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La garde rapprochée du Premier Empereur de Chine quitte Paris dans une semaine

Un trésor de l’humanité dans le tombeau d’un des dictateurs les plus sanguinaires du monde. Visible exceptionnellement à Paris pour quelques jours encore.

Au IIIe siècle avant J.-C., les Yan, les Chu, les Zhao, les Lu (le peuple le plus raffiné de l’époque) et les Wei se querellaient sans cesse pour dominer cette époque dite des Royaumes Combattants. En principe, les rois Zhou étaient les plus forts depuis huit siècles.


L’unification de la Chine

Fils d’une chanteuse, Ying Zheng devint à 13 ans roi de Qin après quelques morts suspectes (il commença la construction de son tombeau à cette date, tombeau qu’il ne verra jamais), mais c’est sa mère qui assuma la régence jusqu’à 22 ans. L’amant de sa mère préparant un coup d’État, il exécuta toute la famille de ce dernier, y compris ses propres demi-frères.

En seize ans, il attaqua tous les autres royaumes qu’il unifia par la ruse ou par la force et en 221 avant J.-C., il se proclama Qin Shihuangdi, Premier Auguste Empereur de Qin, autrement dit le Premier Empereur de Chine (un peu comme le fera à Rome deux siècles plus tard Octave Auguste). Il régna onze années, ce qui est court pour un si grand empereur. Mégalomane, il fit construire les 600 kilomètres de la Grande Muraille de Chine.


Un dictateur cruel mais innovant redécouvert par Mao

Le Premier Empereur a initié de nombreuses innovations pour les Chinois et, en premier lieu, l’unification de l’écriture pour que tous les peuples chinois puissent se comprendre.

Il a aussi déporté de force de nombreuses populations pour aller exploiter des terres encore vierges, ce qui évita dans les siècles qui ont suivi de nombreuses famines et permit à la Chine d’avoir de nombreux canaux pour irriguer les champs.

Cependant, son règne fut avant tout onze ans de terreur telle que, pendant vingt-deux siècles, les Chinois le laissèrent dans l’oubli, tellement il était synonyme de barbarie.

Gouvernant seul par décret, l’empereur dirigeait aussi avec une minutie tatillonne, s’occupant personnellement de la taille des essieux des charrettes ou de la quantité de grains que devait semer chaque paysan.

En supprimant l’hérédité des charges nobiliaires et en organisation une administration et une police efficace, l’empereur pensa instaurer une dynastie qui durerait « des dizaines de milliers d’années » et qui finalement ne dura que treize ans, les Chinois s’étant révolté quelques mois après sa mort contre le Second Empereur à cause d’impôts trop lourds.

C’est Mao Zedong qui en ranima la mémoire et le réhabilita… Il faut dire qu’il avait adopté les mêmes méthodes policières avec sa Révolution culturelle. Et c’est aussi parce que sous Mao fut découverte sa tombe, au pied du mont Li, un monticule de 87 mètres de haut et d’une base de 350 mètres par 345 mètres dans la vallée de la Wei (province Shaanxi, à 35 kilomètres de l’actuelle Xi’an). Deux paysans avaient découvert par hasard une armée souterraine en mars 1974.


La plus grande tombe de tous les temps

Depuis donc quelques décennies, les archéologues chinois mettent en valeur le site et surtout les fabuleux trésors de la tombe du Premier Empereur.

Jugez un peu de l’horreur du tyran : son tombeau était une très complexe construction dont il a fait exécuter tous les ouvriers (il y en avait 700 000 d’après Sima Qian), car ils en savaient évidemment trop au sujet de l’emplacement des objets précieux. Ils furent donc emmurés vivants.

Le mausolée, sans doute le plus grand du monde avec ses 51 kilomètres carré, renferme une cité souterraine avec plusieurs palais, remplis de perles, bijoux, statues en or et en argent. Une mer de mercure y coule avec la représentation des fleuves chinois. Des protections astucieuses empêchèrent l’intrusion de voleurs et de vandales.


