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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > La carte et le territoire. Critique d’un fan déçu.

La carte et le territoire. Critique d’un fan déçu.

Itinéraire d’un Houellebecq raté : Destination « le Goncourt sans ses fans ».

Cela faisait 5 ans que l’on attendait. Cela faisait cinq ans que des fans ne cessaient de lire et relire poésies et romans houllebecquien disponibles en attendant le prochain. « La carte et le territoire » est un livre qui exclue malheureusement les fans.
« La carte et le territoire » est un Houellebecq raté.

Deux tiers de vide

Houellebecq avait aligné ses lecteurs à son style unique et sans ambages, il les avait attirés et s’était fait comprendre sans peines, sans forcer. Il avait la plume tranchante, un scalpel précis et froid mais indolore, la lecture relevait de l’évolution floue dans un environnement réel, malsain mais tendre, la douleur se percevait dans l’ensemble, pas de violence excessive ou de démonstrations faussement subversives (en dehors de Plateformes peut être), ses personnages étaient tous des sculptures oniriques et douloureusement réelles, de la pâte à modeler aux formes adoucies par l’écriture houellebecquienne…on finissait forcement par les aimer, au moins les comprendre.

Les situations, comme ses personnages dessinaient un véritable ensemble, une composition complexe et fluide, ils posaient l’atmosphère. Leurs avenirs respectifs, leurs paroles, leurs décisions étaient des potentialités de maux ou d’espoir. Les Michel(s), Bruno, Véronique, Raphaël tous avaient une existence, un sens, une vie. Aussi pitoyable soit-elle, elle s’exprimait, elle existait, elle nous parlait.

Ici, pour les deux premières parties de ce livre raté, il existe Jed, un artiste bientôt richissime à l’avis plat, qui mène une vie plate, qui a la chance de rencontrer une sculpturale russe inutile et blonde au centre d’un conglomérat de people sans intérêt.
Houellebecq, jusqu’ici, parlait à la masse. Même si « La possibilité d’une ile » était principalement menée par un riche humoriste, il restait la secte, la science-fiction, la biologie, la métaphysique, il restait de quoi parler à ses fans. Jed, le personnage principal de « La carte et le territoire », ne parle à personne, ne parle qu’à son père. Sujet « humain » principal, la relation Homme/Père n’est approfondie en rien, elle n’est pas maitrisée, elle ne sert à rien, n’apporte rien. Le reste, est plus ou moins un clin d’œil à la bande parisianiste de people dont les vrais lecteurs se foutent royalement.

Deux tiers de vide, car la troisième partie, articulée comme un polar sans surprises offre la parole à un policier de la criminelle, qui lui, devient un personnage dont on voudrait connaitre l’avis et la vie, dont on se souci, dont on veut tout savoir, comme pour les habituels personnages de Houellebecq. Les vrais lecteurs ne retiendront que cette partie là, les pages antérieures n’étant que du néant mal écrit, sans fond, sans humour, sans Houellebecq (malgré son apparition en tant que personnage).

Houllebecquisme optimal ?

Toujours détesté par la critique et les prix littéraires, Houellebecq aurait-il décidé d’optimiser sa production pour plaire à la minorité déterminante au détriment de la majorité aimante (et qui paye pour lire) ?
Une trahison calculée ?

Ce qui est évident : Pour une fois la critique est unanimement positive, les plateaux télévisés sont ouverts, le Goncourt est acquis, les médias dithyrambiques et les gens « connaissent » dorénavant Houellebecq, sans même le traiter de raciste ou de malade mental…il est simplement « bizarre » à la télé.

Une trahison, c’est le mot. Comme si son pote Beigbeder l’avait coaché pour griller les parigots « in ». Comme si, avant de finir, il fallait la reconnaissance des parisiens. Comme si la prostitution littéraire était admise. Houellebecq s’est prostitué, il oubli ce qui le fait, il oubli ses fans, il oubli ce qu’il est. Il obtiendra surement reconnaissance et gloire. Espérons qu’il ait, au fond, un peu de remords et de recul sur cette production inutile.
L’optimal d’un monde rectiligne où la prise de risques et l’avis ne sont pas valorisés, substitués par la norme et l’apparence, l’optimal qui devient la mode est aujourd’hui au bout de la plume de Houellebecq. Il laisse, comme des miettes de littérature jetées en pâture à ses fans déçus, la dernière partie de « La carte et le territoire ». « Tenez petits fans, je vous ai laissé ca ».

Un vrai raté plein d’avenir, ou des mémoires en préparation.

A la lecture de ce brouillon à peine fini, une fois refermé l’ouvrage raté, déçu, on se replonge vite dans les anciennes œuvres ou le blog de Michel, afin de ne pas garder un gout âcre, comme les restes acides au fond du larynx après un vomissement d’excès d’alcool.
On peut imaginer deux choses : Houellebecq ne cherche que la gloire pour finir son œuvre, ou bien, il a bâclé ce travail en préparation d’un autre, plus consistant, ses mémoires. Ses mémoires, le seul livre où il parlerait de lui-même en s’évitant le travail de distillation psychologique de multiples « Houellebecq » dans ses personnages, ce qu’il avait su faire avec brio jusqu’à présent.

Houellebecq est assuré du prix Goncourt ?

Pourtant, de tous ses livres, celui-ci le mérite le moins, il ne mérite rien. Même Plateformes, qui ressemblait plus à un scenario de film d’anticipation sociale était nettement plus remarquable, plus que cette platitude épaisse et ennuyeuse nommée « la Carte et le territoire ».

