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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > La fin de la métaphysique ?

La fin de la métaphysique ?

Heidegger n’en aura jamais fini d’écrire sur Nietzsche. Après son mémorable ouvrage sobrement intitulé Nietzsche, voici une édition inédite autour de la très problématique question de la métaphysique dans l’oeuvre de l’auteur du Zarathoustra.

Voici donc une œuvre tout à fait captivante qui réunit à la fois un texte sur l’achèvement de la métaphysique mené à bien par Nietzsche selon Heidegger et un texte croisé entre un penseur et un poète : Nietzsche et Hölderlin. Cet ouvrage réunit donc deux cours que Heidegger souhaitait publier ensemble.

Le premier : La Métaphysique de Nietzsche ne se présente pas comme un exposé de doctrine, mais amène à comprendre comment la pensée de Nietzsche est tout entière animée par la métaphysique, au point qu’elle lui donne son ultime visage.

En effet, tandis que Nietzsche s’affirme l’initiateur d’un commencement réellement nouveau en philosophie, Heidegger voit en lui, au contraire, l’achèvement grandiose et inquiétant de la métaphysique occidentale. Par le primat que s’arroge ici la notion de valeur, par l’effacement complet de l’idée de l’Être, par le concept de la volonté de puissance où culmine la prétention du sujet à « arraisonner » l’étant selon les normes planifiées de la technique, par l’apologie du surhomme (qui confirme les ambitions mortelles du sujet), enfin par tous les préjugés dans lesquels se véhicule l’impensé de la tradition métaphysique, la philosophie nietzschéenne, selon Heidegger, appartiendrait à l’histoire de « l’oubli de l’être » qui, à ses yeux, définit l’essence de cette métaphysique. L’examen des écrits de Nietzsche cautionne malaisément une telle lecture dont, toutefois, on peut admirer l’envergure et la richesse. Le second texte, sobrement intitulé Introduction à la philosophie, penser et poétiser a pour but d’approfondir ce qui a déjà été vu dans La Métaphysique de Nietzsche : l’achèvement de la métaphysique signe la nécessité du rapport entre pensée et poésie. On peut alors parler d’un commentaire axé sur le thème de l’interprétation et de la vérité qui se révélerait apte à protéger le dynamisme constructeur de la pensée nietzschéenne, spécialement contre les tentatives répétées d’annexer Nietzsche à des formalismes dogmatiques dont il a pourtant lui-même donné, par anticipation, la réfutation magistrale. « La guise de cette pensée est bâtisseuse ».

« Elle édifie quelque chose de tel qu’il ne se tient pas du tout encore - et n’aura peut-être jamais à se tenir comme ce qui est là devant. Edifier, c’est ériger. » Nietzsche qui s’est d’abord appliqué à montrer que l’interprétation métaphysique constitue une falsification délibérée, reproche au métaphysicien de donner une lecture défectueuse du texte de la nature. « Halluciné des arrière-mondes », le métaphysicien ne déchiffre pas les phénomènes tels qu’ils sont, il les escamote sous des projections fantasmatiques. Il forge le concept de l’« être » par haine du devenir et de la vie. Or, puisque seule existe cette réalité que l’on s’acharne à disqualifier en la taxant de simple apparence, il faut conclure que la métaphysique n’est qu’une fabulation autour du néant. L’idéal, c’est le néant érigé en idole.

Car « l’homme, selon Nietzsche, cherche un principe au nom duquel il puisse mépriser l’homme ; il invente un autre monde pour pouvoir calomnier et salir ce monde-ci ; en fait, il ne saisit jamais que le néant et fait de ce néant un "Dieu", une "vérité", appelés à juger et à condamner cette existence-ci » Ainsi donc, en tant que penseur de ce temps de l’achèvement de la métaphysique, Nietzsche en vient à être poète. Poète de ce temps, tel Hölderlin qui en vient à être penseur. De cette étonnante proximité de la pensée et de la poésie, Heidegger propose une méditation qui prend sa source dans l’Histoire, car Nietzsche et Hölderlin sont penseurs et poètes dès qu’il leur faut se confronter à ce qui, en notre temps, « est ». De fait, dans cette dialectique mettant en question le rapport entre pensée et poésie, nous sommes habilement amenés à penser à partir de ce qui nous concerne tous essentiellement.

