La mort et la guerre dans la Biennale d’art contemporain de Dakar
Après le boom du marché de l’art de la fin des années 1970, au cours des années 1980, les critiques et les marchands ainsi que les commissaires sont à la recherche d’un certain primitivisme. S’ils ne le trouvent pas dans les travaux des artistes nord-américains et européens, ils iront le chercher non seulement dans l’art de l’Amérique du Sud et de l’Océanie, mais aussi dans les travaux des artistes contemporains africains.
Cette nouvelle recherche de primitivisme se manifeste dans l’intérêt croissant pour les expositions internationales des pays sud-américains et africains, comme la Biennale internationale de São Paulo (Brésil), la Biennale de Havana (Cuba) et la Biennale de Dakar (Sénégal), ainsi que par l’organisation d’expositions comme Les magiciens de la terre (Centre George Pompidou, Paris 1989) où figuraient des artistes non occidentaux. Ces expositions ont encouragé des collectionneurs comme l’Italien Jena Pigozzi à acheter de l’art africain. Pour la première fois, les objets d’art africain sont montrés en Europe et en Amérique du Nord non comme des artefacts dignes d’être exposés dans les musées d’anthropologie, mais comme de l’art à part entière.
Si dans la dernière Biennale de São Paulo, la photographie africaine a bénéficié d’une bonne visibilité, avec les travaux de Zwelethu Mthetwa (Afrique du Sud), Cornelius Augustt Azzaglo (Togo), Otobong Nkanga (Nigeria), Eileen Perrier (Grande-Bretagne/Ghana), Jean Depara (République démocratique du Congo), Samuel Fosso (Cameroun), Abderramane Sakaly et Mama Casset (Sénégal), la DaK’Art : Biennale d’art contemporain de Dakar, inaugurée il y a quelques jours, nous montre les œuvres d’un large éventail d’artistes africains selon une perspective africaine. Pour le commissaire général de l’exposition, Yacouba Konaté, il s’agit d’essayer de répondre à certaines questions, dont : « Que n’avons-nous pas entendu sur notre compte, et que ne disons-nous pas sur nous-mêmes, nos coutumes et nos valeurs ? Que ne disons-nous pas sur nos voisins proches et lointains qui ,du reste, nous le rendent bien ? ».
C’est toujours fascinant de voir comment les artistes, qui
travaillent avec des langages et des techniques les plus diverses,
négocient face aux demandes du marché d’art occidental, assoiffé
d’exotisme. D’autre part, plusieurs travaux mettent en valeur les
catégories tradition/modernité et passé/présent. Pendant que la peinture tridimensionnelle de l’artiste béninois Ludovic Fadairo mise plutôt sur un dialogue avec les religions traditionnelles, l’artiste nigérien Dilomprizulike
traduit, dans ses installations, la vie quotidienne dans les grandes
villes. Les matières recyclées y jouent rôle fondamental. Différemment,
les artistes représentant la République démocratique du Congo mettent
l’accent sur le passé récent : la guerre et le deuil sont omniprésents.
Berry Matundu
raconte l’histoire du pays selon une perspective narrative qui combine
image et texte. Cette même perspective de récit de faits historiques récents par la mise en scène de la guerre et du deuil peut
être vue dans l’installation d’Aimé Mpane ainsi que chez Freddy Tsimba,
qui construit des corps lacérés avec des restes de munition soudés.
Même si chaque oeuvre etchaque artiste mériterait un examen plus détaillé,
force est de constater que la mort et la guerre veillent les travaux
exposés dans cette nouvelle édition de Dak’Art.
Pour ceux qui s’intéressent à l’art et à la photographie africains : ne manquez pas l’article sur l’exposition Snap Judgements publié dans l’Amateur d’Art.
(Photo : sculpture de Freddy Tsimba)
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