La possibilité d’un « foutage de gueule ».

A force de lecture et de relecture de l’œuvre complète de Houellebecq, on finit par connaitre l’auteur. Peu médiatique (ou pour de mauvaises raisons) mais tout de même visible, son cynisme et sa lucidité ne font plus aucun doute pour ses fans. Il est possible, dans un élan de compassion extrême envers l’auteur, de la part de ses fans, d’imaginer un Houellebecq ironiquement cynique produisant une œuvre volontairement pitoyable de son point de vue, conscient du peu de qualité finale, avouant qu’il s’agit là de l’unique vecteur de reconnaissance par ses pairs et autres décideurs du marché littéraire moderne.
D’ailleurs son personnage, Jed, est, semble-t-il, celui qui « réussi sans ramener sa grande gueule », photographe fier, qui laisse son œuvre « marketée », entourée « d’attachés de » et médiatiquement présentable, sans même se soucier du résultat, sans prendre de risques (et sans chercher la gloire). Un personnage en forme d’excuses déguisées.

Ce sera l’unique excuse imaginable pour avaler la sortie de ce livre inutile qui fait tache dans l’œuvre immensément respectable du Houellebecq précédemment admirable. Un pied de nez à l’ensemble qui le juge avec un produit littéraire qui les ridiculise au fond ? Tout ceci au prix de la déception de ses fans (et de lui-même espérons).

Ne pas acheter.

Ce livre attendu depuis longtemps ne mérite pas l’achat, il ne mérite même pas la lecture, en dehors du dernier tiers, ce n’est pas du Houellebecq, ce n’est pas lisible, ce n’est ni étonnant, ni drôle, le vocabulaire est affaibli, les structures de texte, globales ou locales, sont dénuées de surprises, les avis, les analyses sont inexistantes, les personnages sont inutiles, les situations sans intérêts…C’est de l’anti-Houellebecq. On notera la création d’un personnage Michel Houellebecq écrit par Michel Houellebecq…mais le blog qu’il tenait est bien plus généreux et travaillé que cette risible auto-description faussement dénigrante dont tout lecteur houellebecquiste n’avait pas besoin.

Espérons qu’un livre prochain, une fois le Goncourt acquis (puisqu’il semble que ce soit l’unique but de celui-ci), sera proche de ses lecteurs, sera un vrai livre, un vrai Houellebecq, ou des mémoires de l’auteur.

Je ne suis pas tout à fait plein de hargne car l’œuvre existante était déjà synonyme de gloire…Houellebecq aurait pu (ou du) s’arrêter avant « La carte et le territoire » (à moins que ses finances soient maitresses, comme il le sous-entend dans le livre et son Michel Houellebecq un peu en faillite).

Reste le gout amer d’avoir trompé ses fans, utilisés comme arme d’achat en masse pour enfoncer le poignard brulant et cynique aux parisiens qui le rejetaient, ce gout là passe mal, très mal.
Attendons qu’il se rattrape, ou bien Houellebecq restera pour la fin, auprès des critiques comme « L’auteur du siècle » et auprès de ses fans « Comme le traitre qui nous a lâché »…à voir.


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5 réactions à cet article    


  • morice morice 21 septembre 2010 11:21

    « Houellebecq, jusqu’ici, parlait à la masse »


    non : il EST à la masse.

    demandez à un ouvrier s’il a lu Houellebecq. Il n’a jamais écrit pour tout le monde, enfin !

    • Nedjil Tanbelard 21 septembre 2010 11:24

      Il suffit de le demander à moi-même. Je lisais houellebecq sans être cadre, sans même travailler. Enfin ! Je parle de masse « de lecteurs » i.e. de gens qui lisent.
      Pourquoi un ouvrier lit quoi exactement ? J’aimerais bien savoir...


    • pepin2pomme 21 septembre 2010 15:05

      Bonjour l’auteur,

      Comme vous, j’ai beaucoup aimé Les Particules et Platteforme. En revanche, j’ai été très déçu par son avant-dernier opus, La Possibilité... que j’ai pourtant acheté les yeux fermés. Je ne suis jamais « entré » dans le l’intrigue de ce livre et j’ai dû me forcer pour le finir.
      C’est pourquoi, je n’ai pas été tenté par La Carte..., et votre post me conforte dans l’idée que Houellebecq c’est plus pour moi.


      • Nedjil Tanbelard 21 septembre 2010 15:09

        Oui, je pense que vous serez déçu. Essayez de vous le faire prêter si vous pouvez...je ne l’ai terminé que parce que je l’ai payé (par principe)...puis la dernière partie rattrape légèrement la chose.

        Le plus gros mensonge, la pire insanité que j’ai pu lire comme critique (je crois que c’était sur AFP), c’était que ce livre était « Dans la continuité des particules élémentaires ».

        Je pense qu’un novice dans l’œuvre de Houellebecq ne reconnaitrai même pas qu’il s’agisse du même auteur d’un livre à l’autre...

        J’ai toujours trouvé Plateforme plus raté que le reste...finalement, avec la sortie de celui-ci, Plateforme prend du grade...La possiblité d’une ile m’avait beaucoup plut, c’est une affaire de gout, mais ca restait toujours du Houellebecq...Pas celui-ci...


      • Axel de Saint Mauxe Nico 21 septembre 2010 23:00

        En préface (ou postface) d’une lecture Houellebecquienne, je vous invite à lire le Vingt-septième Livre de Marc-Edouard Nabe.



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