Une mine pour l’archéologie mondiale

Un trésor fabuleux, en effet. Le plus célèbre, c’est l’armée de 6 000 statues disposées en 38 colonnes découverte à 1,5 kilomètre de la tombe elle-même. Aujourd’hui, leur nombre est estimé entre 7 et 8 000 soldats.

La tombe elle-même de l’empereur n’a pas encore été fouillée. Une polémique récurrente accompagne cette perspective, polémique aussi connue dans les fouilles égyptiennes.

L’exhumation du Premier Empereur pourrait en effet apporter beaucoup plus de connaissances historiques que les fouilles des pyramides égyptiennes. Et aussi, pourrait renforcer les recettes touristiques d’une des régions les plus pauvres de la Chine.

Mais la Chine n’a pas encore les moyens technologiques pour réaliser ces fouilles sans dommage. L’accès à la lumière et à l’air détériore inexorablement les objets. La peinture des soldats en terre cuite a été perdue car on ne dispose encore pas des moyens scientifiques de la préserver. Le déconfinement de la mer de mercure pourrait également entraîner une catastrophe écologique.


Occasion unique pour les Européens

C’est une chance unique pour les Européens. Sans doute par marketing politique pour favoriser leur participation aux jeux Olympiques de Pékin, la Chine a accepté de prêter quelques statues de choix, en terre cuite et en bronze, à Londres (au British Museum) puis à un musée privé de Paris.

À Londres, cette exposition (qui finissait le 6 avril 2008 avant d’être transférée à Paris) a été considérée comme la plus importante exposition de Grande-Bretagne depuis 1972 avec la présentation publique du masque en or de Toutankhamon.

Un pari politique insensé car, scientifiquement, c’est de la folie ! Un conservateur chinois rationnel aurait refusé tout déplacement. Plus de trois semaines ont été nécessaires pour emballer chaque spécimen, et le moindre contact avec un doigt (la peau humaine est remplie de graisses et d’alcalins) sur la terre cuite la réduit inexorablement en poussières. Les risques étaient donc très grands de perdre une partie de ce beau capital de l’humanité (ou de l’inhumanité, si on en juge par la cruauté de l’empereur).

Bizarrement, ce n’est pas le Louvre qui a été choisi, mais la Pinacothèque, qui a rouvert ses portes le 15 juin 2007 juste derrière La Madeleine.

Il est d’ailleurs recommandé de réserver sa place à l’avance pour éviter une trop longue attente. Beaucoup de touristes étrangers en font aussi la visite, sans doute en raison de la proximité des Champs-Élysées et de la place de la Concorde.


L’exposition en elle-même

Il y a peu de grandes statues en terre cuite (d’environ deux mètres de haut) qui proviennent de l’impressionnante armée souterraine.

Le reste de l’exposition, ce sont des petits ou gros objets de la vie courante ou des ornements d’époques diversifiées.

Par exemple, des cloches en bronze du VIIe siècle avant J.-C. Exemple de ce qui est écrit sur un panneau présentant ces cloches :

« Parmi les objets rituels utilisés par les aristocrates de leur époque, les cloches furent sans doute les pièces les plus prisées et ceux qui les fondaient étaient à l’âge de bronze en Chine l’équivalent du physicien du nucléaire de nos jours. »

En effet, chaque cloche en bronze donnait deux sons car sa section était elliptique et pas circulaire (le parcours du marteau était donc plus ou moins long) et suivant la taille de la cloche, on obtenait différentes notes qui étaient ‘calculées’ par ces éminents docteurs-fondeurs.

L’art chinois n’a donc rien à envier à l’art égyptien antique… dont on retrouve quelques motifs décoratifs.

Mais revenons aux statues. Donc, statues de soldats et statues de chevaux. D’une précision très élevée. Aux traits plutôt anguleux et avec quelques contours ronds. Les plus spectaculaires sont celles en terre cuite (car de grandes dimensions), mais celles en bronze sont aussi très admirables.

