La culture est-elle le privilège de la gauche ?
« (…) la culture est un antidote à la violence, car elle nous invite à la compréhension d’autrui et féconde la tolérance, en nous incitant à partir à la rencontre d’autres imaginaires et d’autres cultures. »
Ce potentiel sujet de bac dans quelques jours, est-elle une citation de Malraux, de Jack Lang ?
Non, c’est de Renaud Donnedieu de Vabres lors de son discours à la convention UMP de la culture le 24 janvier 2006.
Il fut un temps, où la droite trouvant ses racines dans le gaullisme et la gauche chez Jean Jaurès, on considérait que l’éducation nationale, la culture, la prévention pour la délinquance, le développement de la recherche étaient des emblèmes de la gauche, la droite étant associée à l’industrie, l’économie, la gestion, l’autorité, la répression.
D’une part, l’école ouvrait le monde à la connaissance, aux connaissances et d’autre part une certaine idée de la France autour de l’économie maîtrisée dans un cadre de rigueur sociale et de discipline personnelle.
Mai 68 (mère de tous nos malheurs, nous dit-on) avait vu fleurir des discours libertaires : il est interdit d’interdire, faites l’amour pas la guerre.
Georges Pompidou, normalien, homme de culture, issu du milieu professionnel de la banque avait fait une espèce de synthèse et de liaison entre ces deux mondes.

Les combats Giscard-Mitterrand nous ramenaient à cette scission pérenne, souvenez vous de Giscard demandant à Mitterrand le cours du deutsche mark ?
La macro économie était l’apanage de la droite, le culturel au sens large du terme celui de la gauche.
Sur le terrain, au niveau régional, départemental ou de la cité, meurtris par cette image politique pour ne pas dire du sceau de l’infamie culturelle, il était fréquent de constater que la droite considérait qu’il fallait faire confiance aux professionnels de la culture pour gérer les structures culturelles et donnait bien volontiers les crédits nécessaires au bon fonctionnement de ces institutions. Seule l’extrême droite, dans un souci de populisme franchouillard menaçait de fermer des centres culturels (Chateauvallon), de couper les vivres au Festival d’Orange ou de vendre les oeuvres des FRAC). Les hommes politiques de droite avaient tellement peur d’être classés d’extrême droite !! La gauche a toujours eu sur le plan local des relations plus difficiles avec le monde culturel, elle a toujours souhaité que les troupes locales (souvent des « amis de la famille) soient privilégiées. Cette position peut avoir un sens dans les régions où la culture régionale a pour fondement une langue « vivante » et une culture historique ancienne et fortement ancrée encore aujourd’hui : Bretagne, Pays basque, Corse, Alsace etc.
C’était souvent les « copains d’ abord ». Ces dévotions du clivage gauche-droite sur la culture ont changé.
La droite classique et républicaine veut se donner des airs d’ouverture et c’est Frédéric Mitterrand qui a en charge le ministère de la culture et la gauche veut se donner des airs de gestionnaires.
Les hommes et femmes de gauche sont atteints, en particulier, dans la gestion culturelle d’une espèce d’enzootie sarkozienne.
Deux exemples des séquelles de cette pandémie :
- La Maison de la Culture d’Amiens, créée et inaugurée par Malraux vient d’être frappée de plein fouet par une foucade de Monsieur Claude Gewerc, président socialiste de la région Picardie. Successeur de Monsieur Charles BAUR, dont la gauche avait anathématisé son élection car élu avec l’aide des conseillers du FN, vient de ramener une subvention de 300.000 euros à 50.000 euros.
Sans débat contradictoire, sans demande préalable d’explications, cette décision fut prise pour les motifs les plus variés : souhait de partager les fonds publics entre les scènes picardes, mauvaise prestation pour l’accueil de l’orchestre de Picardie etc. le feuilleton est long et biscornu.
Cette décision usurpatoire met gravement en péril la MCA qui avait déjà, comme c’est l’usage, programmé sa saison 2009-2010 et pris des engagements contractuels fermes et définitifs.
Son collègue, président du conseil général, socialiste, gestionnaire en « bon père de famille » vient de se distinguer en interdisant dix jours avant l’ouverture une exposition de dessins réalisés par des dessinateurs de BD dont les talents sont reconnus par les professionnels.
Les dessins seraient une atteinte à l’image de la femme et contraires aux valeurs que le conseil général de gauche portent !
Pour mieux assumer sa pudibonderie, il va même invoquer dans une argutie casuistique que ces dessins de femmes peuvent faire penser à des enfants - argument suprême, il y aurait de la pédophilie dans l’air ! Dans le même esprit, le FN a jugé utile de publier un communiqué approuvant cette démarche preux.
Alors cette culture, de gauche ou de droite ?
Certains pourraient y voir, la fin du schisme gauche-droite, le bon sens et la raison l’emportant sur le bipartisme, la gestion de la raison au profit du bien public ?
Ce serait naïf, reprenons à notre compte la citation (il faut toujours en mettre dans les copies au bac !) de François de la Rochefoucauld « s’il y a des hommes dont le ridicule n’ait jamais paru c’est qu’on ne l’a pas bien cherché. »
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