La musique pour tous
Télécharger, acheter. Deux concepts qui quand on parle aujourd’hui d’art, de musique en particulier, sont bien souvent mis en opposition l’un à l’autre.
La réalité est là : de moins en moins de gens achètent de disques. A qui la faute ? On pointe du doigt les pirates dont les téléchargements illégaux sont à la source de tous les maux. Maisons de disques, artistes et fervents mélomanes condamnent l’acte de téléchargement, chacun avec leurs raisons. L’évident manque à gagner pour les deux premiers, et pour les autres, l’angoisse de voir disparaître les artistes que l’on affectionne. Angoisse qui pourrait finir par se concrétiser … mais pas nécessairement pour tous, explications.
Pourquoi ces artistes pourraient venir à quitter la scène pour de bon ? Tout simplement parce que dans l’aspect « transaction commerciale » de leur musique, ce sont eux qui, financièrement, gagnent le moins. Les maisons de disque prennent des marges énormes et sur l’ensemble du produit, ce sont elles qui remportent le gros lot. Cela se ressent notamment au niveau des prix lors d’un achat de cd : trouver un disque neuf à moins de 20 euros à sa sortie est difficile. Les consommateurs, sont d’un côté, les générations nées avec internet, aux yeux de qui la gratuité de la musique est légitime et donc pour qui la questionne de télécharger ou non ne se pose même pas. D’un autre côté, il y a ceux qui sont parfaitement conscients de l’abus que constituent leurs téléchargements mais persistent à le faire, car quand bien même ils auraient les moyens d’acheter tout ce qu’ils « volent » ils continueraient à le faire. Enfin, dans la tête du consommateur lambda, entre s’offrir gratuitement l’album sur internet (illégalement cependant) même s’il n’y tient pas tant que ça, l’écouter gratuitement sur Deezer, ou bien débourser 20 euros (ce qui est il faut l’admettre beaucoup sur l’ensemble d’un budget « divertissement », notamment pour ceux n’ayant pas de encore de revenus réguliers), le choix semble facile. Surtout à partir du moment où il tient compte de ses besoins « vitaux », autrement plus urgents.
Ces trois catégories de consommateurs justifient en partie pourquoi on peut aujourd’hui s’inquiéter de l’avenir des artistes pour qui les pertes sont non négligeables. Encore que les musiciens signés sur des majors de l’industrie du disque peuvent arriver à survivre. Mais ceux qui subissent le plus douloureusement les conséquences de cette « dématérialisation » de la consommation musicale, ce sont bien les artistes indépendants. Autrement dit, ceux qui n’ont pas le renfort d’un puissant label derrière eux, ne disposent pas d’énormes outils de promotion. Ceux qui n’ont pas droit au même matraquage radio et par conséquent ont un niveau d’exposition médiatique réduit comparé aux autres. Ceux là qui sont souvent contraints d’adopter un emploi « à côté » de celui d’artiste, car ce qu’ils gagnent par ce biais ne leur permet pas d’en vivre.
Le revers de leur indépendance se ressent donc lourdement aujourd’hui qu’une immense majorité de consommateurs choisissent la facilité. Le public, surtout les plus jeunes, s’est habitué à la musique numérisée, mais là n’est pas le problème, c’est plutôt qu’il veut de la musique gratuite. Ce public n’a malheureusement souvent qu’une vague conception des conséquences que cela impliquerait. Ou même si elle est consciente du danger, se dit « qu’un de plus ça ne fera pas de mal ». Mais à force de gagner de moins en moins, si cette mentalité qui veut que toute la musique soit « offerte » progresse, les artistes, les indépendants en premier lieu, finissent par être contraints d’abandonner leur profession.
Voilà, où nous en sommes. Un point où à l’exception des amoureux de la musique, peu nombreux sont ceux qui font encore la démarche de se rendre chez un disquaire. On préfère empiler cet art comme un tas dans son disque dur, en le volant qui plus est, parfois-même sans jamais l’écouter. Ce constat, on pourrait aussi bientôt l’élargir vers le cinéma ou la bande dessinée. Nous nous orientons vers un système où la gratuité de l’art semble s’imposer de manière logique parce que cela tend à s’insérer dans les mœurs, mais aussi, parce que l’art, en prenant le cas de la musique, prend un coût de plus en plus élevé. Ce que beaucoup ne peuvent avoir, ils choisissent de le prendre. Qu’advient-il alors de ceux qui créent ? Que faire pour qu’ils puissent continuer à exercer, qu’ils puissent en vivre, sans ruiner leur public ? En définitive, si eux venaient à disparaître, nous serions tous perdants.
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