Quelques détails remarquables comme ces attaches de ceinture, avec les différents trous pour la régler. Peu de changement avec nos ceintures actuelles ! Et vraie précision du détail. Une mine pour connaître la vie de l’époque.


Gardien du temple

Au sous-sol, le véritable trésor y est gardé avec rigueur et vigilance. Petites tiges en fer tout autour des colosses en terre cuite visant à les protéger des visiteurs indélicats. Un gardien fait le compte-goutte à l’entrée de la salle.

Dès qu’un visiteur semble approcher une main vers une statue, un autre gardien est là pour lui faire la leçon.

Étonnant gardien que ce dernier, d’ailleurs. J’ai aperçu son visage juste après avoir admiré la représentation d’un officier supérieur dont la tête abordait un air un peu sévère, une fine moustache et une barbiche pointue… un peu comme le gardien. Comme si l’officier supérieur chinois de l’époque Qin, sortant de son éternité terrienne, reprenait vie et essayait de protéger ses compagnons en terre cuite.

Car ce gardien est inlassable. J’imagine sa faible paie et j’imagine qu’il pourrait très bien garder d’autres univers, un hypermarché de banlieue, par exemple. Mais, là, il est intarissable. Sans doute parce qu’il a été étonné. Et fasciné.

Alors, à qui veut l’entendre, il raconte. Il ne raconte rien d’historique. Rien d’archéologique. Rien d’artistique. Non, il raconte les conditions de transports, d’emballage, de préservation de ces statues. La minutie employée. La délicatesse demandée. La précaution du personnel. La terreur du conservateur.


Une bonne introduction à l’histoire de Chine

Pas besoin d’être fin connaisseur de l’histoire de la Chine impériale pour apprécier l’exposition, mais c’est assurément un bon moyen de s’y initier et d’y goûter ses grandes subtilités.

Rappelons par exemple, le nom des époques chinoises précédant le Premier Empereur, les équivalents de nos époques européennes : Antiquité, Moyen Âge, Renaissance, etc. : en Chine, avant la dynastie Qin, il y a d’abord eu l’époque des Printemps et des Automnes de 722 à 481 avant J.-C., puis l’époque des Royaumes Combattants de 475 à 221 avant J.-C.


Les six derniers jours

Si vous n’y êtes pas encore allé, vous n’avez plus que six jours pour voir cette exposition historique. Plus jamais vous n’aurez l’occasion de la revoir.

À moins de faire le déplacement en Chine centrale et de demander aux autorités chinoises l’autorisation de visiter le site, comme l’a fait il y a quelques mois le président Nicolas Sarkozy…


C’est à La Pinacothèque,
28 place de la Madeleine
75008 Paris

"Les Soldats de l’éternité"
Du mardi 15 avril au dimanche 14 septembre 2008.
Tous les jours de 10 h 30 à 18 h 00.
10 euros l’entrée.
http://www.pinacotheque.com


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (8 septembre 2008)


Pour aller plus loin :

Un reportage de 26 minutes sur la mise en place de cette exposition.

Faut-il exhumer le Premier Empereur de Chine ? (27 février 2007).

Composition chimique des statues en bronze (et album photo à faire défiler). 

Et une base documentaire intéressante :
Connaissance des Arts, hors-série n° 356 : "Les soldats de l’éternité, les guerriers de Xi’an".





Documents joints à cet article

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7 réactions à cet article    


  • Pierrot Pierrot 8 septembre 2008 14:29

    Article intéressant.

    Le tombeau du "premier" empereur de Chine est une découverte archéologique fantastique dont l’essentiel reste encore enterré.

    Par contre, j’ai été déçu par l’exposition à la Pinacothèque à Paris, du fait de la faiblesse des pièces présentées (certaines fort belles) par rapport à l’importance des statues découvertes.

    Peut être à revoir dans quelques années ?


    • stephanemot stephanemot 9 septembre 2008 01:50

      Pour ma part, je m’attendais au contraire a ce que l’expo compte moins de pieces majeures compte tenu de l’exiguite du site et de la valeur / fragilite de ce tresor.

