La créativité liée à la folie
Faut-il être fou pour être artiste ? Les exemples de génies plus ou moins fous abondent, mais la corrélation est un peu simple pour en tirer une conclusion. Et encore faut-il s’accorder sur ce que l’on entend par “fou”… Même si l’on a aujourd’hui les moyens de s’introduire, par l’imagerie, dans le cerveau, les plus illustres fous ont disparu depuis belle lurette. Ce qui est logique puisqu’il y a plus d’artistes morts que d’artistes vivants.
Qu’aurait révélé un scanner de Ravel, une IRM d’Hemingway ? Une topographie par émission de positrons de Nietzsche ? La technique de la tomographie par émission de positrons (TEP) a justement été utilisée par des scientifiques suédois et américains pour tenter d’y voir un peu plus clair sur la relation entre art et “folie”.
Grâce à la TEP, ces deux équipes ont mis en évidence un lien entre les signes cliniques de certaines maladies mentales et une créativité supérieure à la moyenne. Un lien qu’il convient d’interpréter prudemment.
L’étude a porté sur certains récepteurs – les récepteurs D2 – d’un neurotransmetteur, la dopamine. “Nous nous sommes concentrés sur les régions où les anomalies dans la fonction dopaminergique ont été précédemment associées à des symptômes psychotiques ou à un terrain génétique favorisant la schizophrénie”, écrivent les auteurs dans le compte-rendu de leurs travaux publiés la semaine dernière dans PLos One.
La TEP a révélé qu’à l’instar de patients souffrant de troubles psychotiques, les personnes les plus créatives avaient une densité moindre de récepteurs D2 à la dopamine dans la région de l’hypothalamus. Des résultats interprétés avec mesure par les auteurs :
“Ces résultats montrent que le système de récepteurs D2 [à la dopamine] joue un rôle dans les capacités créatives et pourraient révéler un lien crucial entre créativité et psychopathologies. (…) Chez les personnes en bonne santé qui ne souffrent pas des effets préjudiciables d’une maladie psychiatrique, [cette moindre densité de récepteurs D2] peut être la cause d’un meilleur résultat au test de créativité.”
Alors, fous les artistes ? Non puisque les cobayes de cette étude n’ont aucun signe de psychopathologies, mis à part cette densité moindre de récepteurs D2. Et puis s’agit-il vraiment d’artistes ? La créativité des 14 personnes ayant participé à l’étude a été déterminée grâce à un test ad hoc, le Berliner Intelligenz Struktur Test. Selon les auteurs, il s’agissait de mesurer la capacité des cobayes à “produire un travail qui soit novateur et qui ait du sens”, ce que les auteurs définissent par le terme de “divergent thinking”.
Il est tentant de nouer un lien entre art et maladie, entre création et folie, tant les fous géniaux ont été prolifiques. En introduction de son livre Maux d’artistes, Sebastian Dieguez met en garde contre toute tentation de “réduire ou d’expliquer une œuvre particulière par la maladie de son auteur, et encore moins de l’art en général, ni même le génie, par la neurologie et la psychiatrie”.
Nous reparlerons bientôt de cet excellent bouquin. En attendant, n’oublions pas que d’autres artistes étaient en parfaite santé. A moins que leur folie ne se soit limitée à leurs récepteurs D2.
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