La parabole de « L’apôtre »
"L'apôtre" raconte l'itinéraire spirituel d'un jeune musulman "apostat". Cheyenne-Marie Carron ose s'attaquer à l'un des problèmes les plus brûlants de notre société.
Le dernier film de Cheyenne-Marie Carron, "l'apôtre" raconte la conversion au christianisme d'un musulman, dont le frère, lui, va devenir Imam. Tourné avec des moyens limités, le film se concentre sur l'essentiel : la force des sentiments, le choc des personnalités, le drame humain, le jeu des visages. L'économie des moyens ne gène en rien le déroulé d'une intrigue haletante. Tels Caïn et Abel, Romulus et Remus, les deux frères vont s'affronter brutalement, illustrant un thème intemporel et universel.
Le film est sans concession pour l'Islam, et le christianisme sort grandi de la comparaison (sur la charité, l'apostasie, etc.). Néanmoins, le propos est d'autant plus fort qu'il est mesuré, sans manichéisme. Les musulmans ne sont pas des "islamistes", la vie de famille est chez eux attachante, les femmes sont rarement voilées.
Certes, la figure du prêtre est un modèle, mais le personnage de l'Imam n'est pas une caricature. C'est un sage, un modéré, qui sait calmer les jeunes musulmans de son école coranique. Lorsque ceux-ci réclament par exemple le droit d'avoir plusieurs femmes, habilement, il complique les conditions acceptées pour la polygamie jusqu'à la rendre impossible...Pourtant, son jeune élève, abordant l'une après l'autre les différences entre les deux religions, finit par se dresser contre lui et contre toute sa famille : "C'est Jésus, le fils de Dieu, qui a touché mon coeur..."
Le "happy end" de la fin peut être critiqué. Les deux frères, réconciliés, prient ensemble devant la maison familiale qui représente peut-être la France. On dit que Corneille peint les hommes tels qu'ils sont, et Racine tels qu'ils devraient être. De ce point de vue l'ensemble du film est "corneillien", sauf la dernière scène, qui relève plutôt du modèle racinien...
Tel quel, ce film touchant, qui s'attaque courageusement à l'un des problèmes les plus brûlant de notre société, n'est joué que dans de trop rares salles et affronte dans une lutte inégale les blockbusters américains, machines à faire de l'argent et à formater les cerveaux. C'est une raison de plus de lui donner sa chance. Courez rencontrer L'apôtre.
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