      La Pinacotheque a tres vite trouve sa place dans un paysage pourtant encombre, et ca va un peu retomber par la suite (Rouault, Utrillo - On retrouve un siecle plus connu de Marc Restellini), ses dirigeants ont ici reussi un authentique coup de maitre.

      Je serais curieux de savoir comment ils ont reussi leur coup. Le Credit Agricole est proprio du site, mais pour un truc pareil il faut de sacrees entrees a Beijing.


    • wangpi wangpi 9 septembre 2008 09:41

      Le point culminant du factice est sans conteste atteint par ce risible faux bureaucratique chinois de ces grandes statues de la vaste armée industrielle du Premier Empereur, que tant d’hommes d’état en voyage ont été conviés à admirer in situ . Cela prouve donc, puisque l’on a pu se moquer d’eux si cruellement, qu’aucun ne disposait, dans la masse de tous leurs conseillers, d’un seul individu qui connaisse l’histoire de l’art, en Chine ou hors de Chine. On sait que leur instruction a été toute autre : "L’ordinateur de votre excellence n’en a pas été informé".
      Cette constatation que, pour la première fois, l’on peut gouverner sans avoir aucune connaissance artistique ni aucun sens de l’authentique ou de l’impossible (ces statues sont impossibles sur le simple plan de la forme, directement inspirée de la statuaire stalinienne, et de l’histoire chinoise - les cavaliers n’existaient pas à cette époque, etc.), pourrait à elle seule suffire à conjecturer que tous ces naïfs jobards de l’économie et de l’administration vont probablement conduire le monde à quelque grande catastrophe ; si leur pratique effective ne l’avais pas déjà montré.
      Pour info, seules des "copies" circulent à l’étranger, le musée londonien qui avait reçu l’assurance de disposer d’"originaux" a découvert qu’ils s’agissaient aussi de "copies", et a porté plainte.
      Je défie n’importe quel scientifique indépendant de dater une seule de ces statues "originales".
      Sinon, l’article est pas mal écrit.


    • wangpi wangpi 9 septembre 2008 09:49

      J’oubliais : Depuis 34 ans, les chinois ne "sont pas prêts" pour fouiller la tombe de l’empereur... Peut-être n’est-elle pas terminée.


    • Internaute Internaute 8 septembre 2008 16:19

      Je ne vois pas ce que vient faire l’humanité dans cette histoire. Le trésor est chinois tout court et n’appartient pas aux autres. Vous parlez comme tous ces maires qui espèrent faire inscrire leur petit monument au patrimoine mondial de l’humanité. Quelle vanité !



        • geo63 8 septembre 2008 20:05

          J’ai visité le site que vous évoquez près de Xi’An en 1998, le silence qui règne dans l’immense salle voûtée qui accueille cette armée de terre cuite est très impressionnant. On circule autour de ces "soldats de l’éternité", mais avec une relative liberté. L’un des paysans découvreur du site (? ?) m’a dédicacé "son" livre, avec photo à l’appui, of course.
          Votre article est plein d’annotations pisse-vinaigre, celle qui m’a le plus amusé est : "Et aussi pourrait renforcer les recettes touristiques d’une des régions les plus pauvres de Chine". Il y a dix ans déjà l’accès au site s’avérait difficile compte tenu de la foule (avec un fort accent américain) ! Je ne parle pas des innombrables marchands, redoutables pour qui les a pratiqué. La région ne m’est pas apparu spécialement pauvre et Xi’An (chi’an) est une ville agréable avec une très belle mosquée...car il y a des musulmans, il suffit de voir certaines patisseries pour s’en convaincre. Il y a aussi un extraordinaire restaurant de raviolis...
          Quant au fait que la tombe de l’empereur n’ait pas été fouillée, la version présentée par des chinois éminents est qu’ils ne se sentent pas prêt (psychologiquement ?) pour cela. Bien sûr on va ricaner dans notre pays si ouvert !

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