Achèvement de la métaphysique et de la poésie : La Métaphysique de Nietzsche - Introduction à la philosophie. Penser et poétiser, trad. de l’allemand par Adéline Froidecourt, 208 pages, Collection Bibliothèque de Philosophie, série Œuvres de Martin Heidegger, Gallimard, Mars 2005


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5 réactions à cet article    


  • ZEN ZEN 10 décembre 2007 14:09

    « La Métaphysique de Nietzsche »

    Ce titre énonce un malentendu sur la pensée de Nietzsche. Celui-ci n’a de cesse de dénoncer la métaphysique, telle qu’elle se manifeste dabord sous sa forme platonicienne, comme une entreprise sans objet . Le Sens, la notion de Vérité absolue, est pour lui une illusion qui s’apparente à la quête religieuse. Mais un certain Kant avait déjà ouvert la voie à sa manière...


    • Sylvain Reboul Sylvain Reboul 10 décembre 2007 14:42

      Je ne vois pas bien en quoi une « philosophie » qui fait de l’être des étants, par delà tout étant, l’objet d’une révélation mystico-philosophique (plus mystique que philosophique) par delà toute expérience possible (révélation non exprimable par concepts rationnels argumentés sur fond d’expériences des étants ou phénomènes) serait moins métaphysique et moins arbitraire qu’une théologie positive bien classique.

      Sur ce point c’est plutôt Kant qui a raison : une connaissance qui se prétendrait libérée de toute référence phénoménale est nécessairement métaphysique ; elle permet de d’affirmer ce que l’on veut et/ou son contraire.

      S’il s’agit d’éthique ou de politique et non pas de connaissance, on sait ou peut conduire, chez Heidegger même, un culte de l’être révélé sur fond de mépris des êtres, des libertés, des droits des hommes etc..

      Une petite contradiction dans cette vision « historiale » de l’être : si l’oubli de l’oubli de l’être est produit par l’histoire même de l’être, sous la forme de la métaphysique depuis Platon, je ne vois pas en quoi une mystique négative anti-moderniste pourrait y changer quoi que ce soit : autant exiger de renoncer pour une colombe à faire usage de ses ailes et de la résistance de l’air pour s’envoler... Mais Heidegger se passe du principe de raison qu’est le principe de non-contradiction pour penser. En cela comment l’appeler encore philosophe ?

      L’être des étant dont il bat le rappel et prétend s’en faire le berger, n’a par définition aucune détermination, donc aucune définition ; il est un terme vide de sens, inapte à fonder quelque proposition sensée que ce soit ; un trou sans fond !

      Heidegger est-il philosophe ?


      • Thierry Thierry 11 décembre 2007 09:52

        @ Ægidius REX

        Vos propos scatologiques me font penser qu’il est temps pour vous d’aller à confesse.


      • Frédéric BOYER Frédéric BOYER 10 décembre 2007 23:04

        Bonsoir,

        Vous avez écrit « métaphysique »,

        en soi, c’est déjà une provocation.

        Tenter de réfuter la métaphysique, c’est déjà lui faire place,

        Et celà mérite s’être relevé,

        Cordialement.


        • cousin 11 décembre 2007 07:31

          rien ne peut se transformer ; rien ne naît de rien ; tout a toujours existé ; ce qui n’est rien ne peut devenir quelque chose ; et, comme rien ne peut devenir autre chose, il n’y a guère que l’être et l’éternel ; donc nos sens sont voués à l’illusion

          Parménide

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