entrée dans les collections du musée par le biais de la commande publique). Si la bande dessinée a bien fait une incursion au Louvre, ce n’était donc que temporaire puisque les œuvres n’ont pas intégré les collections.
Néanmoins, exposer des planches de bande dessinée dans ce musée historique est une reconnaissance : cela place cet art encore jeune dans la filiation des maîtres de la peinture. Il est donc regrettable que la Salle de la Maquette, très éloignée de la Grande Galerie, ait été choisie pour abriter l’événement. Pourquoi ne pas avoir préféré la salle d’exposition des arts graphiques, plus à même de motiver le va et vient entre les collections de peintures et les planches exposées à la manière des Contrepoints[1] ? Ce choix n’aurait pas été incongru, car dans la topologie des musées, la bande dessinée entre dans le domaine du dessin (à l’exception des œuvres de Bernard Yslaire, réalisées sur ordinateur et diffusées sur écrans). Pour la présenter, les commissaires et le scénographe (Marc-Antoine Mathieu, l’un des artistes exposés) ont d’ailleurs respecté les règles de conservation préventive[2] des œuvres sur papier.
Malgré tout, l’affectation de cette Salle de la Maquette à la présentation de bande dessinée est symboliquement forte. C’est en effet dans ce lieu que se sont tenues les expositions d’artistes contemporains majeurs : Jean-Luc Moulène, Mike Kelley, Sarkis… D’une certaine manière, le Louvre inclut donc les auteurs de bande dessinée dans l’art contemporain ; sans aller trop loin cependant puisque le commissariat de l’exposition est assumé par Fabrice Douar et Sébastien Gnaedig, respectivement responsable des éditions du Louvre et directeur éditorial de Futuropolis, et non par Marie-Laure Bernadac, chargée de mission pour l’art contemporain au Louvre.
Lorsque l’on songe aux grandes expositions présentées au Centre Pompidou (Hergé), au musée d’art contemporain de Lyon (Quintet), ou encore au musée d’art et d’histoire du judaïsme de Paris (De Superman au Chat du Rabbin), cette exposition en une salle reste très modeste. Le titre à lui seul résume toute la fraîcheur du Louvre face à sa propre audace : si le « petit dessein » est un clin d’œil au « Grand Dessein » d’Henri IV, projet de rattachement du palais du Louvre au palais des Tuileries, combien de visiteurs auront noté cette référence érudite ? La plupart se seront très certainement arrêté au qualificatif « petit » comme dans « petit art ».
Bien qu’étape importante dans la prise en compte de la bande dessinée comme véritable pratique artistique, « Le petit dessein- Le Louvre invite la bande dessinée » demeure finalement une proposition timide.
[1] A trois reprises, de 2004 à 2007, des artistes contemporains ont présenté leurs œuvres dans l’exposition permanente, en dialogue avec les collections du Louvre.
[2] La conservation préventive assure la préservation des œuvres par le contrôle du climat et de la lumière. Dans le cas des œuvres sur papier, la lumière est fortement limitée.
7 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON